La Pâqueline ou les mémoires d'une mère monstrueuse - Isabelle Duquesnoy - Editions La Martinière
Isabelle Duquesnoy nous avait enchantés - en même temps qu'horrifiés - il y a quatre ans avec « L'Embaumeur », l'histoire drolatique, glaçante et gore à souhait de Victor Renard. Les chanceux qui l'ont lue n'oublieront pas de sitôt ce garçon affligé d'un torticolis de naissance et ayant fait fortune grâce à son art de la thanatopraxie en des temps où la guillotine pourvoyait généreusement les cimetières parisiens en macchabées premier choix et où les peintres s'arrachaient à prix d'or le « jus » des coeurs momifiés des rois de France, après la profanation de leurs tombes à Saint-Denis en octobre 1793. Sa créatrice revient sur la scène littéraire avec un autre personnage non moins haut en couleur, la Pâqueline, mère dudit Victor Renard. Qu'elle n'appelle pas autrement que « Victordu » et déteste de tout son coeur.
« Parfois, quand j'écris le mot 'fils', ma plume voudrait le prolonger jusqu'à 'fistule' », lâche en passant la féroce Pâqueline. Le ton est donné. Il faut dire que la pauvre femme a ses raisons pour haïr comme elle le fait son rejeton, des raisons que ce second volet des aventures des Renard mère et fils va justement, peu à peu, éclairer. Quand commence l'histoire, Victor est en prison, arrêté pour avoir forniqué avec une morte. Sa veuve de mère, essuyant seule l'opprobre du voisinage, voit sa maison être incendiée. Elle trouve refuge dans le somptueux appartement de son gredin de fils, rue des Blancs-Manteaux, et, s'étant attaché la compagnie d'un paon, lui arrache une plume du derrière afin de commencer à écrire, sur les murs de chacune des pièces, sa longue confession. Lecteurs au coeur sensible, accrochez-vous !
Truculence
Le récit, tantôt hilarant, tantôt cruel, vous fera d'abord pousser la porte des bordels parisiens où vous découvrirez Aphrodite, la mère de Pâqueline, surnommée « Bouc et Bique » à cause d'une certaine anomalie congénitale sur laquelle il nous sera permis de passer pudiquement. Il vous conduira ensuite du côté de la campagne normande où vous attendront le bon oncle Ignace, son ignoble frère Lô et cette punaise de Mathilde. Tous les lecteurs ravis par la galerie de personnages de « L'Embaumeur » ne seront pas déçus par ceux qui peuplent les pages de ce second opus.
On y retrouve la même fantaisie débridée, la même truculence langagière qui font d'Isabelle Duquesnoy, auteure rare et inclassable navigant entre extrême délicatesse et franche obscénité, une sorte de Patrick Süskind mâtinée de Rabelais - avec un petit côté capitaine Haddock pour l'inventivité dont elle fait preuve en matière de jurons. Et le plus fort, c'est que son odieuse « mère paon » (à défaut d'être une mère poule) en finira par se faire aimer de vous !
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Merci à Yann Verdo