La Marque Africaine, Victime des Stéréotypes Véhiculés par l’Occident
L'Afrique, un continent riche en diversité culturelle, en innovation et en ressources, fait face à une problématique persistante lorsqu’il s’agit de sa perception mondiale : les stéréotypes véhiculés par l’Occident. Ces préjugés affectent directement l’image des marques africaines, limitant leur capacité à prospérer sur les marchés internationaux. Cet article explore les stéréotypes dominants, leurs impacts à travers des exemples concrets, et les solutions que les marques africaines mettent en œuvre pour surmonter ces défis.
Stéréotypes persistants : une perception réductrice
L’image de l’Afrique, telle que présentée par certains médias occidentaux, est souvent réductrice. Elle oscille entre des récits de pauvreté, de famine, de conflits et d'instabilité politique. Ces stéréotypes simplistes contribuent à façonner l'opinion publique mondiale, réduisant ainsi la complexité et la diversité du continent à des clichés négatifs. Cela a un impact direct sur la perception des marques africaines, qui peinent à s’éloigner de cette image stigmatisée.
Par exemple, les produits africains sont souvent associés à des connotations de "primitivité" ou de "manque de sophistication", qu’il s’agisse de l’artisanat, de la mode, ou même de la technologie. Cela renforce l’idée que ce qui provient d'Afrique est forcément inférieur à ce qui vient des pays occidentaux, même lorsque la qualité et l’innovation sont au rendez-vous.
Exemple concret : l’industrie du chocolat
L’Afrique de l’Ouest, notamment la Côte d’Ivoire et le Ghana, est responsable de près de 70 % de la production mondiale de cacao. Cependant, malgré cette contribution massive à l’industrie du chocolat, les produits africains sont souvent perçus comme de moindre qualité. Le chocolat africain est rarement valorisé sur les marchés internationaux, où les grandes marques occidentales dominent et bénéficient de la perception de prestige. Des marques africaines comme Fairafric, une entreprise ghanéenne qui fabrique du chocolat entièrement en Afrique, ont tenté de contrer cette perception. Cependant, elles doivent encore surmonter l’idée répandue que le chocolat de qualité ne peut venir que d’Europe, notamment de pays comme la Belgique ou la Suisse.
L’impact sur les entreprises africaines : des freins à la croissance
Les entreprises africaines souffrent d'une perception déformée qui freine leur expansion et leur succès à l’international. Ces stéréotypes affectent non seulement la manière dont les produits sont perçus, mais aussi les décisions d’investissement. Les entreprises africaines peinent à obtenir la reconnaissance qu’elles méritent sur le marché mondial, car leur provenance est souvent vue comme un handicap. Les consommateurs internationaux hésitent parfois à choisir des marques africaines par manque de confiance, croyant que les standards de qualité, de sécurité ou d’innovation ne sont pas au même niveau que ceux des pays développés.
Cette perception injuste freine également les investissements internationaux. Beaucoup d'investisseurs occidentaux sont réticents à soutenir des initiatives africaines, même dans des secteurs porteurs tels que la tech, les énergies renouvelables ou l’agriculture durable. Le manque de crédibilité perçu ne repose pas sur des faits, mais sur des préjugés profondément ancrés.
Exemple concret : la technologie en Afrique
La scène technologique africaine est en plein essor. Des hubs comme Silicon Savannah au Kenya, ou encore la montée des start-ups dans la fintech au Nigeria, sont des exemples concrets de la transformation numérique du continent. Flutterwave, une société nigériane spécialisée dans le paiement numérique, est devenue une licorne, prouvant que l’Afrique peut produire des entreprises technologiques de pointe. Pourtant, beaucoup d’investisseurs et de partenaires commerciaux internationaux restent sceptiques, craignant une instabilité politique ou des infrastructures technologiques défaillantes, des idées souvent véhiculées par les médias occidentaux.
Ces perceptions infondées freinent l’expansion des innovations africaines à l’international, malgré les avancées spectaculaires dans des secteurs comme la finance numérique, où des solutions comme M-Pesa au Kenya ont transformé la manière dont des millions de personnes accèdent aux services financiers.
Le rôle des médias occidentaux dans la construction de ces stéréotypes
Les médias occidentaux jouent un rôle central dans la diffusion des stéréotypes sur l'Afrique. Les récits dominants sont souvent centrés sur les crises humanitaires, les conflits et les désastres naturels, occultant les réussites, les innovations et les transformations positives qui se déroulent sur le continent. Cette focalisation sur les aspects négatifs renforce la perception que l'Afrique est un lieu de difficulté, ce qui influence indirectement la façon dont les produits et les services provenant du continent sont perçus.
Les marques africaines sont également confrontées à une absence de visibilité. Peu d'entre elles parviennent à atteindre le marché occidental, et celles qui y parviennent sont souvent présentées comme des curiosités exotiques plutôt que des compétiteurs légitimes. Par conséquent, l'idée que l'Afrique ne produit que des biens culturels ou artisanaux, et non des produits technologiques ou industriels de pointe, persiste.
Exemple concret : la mode africaine
L'industrie de la mode en Afrique est en pleine croissance, avec des designers tels que Laduma Ngxokolo (Afrique du Sud), créateur de la marque MaXhosa, ou Imane Ayissi, premier créateur africain à intégrer la haute couture à Paris. Pourtant, ces talents ne reçoivent pas la reconnaissance qu’ils méritent. L'industrie de la mode africaine est souvent perçue à travers un prisme folklorique ou traditionnel, alors qu’elle rivalise en créativité et innovation avec les maisons de mode occidentales. Le manque de couverture médiatique globale limite l’expansion des marques de mode africaines, qui peinent à s’imposer dans les défilés et sur les marchés internationaux.
