LA LETTRE DU COMMANDANT MASSOUD

LA LETTRE DU COMMANDANT MASSOUD

Hier, Paris a rendu hommage au Commandant Massoud, assassiné par al-Qaeda le 9 septembre 2001. Quelques temps avant sa mort, il m'écrivait une lettre où il disait la situation dramatique de l'Afghanistan et parlait de la menace représentée par les talibans... Ce texte, publié à l'époque dans le Figaro Magazine, a été beaucoup repris. Mais après sa mort, seulement. A ma connaissance, c'était la première fois - et la dernière- que le Lion du Panjshir écrivait ainsi à un étranger. Voici son texte, précédé d'une courte introduction. 

Jean-Marie Montali, 5 décembre 1998

"Massoud : Pourquoi je me bats"


Le vent vient de la plaine, laissant derrière lui des tourbillons de poussière avant de s'engouffrer, chargé de sable, dans la vallée du Panjshir et de poncer les ruines qui se dressent comme des pierres tombales. Toute cette poussière - voile pudique jeté sur la misère - recouvre les décombres des villages méthodiquement détruits par vingt années de guerre.

Un sommet, planté haut dans le ciel, domine tous les autres et surplombe Jangalak, le village du commandant Massoud. Traduit, le nom de ce sommet signifie " le fort ". Il est vrai que les montagnes du Panjshir sont de véritables forteresses contre lesquelles viennent buter toutes les armées : l'Armée rouge hier, les milices des taliban aujourd'hui.

La maison de Massoud est construite au-dessus de la rivière, sur les vestiges de celle de son père rasée par les Soviétiques il y a plus d'une dizaine d'années. Dans le jardin, à l'ombre des arbres fruitiers, toute une petite foule attend le légendaire " Lion du Panjshir " : des marchands d'émeraudes, des chefs de guerre, des autorités civiles et des mollahs, des ouvriers (ils construisent une bibliothèque dans le fond du jardin), trois Polonais (ils viennent négocier les pierres précieuses), et un jeune blessé, assis sur les marches, sa jambe artificielle au milieu du passage. On boit du thé vert en attendant Massoud.

Ahmed Shah Massoud. La cinquantaine et quatre enfants. trois filles : Fatima, Aîcha, et la petite Maria qui a peur des avions. Un garçon, l'aîné qui a 10 ans : Ahmed veut devenir pilote ou médecin. Massoud est fils d'officier, ancien élève du lycée de Kaboul et de l'Ecole polytechnique afghane. Islamiste avant même que l'Occident ne connaisse la définition de ce mot. en 1975, il organise la révolte contre le Président Daoud, jugé trop proche des communistes (grâce auxquels il vient de renverser le roi) et de Moscou. Echec. Fuite au Pakistan. Invasion soviétique. Massoud et ses bandes de gueux tiennent alors en échec la plus puissante armée du monde. Quelques poignées de montagnards mal équipés libèrent leur pays. Mais depuis, c'est la guerre civile. Voici en fin Massoud : taille moyenne, silhouette nerveuse et gueule d'épervier. des yeux sombres, en amandes, et légèrement soulignés de khôl. La barbe est courte et, sur le front, les rides sont taillées jusqu'à l'os. Massoud s'intéresse aussitôt à ses visiteurs. Il promet au jeune blessé de l'envoyer en Inde ou en Chine pour se faire soigner. il s'engage auprès des responsables civils à reconstruire un pont détruit pour retarder l'avancée des taliban. avec les marchands d'émeraude, il fixe les prix. les Polonais obtiennent une exclusivité de cinq ans pour la commercialisation mondiale des pierres précieuses. Il assure à ses commandants que des vêtements chauds parviendront aux combattants avant l'hiver. Massoud s'occupe de tout dans les moindres détails. Question de caractère. C'est sa force. c'est également sa faiblesse : son entourage n'est pas toujours à la hauteur. Il est le seul à décider de son emploi du temps qu'il tient secret jusqu'au dernier moment. Question de survie. Son emploi du temps ? Celui d'un seigneur de guerre, mais aussi celui d'un homme politique qui discute des alliances et d'un diplomate qui sillonne les pays de la région à la recherche de soutien : Tadjikistan, Iran, Ouzbékistan...

