La mise en mouvement
Engagement citoyen, cours collectif de sport, facilitation en intelligence collective, accompagnement au changement... lorsque j'ai décidé de me lancer dans l'aventure de l'entrepreunariat, ma phrase fétiche était "comme il n'y a aucun autre point commun aux activités qui me motivent que moi-même et que jamais une boîte ne m'embauchera pour faire des choses aussi éclectiques, il faut que je lance ma propre activité".
Quinze mois plus tard, le point commun est évident. Le mouvement. Et plus précisément la mise en mouvement, qui permet à chacun.e de déplacer des montagne, de se réinventer en permanence, de se dépasser et de rencontrer l'autre pour faire tout cela ensemble.
Le mouvement est souvent défini d'une manière qui peut sembler relever de la physique comme le "déplacement (d'un corps) par rapport à un point fixe de l'espace et à un moment déterminé". Cette définition recouvre pourtant une acception bien plus large: le mouvement est mouvement par rapport à ce qui ne bouge pas. Quand on se met en mouvement, notre corps quitte sa position fixe, notre activité change par rapport à ce qu'elle était auparavant, nous décidons de changer les choses, petites ou grandes, dans notre vie.
En 2019, j'ai eu l'immense chance de suivre les formations en accompagnement au changement de Dominique Sinner et de "faire bouger pour faire apprendre" d'Ucka Ludovic Ilolo. Deux formations qui m'ont non seulement permis de développer de nouvelles compétences, d'enrichir mes méthodologies, connaissances et horizons, et de faire de belles rencontres, mais aussi de réaliser combien le mouvement est la source des petites comme des grandes aventure, victoires et réussites.
Pour cela la recette est simple: nous avons besoin de motivations, généralement guidées par une finalité, de rassembler les conditions et si possible le soutien nécessaire... et puis nous bénéficions de ce qu'Alain Damasio appelle "le vif" dans le splendide roman "La Horde du Contrevent". Ce chef-d'oeuvre est consacré tout entier à ce qui fait notre "force de vivre", qui nous pousse sans cesse à vivre, tendre vers notre finalité, nous adapter, évoluer, rebondir, reprendre la route, trouver une nouvelle voie...
"Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents" - Caracole, introduction de La Horde du Contrevent
Pour Damasio, ce vif est matérialisé par le vent. Un vent qui ne s'arrête jamais, qui varie de la brise à la tempête, qui peut charier tant de chose qui tantôt nous freinent et tantôt nous portent, qui fait aller et venir nos compagnons de route sans jamais déraciner celles et ceux qui nous permettent de toujours (re)trouver notre chemin.
De l'instinct et des freins
Pour que mise en mouvement se fasse, il faut qu'une combinaison d'éléments se mettent en place. Leurs contours ne sont que rarement très définis. Pour chacun.e d'entre nous, il s'agit plutôt d'un instinct qui nous pousse à l'enclencher, alors même que rationnellement on n'est souvent capables que de dresser la liste des raisons pour lesquelles il ne vaudrait mieux pas se lancer.
Et pourtant il n'y a jamais de meilleur moment que celui où l'on ressent dans ses tripes cette nécessité de bouger. De ma formation avec Ucka Ludovic Ilolo, je retiens, entre autres pépites, que l'on ressent toujours dans son corps la mise en mouvement qui va avec le changement, et que ce dernier trouve toujours une manière de l'exprimer, en dépit de tous les garde-fous policés que l'on peut mettre en place. De celle avec Dominque Sinner, j'essaye de garder en permanence à l'esprit qu'il n'y a pas de bon moment pour se reconnecter à ses rêves, écouter ses envies, faire de ses freins et faiblesses supposées des tremplins pour apprendre et changer.
Et que l'on a beau nous décrire comme averses au changement et en quête permanent de stabilité et de confort, rien que le fait de tenir debout est une tension permanente entre la force de la gravité et celle du mouvement. Que l'humain est mouvement.
