La place des oliviers dans l'agroforesterie au domaine
Grand entretien autour des oliviers, de la récolte et de l'agroforesterie au Mas de Daumas Gassac avec Matthieu Chapon (MC), chef d'exploitation
Que penses-tu de la récolte des olives cette année ?
MC : Aujourd’hui, vendredi 22 novembre, nous sommes en train de terminer le dernier jour de récolte. Je pense que nous allons faire plus que l’année dernière puisqu’on était à 872 kilos et cette année nous allons dépasser la tonne. Et ça s’est très bien passé !
Combien de temps cette récolte-t-elle a duré ?
MC : Nous avons attaqué la récolte lundi 18 novembre à 7 personnes. Et la problématique que nous rencontrons chez Daumas c’est que nous avons des oliviers qui ne sont pas taillés pour faciliter la production et la récolte. Nous avons des passages de tracteurs en dessous de ces oliviers. Ce sont des oliviers qui sont dans la vigne, donc on les monte en hauteur pour que les tracteurs puissent passer en dessous, ce qui complique la récolte. Nous passons deux fois plus de temps que des oliveraies taillées pour la récolte.
Et en quoi cette récolte est-elle différente de celle de l’année dernière ?
MC : Cette année, la récolte s’est faite beaucoup plus tardivement que l’année dernière. Nous avions attaqué juste après le 1er novembre et là nous avons commencé le 18 novembre donc avec 15 jours d’écart.
Cette année, les olives ont mis plus de temps à murir, à cause d’un manque de soleil et du climat de cet été.
Combien d’oliviers y a-t-il actuellement sur le domaine ?
MC : Je ne pourrais pas vous dire exactement. Puisqu’il y a des parcelles d’oliveraies que nous avons repris et que nous essayons de développer.
Ensuite, dans un contexte d’agroécologie de la propriété, tous les oliviers qui ont été plantés par nos ancêtres dans les talus, nous les remettons au goût du jour. Donc chaque année nous augmentons notre nombre d’oliviers. Pour le moment, nous ne les avons pas quantifiés.
Nous avions compté à un moment donné aux alentours de 200 oliviers mais je ne sais pas exactement parce que nous en avons partout sur la propriété.
En plus cette année, nous avons commencé un gros chantier où nous avons récupéré une ancienne oliveraie et donc on débroussaille, on retaille…
Quelle est la spécificité de la plantation des oliviers au Mas de Daumas Gassac ? Comment cela se passe-t-il ?
MC : Nous ne plantons pas, nous remettons simplement les oliviers à jour. C’est donc un travail de longue haleine. Notre priorité reste quand même la vigne donc nous dégageons du temps pour effectuer cette récolte et nous jonglons entre le timing de la vigne et celui des oliviers. Nous essayons de trouver un juste milieu pour ne pas lâcher la vigne puisque c’est quand même notre but premier, nous sommes vignerons avant tout.
Il y a-t-il certains entretiens saisonniers à apporter aux oliviers pour garantir une bonne production ?
MC : Nous taillons et récoltons, ce sont les deux gros points que nous faisons à l’heure actuelle. Le point noir c’est qu’il faut toujours penser aux tracteurs pour la vigne. Nous ne taillons pas comme nous devrions mais plutôt en fonction du passage du tracteur, ce qui nous ramène une complexité en plus.
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Pour la récolte, au lieu de se faire à hauteur d’hommes, elle se fait à 2/3 mètres de hauteur, ce qui complique notre tâche.
Et après, nous avons des oliviers par ci par là, certains sont isolés ce qui peut parfois minimiser la rentabilité, mais nous le faisons quand même parce que c’est intéressant de changer de la culture de la vigne.
Quelles sont tes attentes pour les prochaines récoltes d’olives ?
MC : On va continuer sur notre ligne de conduite. On a de plus en plus d’oliviers, donc on va essayer d’apporter le meilleur travail possible en un minimum de temps. Et essayer d’être de plus en plus opérationnels sur ce travail pour que la production augmente et que la récolte soit plus facile pour l’équipe. Là on a passé 4 jours à 7 personnes. C’est fastidieux en termes de main d’œuvre parce que c’est très compliqué de ramasser les olives. Puis essayer d’optimiser les oliviers en termes de volumétrie.
Quel est le rôle et l’impact des arbres et donc des oliviers sur l’agroforesterie du domaine ?
MC : Si l’on prend toujours les mêmes principes de l’agroforesterie, c’est-à-dire d’augmenter la biodiversité au lieu d’avoir une monoculture de la vigne, on se diversifie en mettant différentes espèces végétales. Et un olivier, par tout ce qu’il peut apporter au niveau ombre, biodiversité, insectes, est bénéfique.
Dans le parcellaire cela reste compliqué parce que ça va à l’encontre de la mécanisation. Nous possédons des tracteurs qui mesurent 2 mètres de haut donc cela ne nous facilite pas la taille ni la récolte.
Cela fait 4/5 ans que nous avons repris les oliviers. Au tout début nous faisions un petit travail et maintenant il est de plus en plus conséquent. En ce qui concerne notre projet d’agroforesterie, nous retrouvons des oliviers sur les bordures de parcelles, et nous les mettons en avant en espérant en tirer une production.
Nous faisons attention à tous nos arbres qui entourent les parcelles en leur apportant une attention supplémentaire.
Quels bénéfices observes-tu de cette cohabitation entre les oliviers, les vignes et les autres éléments du paysage ?
MC : C’est une cohabitation qui est compliqué à quantifier parce que nous ne voyons pas un effet direct, on ressent simplement des choses. Par exemple quand l’équipe travaille sous les oliviers, naturellement il y a plus d’ombres donc ils se sentent mieux.
Pour ce qui est du raisin proche des oliviers et des arbres en général, il murit plus doucement, puisque les degrés vont monter légèrement moins hauts, ce qui amène à une maturité beaucoup plus lente, et c’est très intéressant à observer.
Tout ce qui est insectes, vie biologique… on ne le quantifie pas mais on sait très bien qu’il y a des connexions qui se font au niveau de la biodiversité, et ça a un intérêt pour la vigne. Cela permet de trouver un équilibre avec le milieu qui nous entoure.
Sur les oliviers nous ne faisons pas de traitements, et nous laissons la nature agir et nous donner la production.
Tout ce qui tourne autour de l’agroforesterie est difficilement quantifiable, mais il y a des grandes théories comme le fait que le sol sous un olivier, à l’ombre, crée une vie microbienne plus développée. C’est à ces endroits que nous allons éviter la compaction du sol et où la vigne en tirera un bénéfice.
Les oliviers sont purement là pour augmenter la biodiversité, faire des niches écologiques pour différents insectes qui vont être bénéfiques, ou non, pour la vigne. Cela reste un équilibre à trouver entre ce que la nature peut apporter et notre production de raisins et d’olives.
Crédit Photo : Vincent Bartoli