Le soir, lorsque le soleil disparaît de l'autre côté de la montagne et qu'un vent glacé fouette les visages comme une volée de chevrotine, Massoud nous invite dans la maison qu'il tient à la disposition de ses hôtes. Un domestique apporte du thé et du raisin. Massoud sert et explique que le raisin était meilleur il y a quelques semaines. Il est heureux de nous parler en français :


— La démocratie, dit-il, reste le meilleur système politique. Seul un gouvernement modéré, prônant un islam ouvert, peut empêcher le fanatisme et l'instabilité. Je souhaite pour mon pays un gouvernement élu par le peuple. Je souhaite un pays où les femmes non seulement auraient le droit de vote, mais pourraient aussi participer à la vie politique, en siégeant au parlement par exemple.


Pour expliquer la guerre, Massoud accepte - pour la première fois - d'écrire un article. Il le dicte à l'un des assistants. mais la première version ne lui plaît pas. La deuxième non plus, pas plus que la troisième et les suivantes. il corrige, recommence, pèse chaque phrase, chaque mot. Finalement, la septième version lui convient. Il la signe. C'est l'article que nous publions aujourd'hui. Il s'agit de son explication de la guerre. Une vision forcément engagée, subjective. Mais elle a le mérite d'être claire.

 


L' APPEL DU COMMANDANT MASSOUD


Au Nom de Dieu (1)


Depuis dix ans que l'Armée rouge a évacué l'Afghanistan (2), la guerre continue et le bain de sang n'a jamais cessé.

Quelles en sont les raisons ? et qui sont les responsables de cette situation ?

D'ordinaire, le reste du monde considère que c'est à cause des seuls Afghans : on explique que la durée du conflit est due aux luttes pour le pouvoir, ou bien encore aux divisions ethniques et linguistiques du pays.

Cette vision ne peut être que partielle. A mon avis, on ne peut pas comprendre cette guerre sans deux autres raisons très importantes.

D'abord, l'Occident a oublié l'Afghanistan. La défaite de l'Armée rouge et l'éclatement de l'Empire soviétique ont soulagé l'Occident, et l'Afghanistan, après avoir été en première ligne contre le communisme n'a plus intéressé les pays de l'Ouest.

Ensuite, l'évolution de la politique pakistanaise qui cherche à devenir une puissance régionale. depuis toujours, il existe entre nos deux pays un différend frontalier à propos de la ligne Durand (3), et le Pakistan essaie de profiter d'une situation instable pour asseoir sa puissance. La tâche lui a été facilitée, dès le début du djihad contre les Soviétiques, par l'existence de millions de réfugiés, et par l'installation au Pakistan des principaux partis de moudjahidin afghans : toutes les conditions étaient réunies pour que le gouvernement pakistanais puisse exercer son influence dans certains milieux afghans. D'autant qu'il a réussi à prendre le contrôle de l'aide internationale destinée aux réfugiés et aux moudjahidin. Une aide qu'il a manipulé en renforçant les seuls éléments qui lui étaient favorables.

C'est ainsi que, en infiltrant les partis afghans et en jouant - auprès de la communauté internationale - le rôle de représentant des moudjahidin, le Pakistan a, d'une manière planifiée, empêché l'unité et la coordination des différents groupes de résistants.

L'état-major pakistanais pensait alors pouvoir renforcer sa sécurité nationale d'une part, et élargir sa zone d'influence politique et économique d'autre part. Le point culminant de cette stratégie étant la création en Afghanistan, d'un gouvernement à la solde du Pakistan. Les Pakistanais pensent en effet que, en plaçant l'Afghanistan sous leur protection, ils obtiendraient un certain nombre d'avantages.

• Une profondeur stratégique. Depuis sa création, le Pakistan a des relations tendues non seulement avec l'Afghanistan, mais aussi avec l'Inde à propos du Cachemire (4). Il se sent menacé à la fois au nord et au sud. c'est pour cela que, du point de vue pakistanais, le gouvernement fantoche en Afghanistan aurait non seulement un intérêt économique, mais aussi un avantage primordial pour sa propre défense. C'est une question vitale : en cas de conflit avec l'Inde, cela lui donnerait une grande profondeur stratégique et renforcerait d'autant sa capacité de résistance.

• Faire main basse sur les ressources naturelles non exploitées de l'Afghanistan.

• Utiliser l'Afghanistan comme un tremplin pour exporter son influence vers le reste de l'Asie centrale, et utiliser notre pays comme une route de transit vers cette partie du monde.

• En finir une bonne fois pour toutes avec le contentieux né de la ligne Durand. Un Afghanistan stable, victorieux et en paix pourrait demander une rediscussion du traité frontalier.