Trop longtemps la société a plaqué sur nos envies de changement un nombre invraissemblable de contraintes, de freins, d'impossibilités. Difficile de s'en défaire, que l'on soit dans une position où l'on a tout "bien fait" pour en arriver à une "bonne situation" de laquelle on n'est pas censés vouloir bouger... ou que l'on vive au jour le jour avec une chape de plomb due aux contraintes et plafonds que la société, notre chemin de vie, notre situation actuelle, font peser sur nous.
On finit par avoir toujours l'impression que l'on n'a pas le droit de réfléchir à une autre vie, d'avoir d'autres envies, de former de nouveaux projets, de remettre en question la voie que l'on a choisie ou subie. On ne veut pas donner l'impression de se plaindre, de cracher dans la soupe, d'être égoïste. On a peur de blesser, de trahir, de pêcher par orgueil parfois aussi. On a peur enfin de ne pas être à la hauteur, de se tromper, de se faire mal, de quitter cette "zone de confort" parfois si inconfortable en réalité mais qui relève du connu, du maîtrisé, du stable, voire du statique.
Pour autant, nous n'inventons pas les freins à notre mouvement instinctif primaire. Les contraintes matérielles, physiques, familiales, sociétales existent, nul ne sert de les nier. Elles empêchent, elles freinent, elles stoppent parfois purement et simplement nos élans. Elles sont renforcées aujourd'hui par un déferlement de démonstration de mouvement et de changement qui la plupart du temps nous confortent dans notre staticité. Les réseaux sociaux pullulent ainsi d'injonctions à s'écouter, se retrouver, s'introspecter, à entreprendre, à suivre ses rêves... mais ne donnent que rarement des pistes pour cela, ne font pas changer pour autant les codes et modes de fonctionnement d'une société qui n'a jamais encouragé jusque là ce mouvement, et bien souvent instaurent une nouvelle zone de confort qui fait du sur-place, celle dans laquelle on se dit que l'on aimerait bien faire partie de celles et ceux qui ont le luxe de pouvoir suivre leurs instincts, tripes ou envies, mais que - comme beaucoup de choses sur les réseaux sociaux et dans notre société de consommation - "c'est pour les autres".
L'humanité est mouvement
La question est alors de savoir comment dépasser ces freins? Comment éliminer ceux qui ne nous apportent rien, utiliser ou transformer ceux qui peuvent devenir des sources d'apprentissage ou des forces? Parce qu'ils peuvent nous servir, dès lors qu'on en a conscience et que l'on se rend en capacité de les travailler.
C'est là qu'intervient une réflexion de longue date autour de l'activité physique. Nous avons été nombreux - et surtout nombreuses - à nous entendre dire que nous étions "nul.le.s en sport", à intégrer que ce n'était pas notre truc, qu'il y avait les bons et les mauvais et qu'on n'était pas dans la bonne case. Les conséquences de ce type de coups d'arrêts définitifs à toute envie ou ambition, dans quelque domaine que ce soit, sont lourdes. Je les ai comprises en partageant la "joie du mouvement" avec les adeptes de la gym suédoise, alors que j'avais toujours fait partie de celles qui étaient choisies en dernier dans l'équipe de basket au collège. En sentant la force de ce sourire projeté par le pic d'endorphines à la fin d'une course alors qu'on m'avait asséné que le sport ferait baisser ma note au bac. En répondant à l'appel de mes baskets désormais chaque fois qu'il se fait sentir. Nous ne sommes nul.le.s en rien. Fait.e.s ou pas fait.e.s pour rien. Ou pour tout. Nous avons tous et toutes le potentiel de réussir, nous améliorer, nous développer. Nous ne rentrons pas dans des cases. Nous sommes tous et toutes capables.
Voilà le fil conducteur d'activités dans le domaine de l'accompagnement au changement, de l'engagement citoyen, du sport collectif, du développement des compétences!
Accompagner chacun.e dans son cheminement vers la mise en mouvement. Construire ensemble les bonnes conditions pour se débarasser des carcans, pour se mettre en marche, pour conscientiser les peurs, les points forts et les points d'efforts, comme des décrit Dominique Sinner, plutôt que de parler de la notion très enfermante de "points faibles".
