La petite voix intérieure nous casse les pieds (10 notions de neuroscience à connaitre pour son bien). Notion n°4
Dr Bernard Anselem. samedi 7 janvier 2017
Si je vous adresse 9 compliments et un reproche, à quoi allez-vous penser demain ? Selon votre humeur ou votre personnalité, votre petite voix intérieure oscillera entre irritation, inquiétude, regrets, autocritique, parfois même, dévalorisation de soi. Elle vous délivrera ses pensées toxiques avec application, en négligeant les compliments.
Cet état d’esprit négatif n’est pas anormal, il est explicable par les fonctions vitales du cerveau. L’explication dominante actuelle (confortée par d’innombrables observations biologiques, éthologiques et psychologiques) est liée à l’évolution animale et humaine : notre cerveau ancestral provient du monde animal, son but n’est pas d’être heureux mais de survivre et se reproduire. Il a donc privilégié les informations utiles pour manger, sans être mangé. Il est câblé pour repérer les dangers et les ressources. Mais l’identification d’un danger est prioritaire par rapport à la recherche d’une ressource : si vous loupez un fruit vous pourrez vous rattraper plus tard. Mais si vous ignorez un danger (l’ombre d’un prédateur ou le bruit d’un ennemi) vous êtes mort !
À court terme, l’inquiétude est plus importante que la logique, ceux qui mémorisent les dangers et les anticipent, vont survivre, pas les autres. Du coup notre cerveau a donné une importance supérieure aux informations négatives. Les centres impliqués dans le repérage des dangers et des informations désagréables sont prioritaires par rapport aux circuits de la récompense. Au fil du temps, le cerveau a appris à privilégier les informations menaçantes, à les mémoriser en priorité, à les traiter sous forme d’émotions et à élaborer des solutions pour survivre.
De nos jours les tensions professionnelles et les difficultés relationnelles ont remplacé les bêtes sauvages, mais la structure de notre cerveau n’a pas évolué à la même vitesse, les préoccupations prennent le dessus sur les satisfactions. Ces fonctions sont souvent utiles pour progresser, mais contribuent largement à empoisonner nos vies.
Chaque perception, chaque pensée, chaque comportement correspond à l’activation d’un groupe de neurones. Les compliments vont stimuler les réseaux de la récompense : des noyaux profonds de la base du cerveau et des zones du cortex à l’avant du cerveau (cortex préfrontal et cingulaire). Une des fonctions de cette région est d’évaluer la valeur émotionnelle d’une perception. Le même circuit est activé quand un animal obtient un aliment savoureux. Chez l’homme, l’activation de cette région est aussi associée à des pensées plus élaborées, en rapport avec nos souvenirs et notre culture.
Les reproches vont impliquer les même régions frontales d’évaluation émotionnelle, mais vont activer auparavant d’autres relais plus profonds, en lien avec les réactions émotionnelles fortes (telles que les noyaux amygdaliens ou l’insula). Ces structures ont tendance à prendre le pas sur toutes les autres, en situation de stress. Les reproches seront donc plus présents que les compliments, dans notre esprit.
APPLICATIONS PRATIQUES
1) Déculpabilisation : être tracassé par des préoccupations diverses est la règle et non pas l’exception. Ce biais de préférence pour le négatif nous concerne tous, nous ne sommes ni «anormaux » ni « nuls ». Connaitre cette tendance permet un effet positif : dédramatiser, déculpabiliser toutes ces pensées nocives.
2) Acceptation : avant de chercher à combattre ces sombres pensées, il convient de les accepter, puisqu’elles sont naturelles et inévitables. Cette étape permet d’aborder plus sereinement la suite : la remise en cause par notre réflexion, des inquiétudes, agacements, regrets et ressentiments divers.
3) Prise de distance : nous savons que ces discours intérieurs sont dictés par un biais de raisonnement, le plus souvent inadapté à notre vie moderne. Cette connaissance nous aide à les remettre en cause et à les remplacer par des pensées plus favorables à notre moral.
4) Estime de soi : cette petite voix critique incessante va malmener notre estime de soi. Nous sous-estimons sa toxicité. La répétition de ces pensées négatives va favoriser leur reproduction (effet de cercle vicieux lié à la plasticité cérébrale, voire l’article notion n° 1) Connaitre ces mécanismes permet de limiter les nuisances de ces raisonnements, favorise l’autocompassion et l’acceptation de soi. L’effet d’apaisement est majeur.
5) Il ne faut pas tout jeter : ces mécanismes se sont mis en place pour notre survie, ils peuvent parfois nous conseiller judicieusement. Comment faire la différence ? Les réflexions qui nous guident vers une solution active, tournée vers l’avenir et respectueuse de soi et des autres, sont utiles. Celles qui nous enferment dans des reproches, regrets ou ressentiments envers soi ou son entourage, sont toxiques.
Pour en savoir plus: goo.gl/bJGyvK “Ces émotions qui nous dirigent” B Anselem. Éditions Alpen
Psychopraticienne Relationnelle formée au modèle Intelligence Relationnelle ® du Docteur François Le Doze et formée au modèle IFIO de Toni Herbine Blank
8 ansMerci pour ce rappel à la fois élémentaire et essentiel. Voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide, ce n'est pas qu'une histoire de volonté !
Expert Excel Access VBA Macro | Formateur | Développeur de fichiers personnalisés | Formation sur mesure | Créateur de dophis.fr
8 ansUne fois de plus, ça vient de Cromagon. CQFD
Développement économique et social du territoire
8 ansNe pas réagir tout de suite à ses emotions, mais prendre un instant pour l'analyse. Un travail de toute une vie!
Conférencier international Motivation, Engagement & Résilience (Fr & Eng). Expert en Neuroleadership, Neuromanagement & Gestion de crise. Intervenant ESCP Executive Education. Auteur Editions Larousse & EMS
8 ansIl y a aussi une dimension culturelle. Les français tournent parfois en dérision leurs homologues anglo-saxons, notamment américains, qui paraissent en faire des tonnes en matière de feed-blacks positifs... mais remercier et féliciter est la base au niveau neuronal pour progresser et aller plus loin. Cela apparaît comme une banalité de le dire et pourtant, les mots merci et bravo ne sont pas les plus employés au sein des entreprises. Un autre ex, si les parents ou professeurs répètent constamment à un jeune enfant qu'il est nul, les dégâts sur son cerveau en maturation sont considérables. Et je ne me place pas ici sur le champ de la morale ou de la bienveillance en disant cela mais bien sur celui de la neuro-biologie !
Médecin master 2 neuropsychologie. Auteur conférencier. Apprendre à obtenir le meilleur de son cerveau. Tedx speaker
8 ansMerci Erwan. Effectivement l'entretien annuel est un exemple pertinent. Plus généralement, nous pouvons l'appliquer pour minimiser et prendre du recul sur tous les événements négatifs professionnels et pour survaloriser consciemment tous les retours positifs, tout ce qui fonctionne bien et que nous avons naturellement tendance à oublier. Face à un problème, ces connaissances nous aident aussi à se tourner vers les solutions, plutôt que de s'enfermer dans les pourquoi.