En prenant en considération tous ces problèmes, le Pakistan aborde la question afghane comme un sujet de sécurité nationale. Dans ce contexte, sa politique concernant notre pays n'est pas traitée par le ministère des affaires étrangères. Elle l'est par les militaires pakistanais. C'est pour cela qu'un changement de ministre des Affaires étrangères n'a jamais rien changé à la situation.

La chute du régime communiste du docteur Najibullah (5), au printemps 1371 de notre calendrier hégire solaire (6), et la victoire des moudjahidin de la Choura-e-Nezar (7) ont été très mal interprétées par les services secrets pakistanais. Pour eux, c'était un échec doublé d'une honte parce qu'ils avaient misé sur d'autres groupes afghans, et que ces groupes n'ont pas participé à la prise de Kaboul. En outre, la création d'un jeune gouvernement moudjahidin à Kaboul a sensibilisé à l'extrême le Pakistan : c'était un gouvernement de gens victorieux du communisme, et détenant des quantités considérables de matériels de guerre et d'armes, comme les missiles Scud ou les Stingers américains.

Les militaires pakistanais n'ont pas eu le courage de reconnaître leurs erreurs, et se sont alors employés à affaiblir le gouvernement des moudjahidin. En utilisant, bien sûr, les divisions qui pouvaient exister entre les différents groupes.

Dans un premier temps, ils ont encouragé et armé leur ami de longue date, Gulbuddin Hekmatyar (8). Ils l'ont incité à se rebeller contre le gouvernement des moudjahidin. L'idée des militaires pakistanais était qu'il fallait remplacer le communisme par un autre extrémisme : l'extrémisme islamique. Ils ont utilisé la religion et en ont abusé pour soutenir Hekmatyar, pourtant déjà connu pendant le djihad pour ses violences. Mais heureusement, le monde a pris conscience assez rapidement de l'erreur pakistanaise. Car on connaissait les liens très serrés qui unissaient Hekmatyar aux réseaux terroristes à travers le monde, et on savait son implication dans certains tueries qui ont endeuillé plusieurs pays.

Dès que la faiblesse de Hekmatyar s'est fait sentir, le Pakistan a aussitôt créé un autre groupe extrémiste, tout aussi violent. Ce sont les taliban.

En manipulant ces gens ignorants, les militaires pakistanais espèrent étendre leur influence jusqu'à l'Asie centrale qui cherche aujourd'hui désespérément ses racines dans l'islam.

Or le Pakistan ne peut pas, à lui seul, supporter politiquement et économiquement le mouvement des taliban. Il a donc trompé les Etats-Unis d'Amérique et l'Arabie Saoudite pour leur faire payer la facture de cette aide.


Le Pakistan n'a jamais présenté les taliban comme un groupe fondamentaliste. Mais plutôt comme un mouvement rétrograde sans aucune ambition extraterritoriale, dont l'action ne se limitera qu'au territoire afghan. Tout en les présentant comme la seule force tampon contre l'Iran. Le Pakistan a fait croire aux Américains que, par l'intermédiaire des taliban, ils pourraient faire pression sur l'Iran à partir des frontières de l'est. Et, afin de réduire une éventuelle réaction de l'Occident face à la politique d'apartheid des taliban à l'encontre des femmes et des jeunes filles, le Pakistan a parlé d'une simple tactique provisoire.

Les Américains ont cru que la victoire des taliban pouvait présenter un intérêt économique pour eux. Le projet de gazoduc qui doit traverser le Turkménistan, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Inde était basé sur cette espérance : les Américains voulaient en tirer un maximum de profits.

La grande erreur des Etats-Unis a commencé pendant le djihad, lorsqu'ils ont fait confiance au Pakistan pour mener la politique afghane et gérer les rapports avec les partis politiques des moudjahidin afghans. Une attitude qui, petit à petit, a laissé les Etats-Unis à la remorque du Pakistan dès qu'il s'agit du problème afghan. les Etats-Unis ont accepté de ne voir l'Afghanistan qu'à travers la lunette pakistanaise.

Après la chute du régime du docteur Najibullah et la victoire des moudjahidin, les Américains ont persévéré dans leur erreur, en dépit de la politique d'ingérence poursuivie par le Pakistan, en contravention avec toutes les lois du droit international.

Le résultat de cette politique pakistanaise, c'est que l'Afghanistan est devenu le plus grand producteur-exportateur de drogue, et la plus grande base de terroristes au monde. Pour ceux qui suivent la situation afghane, il est intéressant de noter que les pays du monde libre et les Nations unies ne tirent aucune leçon de toutes ces erreurs tant qu'ils n'ont pas eux-mêmes été victimes du venin des taliban.