S'écouter, se regarder, s'observer. Car notre corps nous parle. Une expression très galvaudée de nos jours, que nous utilisons beaucoup pour généralement ajouter ensuite qu'on n'a pas le temps d'écouter ce qu'il a à nous dire. Que l'on aimerait être en capacité de l'entendre mais qu'on ne peut pas. Et pourtant, sans que cela prenne des heures par jours, en passant par les méthodes qui nous conviennent, nous aurions tant à apprendre de lui, qui garde la mémoire de ce que nous sommes et porte tous les espoirs et potentiels de ce que nous pouvons devenir.
Mettre de la conscience pour mettre de la lumière sur le chemin parcouru, ce qu'on veut en faire et celui que nous souhaitons prendre désormais. Que s'il est plus facile de monter une corde à noeud qu'une corde lisse, encore faut-il se soucier de ne garder que ceux qui servent à avancer, de se débarrasser de ceux qui ne sont là que pour se reposer et arrêter le mouvement, de passer le temps nécessaire à étudier comment attaquer, prendre en compte, utiliser ceux qui restent. Souvent, se rendre compte qu'autour de soi, les soutiens sont là pour avancer. Et que si ce n'est pas le cas, on peut en trouver, ailleurs, pas si loin.
Et réaliser que nous sommes de plus en plus nombreux, chacun.e à notre rythme et notre manière à entamer la marche. Qu'avec nous la société ne peut que changer. Parce que la société est humanité et que l'humain est mouvement. Et qu'une humanité qui en conscience se met en mouvement est surement la véritable définition du progrès pour tous et toutes. En route!
Communic'Actrice - Mise en mots, en forme & en corps. Comédienne, facilitatrice théâtre-forum et Playback théâtre. Collectrice d'histoires de vie. Conceptrice, rédactrice de contenus.
4 ansTrès bel article Claire, merci ! La corde est attrapée, le corps se met en mouvement pour cheminer. Alain Damasio, dans l'édito dialogué du hors série Socialter "Le réveil des imaginaires" imprimé juste avant le confinement et entrant aujourd'hui en résonance à de multiples niveaux, partage : "Personne n'a besoin d'espoir pour lutter si sa lutte est foncièrement liante et collective, empuissantante par elle-même. La qualité d'une lutte ne se mesure pas à ce qu'elle obtient mais à ce qu'elle fait de nos vies et dans nos vies : un tissage, une fierté immanente, la noblesse de se tenir debout et d'avancer. Le bonheur de défendre ensemble des valeurs partagées. [...] Peut-être devra-t-on bientôt parler des vifs et des vives pour porter cette politique dont on rêve?" Merci de nous partager ton élan Claire, merci d'être vive !
Facilitateur / Expert en Gestelligence / Designer de mouvement / Artiste-Chorégraphe
4 ansTrès Chouette article ! Oui l’humanité est mouvement. Merci pour ce beau partage de tes pensées là dessus. :) le confinement mis à profit 👍🏾😉 .
💫 pleine d'énergie et de compétences pour vos projets qui ont du sens
4 ansComme souvent quand j'écris un article, mes inspirations et respirations m'ont été soufflées par de formidables rencontres, formations, et écoutes de podcasts... je remercie donc Ucka Ludovic Ilolo, Dominique Sinner, Hélène Bourgeois, Lily Gros et ses fantastiques Newsletters et connexions humaines, Joy Richez et son podcast "vivre avec bon sens", Swedish Fit France, i3L, Corine VERSINI, Francois VERSINI, Paul Versini, Ophélie OMNES, Claire David, Theo Barbe, Emmanuelle Duez, Gregory Pouy et son podcast "vlan", Cléo Henin et son podcast "championnes du monde", Gael Plastow, et toutes celles et tous ceux avec qui j'ai pu évoquer ces questions, dont j'ai cassé les pieds avec mes intuitions et qui participent au jour le jour à la construction de ma réflexion sur ces sujets!