Surmonter les stéréotypes : des initiatives pour renforcer la marque africaine
Les marques africaines prennent de plus en plus conscience de l’importance de remodeler la perception internationale. Le défi consiste à changer le récit. Cela passe par une communication proactive et authentique, qui montre la véritable diversité et l’innovation du continent. Voici quelques exemples de stratégies à mettre en place pour changer le récit global autour des marques africaines.
Recommandé par LinkedIn
Les marques africaines peuvent chercher à collaborer avec des entreprises et des influenceurs internationaux pour gagner en visibilité et en légitimité sur les marchés occidentaux. Ces partenariats permettent de briser les stéréotypes en montrant que l’Afrique fait partie intégrante des chaînes de valeur mondiales.
Exemple concret : l’industrie du cinéma
L'essor de Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane, illustre comment des collaborations avec des plateformes internationales peuvent transformer la perception d'une marque africaine. Nollywood, autrefois moquée pour la qualité de ses productions, a gagné en reconnaissance mondiale grâce à des partenariats avec des géants comme Netflix, qui diffuse des films et séries africaines à un public mondial. Ce partenariat a permis de redorer l’image du cinéma nigérian, prouvant que l'Afrique peut également produire des œuvres de qualité à grande échelle.
Plutôt que de laisser les médias occidentaux définir la perception de l’Afrique, les entreprises africaines doivent prendre le contrôle de leur propre récit. Cela inclut l’investissement dans des campagnes de communication internationale, l’utilisation des réseaux sociaux et la création de contenus qui reflètent l’innovation, la créativité et l'excellence du continent.
Exemple concret : Ethiopian Airlines
Ethiopian Airlines est l'une des compagnies aériennes les plus performantes au monde, surpassant même certaines grandes compagnies européennes et américaines en termes de rentabilité et de sécurité. Pourtant, beaucoup de consommateurs étrangers associent encore l'aviation africaine à l'insécurité ou à un manque de service de qualité. Ethiopian Airlines a contré ces stéréotypes en misant sur une communication active à l’international et en se positionnant comme une compagnie exemplaire en matière d'innovation, d’infrastructure et de formation.
Il est crucial de mettre en avant les réussites africaines à l’échelle mondiale. Des secteurs comme la fintech, l'énergie solaire, ou encore la mode et le design africain connaissent un essor international, mais ces succès restent souvent sous-représentés. Les marques africaines doivent jouer un rôle dans la diffusion de ces histoires de succès pour inspirer confiance et admiration.
Exemple concret : la fintech africaine
Le secteur de la fintech en Afrique a explosé ces dernières années. Des entreprises comme Chipper Cash (basée en Ouganda et au Ghana) ou encore Wave au Sénégal ont permis à des millions de personnes d'accéder à des services bancaires et financiers là où les infrastructures traditionnelles faisaient défaut. Pourtant, le récit dominant ne valorise pas assez ces succès africains. Les marques fintech africaines prennent désormais l’initiative de partager leurs réussites sur la scène mondiale, à travers des conférences internationales, des campagnes sur les réseaux sociaux et des partenariats avec des institutions financières mondiales.
Les entrepreneurs, créateurs et leaders africains peuvent devenir des ambassadeurs de leur propre culture. En participant à des forums internationaux, en prenant la parole dans les médias mondiaux et en s’impliquant dans des événements culturels et commerciaux, ils peuvent contribuer à modifier les perceptions.
Les leaders d'opinion, les artistes et les entrepreneurs africains jouent un rôle essentiel dans la refonte de l’image de l’Afrique à l’étranger. Des célébrités comme le chanteur Burna Boy ou l'actrice Lupita Nyong'o sont devenus des ambassadeurs de la culture et du savoir-faire africain, en s’imposant dans des domaines artistiques au niveau international. Leurs succès démontrent que l'Afrique n’est pas seulement une terre de potentialité, mais un acteur clé dans la création culturelle mondiale.
5. Créer des labels de qualité :
Une autre façon de surmonter les préjugés est d’adopter des standards internationaux et de promouvoir des certifications spécifiques à l’Afrique. Cela pourrait inclure des labels garantissant la qualité, la durabilité et l’éthique des produits fabriqués sur le continent, afin de rassurer les consommateurs internationaux.
Conclusion
Les stéréotypes véhiculés par l'Occident continuent de freiner l’ascension des marques africaines sur la scène mondiale. Cependant, des exemples concrets dans des secteurs comme le cacao, la technologie, la mode et la finance montrent que les marques africaines peuvent surmonter ces défis. Grâce à des stratégies de communication proactive, des collaborations internationales et la mise en valeur des réussites locales, les entreprises africaines peuvent remodeler leur image et se positionner comme des acteurs incontournables de l’économie mondiale. L’avenir de la marque africaine dépend de sa capacité à déjouer les stéréotypes et à affirmer sa place légitime dans le monde globalisé.
Dr. Robert DEMANOU, Socio-politiste (PhD en Sciences Sociales)
Expert trilingue en Communication " Branding, Gestion des Connaissances et changement des Comportements. Fondateur du Cabinet International Baobab Solutions Consulting