La perte rapide de la biodiversité : une menace existentielle pour l’humanité
Le terme biodiversité est un terme récent qui date de 1988. Il désigne la diversité et la variété des formes de la vie sur terre. Dans mes cours, je le défini selon trois approches : (1) l’approche comptable qui consiste à énumérer le nombre d’espèces vivantes sur notre planète (approximativement 12 millions d’espèces dont 8 millions d’insectes), (2) l’approche génétique, qui consiste à examiner la diversité des formes de vie selon leur capital génétique et enfin (3) l’approche systémique qui consiste à examiner les écosystèmes et les interactions entre les espèces dans un milieu donné. Selon cette dernière approche, 8% de la surface de la Terre abrite 90% de la biodiversité. Il s’agit alors de conserver ce que l’ONU qualifie de temples de la biodiversité.
Malheureusement, l’urbanisation croissante des littoraux (où se situent la majeure partie des temples de la biodiversité), le réchauffement climatique, les pratiques irresponsables en matière agricole (avec un usage intensif des pesticides et des herbicides), l’exploitation à outrance des habitats naturels des espèces ont conduit à une situation alarmante en matière de la biodiversité à l’échelle mondiale. Mais a-t-on raison de s’alarmer ? peut-on faire quelque chose et renverser la donne ?
Il y a vraiment un péril dans la demeure !
La couverture médiatique récente de la perte de biodiversité à l’échelle mondiale montre à quel point la biodiversité est en péril de nos jours. Une étude récente publiée en 2019 montre que le tiers des espèces est menacée d’extinction. En France 15% des plantes sont en danger d’extinction (Science et Avenir, 25/1/2019). On estime que le taux de disparition des insectes à l’échelle mondiale est de l’ordre de 2,5% par an ! 60% des espèces de café sauvage sont en danger de disparition. Quel que soit la statistique que nous mobilisons, nous constatons que nos pratiques et nos modes de vie sont en train de détruire la richesse de notre monde (la richesse du vivant).
La biodiversité apporte d’innombrables services aux humains. Les services écosystémiques tels que l’eau douce, les produits pharmaceutiques, les protections contre les inondations…sont d’une importance capitale pour la survie de l’espèce humaine. Notre avenir dépend de notre capacité à maintenir une biodiversité minimale. Elle est essentielle pour l’agriculture – la perte des abeilles aurait une conséquence catastrophique sur la pollinisation des plantes et donc sur les rendements agricoles…
En 1997, les services de la biodiversité mondiale ont été estimés par l’économiste Costanza à 33 000 milliards de dollar en moyenne alors que le Produit National Brut mondial n’était que de 18 000 milliards de dollar. La biodiversité est la première source de création de valeur à l’échelle mondiale. Mais elle est largement non prise en compte dans nos comportements. Ceci est surtout le cas dans les pays en développement où la culture de la croissance économique a été largement diffusée et où les aspirations des peuples demeurent de copier le modèle occidental ! Des forêts vierges (les plus anciennes du monde) ont été transformées en plantation de Palme pour produire l’huile de palme qui a servi durant des décennies dans nos assiettes et dans toutes les préparations qui évoque notre jeunesse.
Le temps de l’action est venu !
Un mouvement semble se dégager de nos jours pour renverser la situation. Il va de la mise en place de nouvelles lois sur la biodiversité comme celle en préparation en Allemagne, à la contestation citoyenne qui se met en place de jour en jour pour dénoncer le modèle de développement actuel qui touche ses limites. La reforestation en Inde et en Chine a permis de reboisement d’une surface équivalente à l’Amazonie. Le Pakistan a planté 1 million d’arbres…l’Australie a annoncé son désir de planter 1 milliard d’arbre d’ici à 2050. Les parcs de protection se multiplient…mais est-ce que cela sera suffisant ?
La pression démographique et la nécessite de nourrir à termes 12 milliards d’êtres humains nécessitent une approche nouvelle ou l’agriculture soit respectueuse de la biodiversité. La biodiversité est d’ailleurs considérée de nos jours comme un élément central pour la sécurité alimentaire mondiale. Le rapport de la FAO récent met en garde contre cette perte de biodiversité et ses répercussions sur le secteur agricole. « Pas moins de 75% des récoltes dans le monde dépendent de la pollinisation, rappelle la FAO dans un rapport de 576 pages (91 pays).
Dans le même temps, l’intensité des événements extrêmes dépendra en partie des services des écosystèmes. La déforestation a conduit à un sol qui ne retient plus les eaux de surface et par conséquent accélère la dégradation des sols et les inondations à travers le monde. L’intensité des événements extrêmes dépend de notre capacité à maintenir une diversité écologique et sauvegarder les écosystèmes.
Pour conclure, l’action internationale avec les conventions mondiales mis en place par les Nations Unies sur les espèces protégées (CITES) ou encore la convention internationale sur la biodiversité n’ont pas pu renverser les processus de perte de biodiversité. Seule l’action citoyenne à grande échelle pourra renverser la tendance actuelle. Chacun de nous est capable de renverser la tendance ne serait-ce qu’en plantant devant chez soi un arbre et en laissant un bout de nature sauvage dans son potager. La mobilisation de la société civile mondiale est primordiale…