La Morgan des Carpates
Zbyslaw Swaj ne s’en est jamais caché : il voue une passion sans borne aux roadsters britanniques et aime les Morgan. A l’époque communiste, s’il avait vécu du bon côté du Mur avant que celui-ci ne tombe, il en aurait acheté une neuve sans aucun doute. Mais pour son malheur, il vivait de l’autre côté, dans une Pologne soumise à son puissant voisin, un pays dans lequel “cela ne se faisait pas”. Ce qui ne la toutefois pas empêché de réaliser ses rêves. Sa première voiture, plutôt une épave, fut une Opel P4 d’avant-guerre qu’il acheta dans les années 50. Suivirent beaucoup d’autres voitures qu’il réparait et parfois restaurait, comme une Morgan appartenant à une personne employée par l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique en Pologne. En travaillant sur celle-ci, Zbyslaw Swaj découvrit beaucoup de choses qui ne lui plaisaient pas. Par conséquent, il ne s’est pas contenté de la réparer simplement et conformément à l’original mais il a tenu à corriger ses défauts et l’a amélioré partout où cela était possible. Tout cela lui donna des idées qui germèrent progressivement dans sa tête avant de devenir réalité lors de la loi martiale qui secoua son pays au début des années 80 : celle d’entamer dans son garage la construction d’une voiture conforme à ses exigences, à savoir une automobile moderne habillée d’une robe évoquant les roadsters britanniques des années 30. Il l’appela Gepard et la présenta à la foire internationale de Poznan en 1990 où elle reçut le titre de “plus belle voiture du salon”, un titre qui l’encouragea à poursuivre l’aventure. Si elle ressemblait visuellement à une Morgan, elle s’en différenciait par ses dimensions plus importantes mais encore par le fait qu’elle n’utilisait pas de bois pour sa structure mais uniquement un acier spécifique, le même qu’utilisait Land Rover pour ses véhicules, comme tient à le préciser Zbyslaw Swaj. Quant à la carrosserie, elle était réalisée intégralement en aluminium. Mécaniquement en revanche, comme la Plus 8 fabriquée à la même époque, la Gepard utilisait un V8 Rover dans une configuration 3.9 litres délivrant 184 ch, secondé par une boîte manuelle transmettant la force aux roues arrière. Moderne, le châssis reposait sur une suspension à quatre roues indépendantes alors même que le freinage faisait appel à quatre disques (ventilés à l’avant) de belles dimensions. Sept exemplaires de Gepard furent construits en tout et pour tout durant les années 90 dans un atelier situé à Mielec dans le sud de la Pologne, niché au centre d’un vaste complexe industriel qui avait fabriqué des avions de chasse par le passé, là où précisément Kirkham fabriquera par la suite ses carrosseries et châssis de Cobra. La plupart d’entre-elles prendront la route de la Suède, et un exemplaire, celle du Lichtenstein. Pour l’anecdote, Zbyslaw Swaj travailla ensuite notamment pour Koenigsegg, pour le compte duquel il réalisa différents réservoirs d’essence et d’huile ainsi que des éléments de suspension. Quant à la Gepard, elle connut une descendante, la Leopard, mais ceci est une autre histoire. Aujourd’hui âgé de 92 ans, Zbyslaw Swaj développe toujours de nouveaux projets. Un authentique passionné.