La montée en puissance de la Chine: un modèle pour l'Afrique et un enjeu stratégique pour ce siècle

Toutes les puissances qui comptent se sont développées en créant un "choc de compétitivité" qui leur confère, par l'innovation ou par un autre moyen plus détourné, un avantage comparatif décisif à un moment donné de leur histoire.

L'industrialisation de la Chine ne fait pas exception à la règle : en matière de mutation économique et sociale, elle est même un cas d'école qui mérite qu'on y regarde de près, parce qu'elle s'appuie très largement sur l'innovation exogène.

C’est, en effet, grâce à l’externalisation des coûts environnementaux et à la Flexibilité de son marché du travail (pas de grèves, pas de filets sociaux, pas de législation tatillonne du travail, …), que la Chine a déclenché un « choc de compétitivité » qui lui vaut d’être le pays où on peut produire à des coûts défiant toute concurrence. Et donc exporter au meilleur prix, partout dans le monde.

La mondialisation des échanges et la libre circulation des hommes et des capitaux ont fait le reste, en favorisant des délocalisations massives d'activités industrielles en direction de la Chine.

Dopé par l’implantation des firmes multinationales à la recherche d’une politique environnementale plus laxiste et d’une main d’œuvre abondante, flexible et bon marché, dans un pays par ailleurs discipliné et politiquement stable, l’engrenage des délocalisations est le moteur qui a tiré l'industrialisation fulgurante de la Chine et qui explique le succès de son modèle de développement.

Revers de la médaille : dans les pays du Nord, la réduction de la voilure dans de nombreuses industries polluantes et le démantèlement de secteurs d’activités entiers comme la sidérurgie et le textile, délocalisés en Chine, se payent par une désertification industrielle sans précédent, qui met à la rue des milliers, des millions de chômeurs en Europe et aux USA.

De sorte que la montée en puissance de la Chine, sans cesse crescendo depuis la fin des années 1990, coïncide, dans les pays de l'OCDE, avec : la perte de charge des économies occidentales; une explosion inexorable du chômage, de la précarité, de l’uberisation et de l'exclusion; et une remise en cause des modèles sociaux correspondants, qui se traduit, notamment, par une bouffée de populismes.

Au point qu'on est tenté par le mot de François Fillon : soit dit sans désobliger personne, c'est une "faillite" économique et sociale qui menace certains pays de l'OCDE, incapables de s'adapter aux mutations de ces dernières années. La "crise de l'immigration" qui fait tant de vacarme, est un excellent révélateur de cette situation.

De là, trois conséquences majeures sur le plan géopolitique et stratégique :

(1) La place retrouvée de l'Empire du milieu dans le concert des puissances économiques est imputable à un véritable « hack » qui a consisté, pour la Chine, à retourner à son profit le « projet » des pays du Nord, qu'on pourrait tenter de résumer par cette formule simple : « la mondialisation c’est l’occidentalisation ».

(2) Pour y parvenir, la Chine a tourné à son propre avantage les instruments de mise en œuvre de ce "projet", à savoir : les multinationales, pour drainer les capitaux et les savoir-faire nécessaires à l'industrialisation ; les exigences du « développement durable » opposables aux autres, mais que la Chine s'abstient précautionneusement d'observer, pour forcer l'avantage comparatif qui lui tient lieu d'arme d'industrialisation massive.

(3) Ce détournement de projet est porteur d'un retournement de situation qui prend toutes les formes d'une révolution dans la mondialisation, et qui présente un risque de décrochage pour l'Occident : il sera le principal enjeu géopolitique de ce siècle. Contrairement à l’industrialisation et au développement (supposés) de l’Afrique, comme certains veulent nous le faire croire.

(4) La prédiction est un genre difficile, mais on peut conjecturer, dès lors, que l'Afrique étant la dernière corne d'abondance de la planète, elle sera, malgré elle, au centre de cet enjeu.

Dans ce contexte, le continent africain ne parviendra à déverrouiller son développement, pour sortir de l'impasse où il se trouve, que s'il se garde bien de courir derrière tous les avenirs radieux qu’on veut bien lui promettre, pour devenir, à son tour, un acteur et un "hacker" de la mondialisation, en mettant l'intelligence au centre de son projet.