Madame Emma Bonino, le premier représentant européen, a été arrêtée à Kaboul avec ses compagnons, et menacée pendant plusieurs heures par les taliban. Le monde aurait dû en tirer des conclusions et se préparer à les contrer.

Après la prise de Kaboul par les taliban au mois de Mizan 1375 (septembre 1996), le bureau des Nations unies a été attaqué et envahi, et le docteur Najibullah, qui y avait trouvé asile, a été pendu. Cela démontrait, si besoin était, que les taliban n'ont aucune considération, aucun respect de l'ONU. D'ailleurs, un an plus tard, un haut responsable de cette organisation a été humilié et battu par un chef taliban.

Autant d'exemples qui auraient dû suffire pour que l'ONU apprenne à connaître les taliban. Mais la faiblesse de cette organisation, sa timidité, a aussi été la cause de la mort de Carmine Calo. Cet officier italien en poste à Kaboul a été assassiné le lendemain des tirs américains sur la base d'Oussama ben Laden.

Le fait que les Américains aient délégué leur politique afghane aux seuls Pakistanais explique leurs échecs depuis deux décennies. Les Américains ont suivi le Pakistan dans leur soutien à Gulbuddin Hekmatyar, jusqu'à l'explosion du World Trade Center à New York (9). Il a été démontré que les terroristes avaient été entraînés dans les camps de Hekmatyar. Quant à leur bienveillance par rapport aux taliban, elle est quelque peu remise en cause avec les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya (10).


J'attire votre attention sur le fait que mollah Omar, le chef suprême des taliban, et ben L'Aden sont unis par un lien de sang (11). Ben Laden a trouvé refuge auprès de mollah Omar qui lui apporte un soutien explicite. Monsieur Turky al-Fayçal, le chef des services de renseignements saoudiens, s'est rendu à Kandahar pour demander aux taliban de livrer Oussama ben Laden. Les taliban l'ont injurié et humilié (12).

Il faut comprendre que les taliban ne se considèrent absolument pas coupables de ces actes terroristes. Ils attendent au contraire les remerciements des Saoudiens pour la mort des kafirs (les infidèles, NDLR), mort pour laquelle ils considèrent que Dieu les a déjà bénis.

A mon avis, il n'est pas si difficile de connaître la vraie nature des taliban. Ce sont des gens qui prennent leurs mères et leurs soeurs pour des kaniz (des servantes), et leurs frères pour des ghulam (des esclaves). Et si l'Occident et le monde arabe n'ont pas été capables de voir une réalité si claire, si évidente, c'est que le jeu politique pakistanais les a trompés et aveuglés.

Mon point de vue sur la politique pakistanais est très clair : chaque pays a le droit de penser à ses intérêts nationaux et internationaux. Malheureusement, pour mettre en application sa stratégie afghane, le Pakistan utilise les moyens les plus injustes et les plus arbitraires que l'histoire ait jamais connus.

Le gouvernement pakistanais arme et manipule des bandes à sa solde, puis les encourage à se battre et à mettre en place dans notre pays des blocus, afin d'empêcher les biens et les personnes de circuler. Il s'agit de laisser à notre peuple des cicatrices profondes et douloureuses.

Des centaines de chars et de véhicules ont été dynamités par des éléments propakistanais. Les morceaux de métal ont été vendus sur les marchés du Pakistan.

La destruction des canaux d'irrigation et des barrages a été planifiée puis exécutée.

L'agriculture est au point mort.

Les arbres des forêts sont débités sans pitié, et le bois se vend au Pakistan sans aucune restriction.

Les monuments historiques ont été détruits. Les pièces du musée de Kaboul sont bradées au Pakistan.

Sous différents prétextes fallacieux, les fonctionnaires du gouvernement ont été renvoyés ou emprisonnés dans certains cas. Toute structure administrative de l'Afghanistan a été anéantie de cette manière. Les écoles et les madrasas (écoles religieuses) ont été fermées. Tandis que le Pakistan encourageait la création d'écoles pour jeunes réfugiés afghans à Peshawar et à Quetta. Les gens ont donc été obligés de quiter leur pays, obligés de perdre leur fierté nationale et leur identité patriotique. En provoquant les divisions au sein des groupes ethniques et des partis politiques des moudjahidin, le Pakistan a obtenu la désintégration de l'armée afghane. La majorité des officiers de l'ancienne armée se retrouvent aujourd'hui dans les rues des villes pakistanaises. Ils sont réduits à travailler comme de simples ouvriers du bâtiment pour gagner leur vie.