Au Total : si l'Afrique doit retenir une seule leçon de la transition industrielle de la Chine, c'est de se tailler sa propre voie dans le maquis de la mondialisation (revue et corrigée par l'Empire du milieu), mais à la boussole des atouts et des défis dont ce continent est mêmement une corne d’abondance. 

Charles Darwin nous l’enseigne et la Chine, pays sous-développé et faible (au début de la mondialisation) nous le confirme : le projet qui gagne n’est pas nécessairement celui de « l’espèce la plus forte, ni la plus intelligente, mais celui de l’espèce qui s’adapte le mieux aux contraintes du milieu » : à la mondialisation.

Vous avez des ressources naturelles, une main d'oeuvre abondante et des campagnes verdoyantes, mais vous manquez de capitaux et de savoir-faire pour vous industrialiser? Retenez qu'à l'ère de ma mondialisation, le projet gagnant sera celui qui vous permettra de "faire de votre handicap, un moteur", en transformant la menace (du rouleau compresseur des multinationales) en opportunités. A une condition toutefois. Gardez un pas d'avance sur le voisinage, en faisant aux investisseurs une proposition qu'ils ne peuvent pas repousser : celle de produire chez vous à des coûts défiant toute concurrence.

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Si l'on regarde la longue histoire de la Chine ou plutôt de l'Empire du Milieu, on constate que même dans les époques troublées et de fragmentation, une administration puissante se met en place, des travaux gigantesques sont entrepris qui modifient le paysage comme le Grand canal qui, outre le transport des gens et marchandises permet de nourrir la population. On y rajoute une agriculture performante et de la technologie. Il me semble que même maintenant les pays africains ont besoin de grands travaux structurants. Or, quand ils en lancent ce sont les Occidentaux ou les Chinois qui les mènent sans que ça rapporte aux gens locaux. Quand l'on voit que même en Algérie ce sont les Chinois qui construisent les autoroutes 😕 Il en est de même pour la Tunisie alors qu'elle semblait sur la route de la modernité au XIXe siècle avant l'arrivée des Français, du temps de la présence d'une petite bourgeoisie maltaise entreprenante. Vu de loin, c'est comme si le monde africain globalement ne faisait pas confiance à ses technologues.

Ousmane Thiané S.

RÉFÉRENT SÛRETÉ / SECURITY MANAGER - AVSEC - PFSO & SITES SENSIBLES

7 ans

La principale caractéristique de LA CHINE, est d’avoir su préserver sa civilisation pendant longtemps des influences extérieures. Le principal handicap de l’Afrique est d’avoir eu une civilisation malmenée, maltraitée, au fil des siècles, tuant sa créativité, freinant son dynamisme . L'appétence de la Chine pour pour l’Afrique n’obéit qu’au besoin de s’assurer une croissance économique forte afin de garantir la stabilité de son régime politique et à l’international, d’être le seul contrepoids à la puissance des USA, donc de se positionner aussi en puissance dominante . Les ambitions chinoises en AFRIQUE entrent dans le cadre de ces objectifs, même dans l’expression de ses ambitions la chine nous la joue façon soft power, sans états d’âmes (business is business) . Nous ne serions qu’un vaste marché low-cost . A l’heure où le continent doit s’assumer et prendre en charge et son développement en inventant son modèle propre ( dans tous les sens du terme ) , si nous n’y prenons garde cela pourrait s’avérer toxique au final pour l’Afrique.

Prof. (HDR) Juste BOUSSIENGUET

Directeur École doctorale| Changement climatique|Forêts | Environ.| ODD chez Univ. FG St Exupéry Libreville

7 ans

RAJA HACHEDED L'exemple de la Chine plaide pour vous: sans leadership fort, pas de projet partagé et pas de stratégie gagnante. Donc pas de perspectives de développement possibles.

Dr. Raja HACHED

Program Manager@Executive Education @universitecentrale@honorisuniteduniversities

7 ans

Le problème qu'il y a ni leadership politique ni amour de la patrie est le résultat le voilà un pays comme le mien, La Tunisie, est en train de s'effondrer

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