Ces divisions ethniques et linguistiques, exacerbées au sein de la population afghane par les militaires pakistanais, ont provoqué une guerre sanglante et sans précédent dans notre pays. En été dernier, par exemple, lors de la prise de Mazar I Sharif par les taliban, des milliers de personnes ont été tuées à cause de leur origine ethnique ou de leur appartenance religieuse (13). La haine provoquée par ces divisions se propage comme un incendie, et les taliban poursuivent une politique de purification ethnique. Des milliers de familles ont été contraintes au déplacement géographique, et des centaines de femmes et de jeunes filles ont été enlevées.


La situation des femmes dans les zones contrôlées par les taliban est désastreuse et pire que tout ce que l'on sait déjà. Ils considèrent la femme comme un être qui n'a ni le droit de travailler, ni celui de s'éduquer. Elle n'a pas non plus le droit de sortir librement de chez elle. et même leurs soins dans les hôpitaux ne sont pas autorisés.

Ce qui se passe aujourd'hui en Afghanistan n'est pas qu'une simple guerre. C'est une véritable tragédie qui contamine chaque jour un peu plus les pays de la région : ils risquent de connaître bientôt la même situation. En effet, l'entraînement, à la frontière afghane, de centaines de terroristes par les officiers pakistanais et leurs collaborateurs taliban pourrait étendre rapidement la guerre aux pays voisins. Dans ces régions, il y a des combattants du Cachemire, des rebelles de Ferghana (une vallée en Ouzbékistan, NDLR) et de la province chinoise du Xin Chiang (14), formés et entraînés militairement dans les camps terroristes.

Enfin, avec l'élargissement de la zone sous contrôle des taliban, la culture du pavot augmente. Selon les derniers chiffres connus de cette année, l'Afghanistan a produit 3 200 tonnes d'opium. Ce qui représente un accroissement de 16% par rapport à l'année dernière.

Les taliban ont établi sur l'opium une taxe de oschor (terme religieux pour l(impôt, elle s'élève à 10% NDLR). Cette taxe explique trois choses :

le renforcement de la capacité financière des taliban ;

la légalisation religieuse de la culture du pavot (15) ;

l'encouragement des paysans à pratiquer cette culture.

Les chefs taliban et des officiers supérieurs pakistanais ont une implication directe dans le trafic de drogue. Chacun fait transiter sa part par voie aérienne ou terrestre jusqu'en Asie centrale, puis vers l'Europe et les Etats-Unis.

Mes compatriotes et moi-même attendions que, après la victoire contre le communisme, le monde entier nous remercie et nous aide à soigner les blessures du djihad. Notre peuple musulman s'est sacrifié pour sauver la vie de millions d'hommes dans le monde, et pour défendre la liberté.

Mais le Pakistan a planté un couteau dans le dos de notre peuple. Les Etats-Unis n'ont écouté que le Pakistan, et l'Europe a adopté une attitude d'indifférence.

Il faut pourtant que le monde sache que le danger des taliban n'est en aucun cas moindre que celui du communisme.

Il est encore temps d'y faire face.

Une fois encore, le peuple afghan se retrouve en première ligne contre le terrorisme, contre la drogue, contre ceux qui nient les droits de l'homme et qui, en fait, ne reconnaissent et ne respectent rien.

A l'intérieur du pays, le peuple est prêt à se battre. Il attend le moment opportun pour se révolter.

Et ce que le monde peut faire pour nous aider à arrêter cette tragédie humaine ne tient qu'en deux seuls points :

une aide humanitaire d'urgence au peuple afghan ;

faire pression pour l'arrêt des ingérences pakistanaises.


Commandant Massoud.



Erwan Deveze

Conférencier international Motivation, Engagement & Résilience (Fr & Eng). Expert en Neuroleadership, Neuromanagement & Gestion de crise. Intervenant ESCP Executive Education. Auteur Editions Larousse & EMS

3 ans

Merci à vous Passionnant. J'ai travaillé en Afghanistan entre 95 et 96 pour le CICR. Il s'écrit où se dit tellement d'approximations ou de contre vérités sur l'histoire de ce pays que cela fait du bien de lire ces lignes.

Geraldine Portelli

EMEA Business Development Manager @GAV Conservation Management

3 ans

Extraordinaire récit. Merci.

Delphine🌼 Charles-Péronne

Déléguée générale FEI - Réserviste citoyenne 🚒BSPP

3 ans

« Pas seulement une guerre, une véritable tragédie »

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