La problématique de l'aménagement forestier

Les forêts et autres types de terres boisées couvrent au total près de 4 milliards d'hectares dans le monde, soit 30 pour cent de la superficie des terres émergées (FAO, 2018). On estime qu’environ 1,6 milliard de personnes, soit 25 pour cent de la population mondiale, dépendent des forêts, qui constituent un moyen de subsistance, un bassin d’emplois et une source de revenus (PSNUF, 2017).

Les forêts offrent les services écosystémiques essentiels, tels que le bois, l’alimentation, le carburant, les combustibles, les produits non ligneux et les logements, et contribuent à assurer la conservation des sols, la protection des eaux, la qualité de l’air. Elles préviennent la dégradation et la désertification des terres et réduisent les risques d’inondations, de glissements de terrain, d’avalanches, de sécheresses, de tempêtes de poussière ou de sable et d’autres catastrophes naturelles. En outre, elles abritent environ 80 pour cent de toutes les espèces terrestres. Elles contribuent sensiblement à atténuer les changements climatiques et à s’y adapter, ainsi qu’à préserver la diversité biologique (PSNUF, 2017).

Les forêts africaines représentent 23 pour cent de la superficie terrestre totale du continent près de 675 millions d’hectares. Ces massifs qui, au-delà de leurs atouts essentiels à l’activité économique et aux modes d’existence, occupent environ 21 pour cent du total mondial des stocks de carbone dans la biomasse forestière et peuvent piéger jusqu’à 680 kg de carbone par hectare et par an constituant un bouclier précieux contre les changements climatiques (CEDEAO, 2013). La sylviculture contribue pour 6 pour cent au PIB de l’Afrique en moyenne, et près de 13 pour cent à celui des pays africains tropicaux (Gumbo, 2010). L’approvisionnement en bois de chauffe constitue une portion importante de l’énergie qui est utilisée pour la cuisine et le chauffage par la grande majorité des ménages africains, notamment dans les régions rurales. En 2010, l’Afrique représentait 33 pour cent des prélèvements de bois de chauffe dans le monde. En 2005, environ 571 000 personnes en Afrique participaient à la production de biens provenant des ressources forestières primaires (FAO, 2010). En outre les produits forestiers non ligneux bien que difficiles à enregistrer dans les comptes nationaux, apportent également une contribution notable à l’économie et constituent une source importante source de revenus et de sécurité alimentaire pour les populations. Les forêts fournissent également une grande variété de services afférents aux écosystèmes qui appuient le développement et la viabilité d’autres secteurs notamment l’agriculture, l’approvisionnement en eau potable et la production d’énergie et jouent un grand rôle dans la dynamique du changement climatique mondial. Une biodiversité bien maitrisée et une utilisation rationnelle de ses fonctions de soutien vitales devraient par conséquent rapporter de réels avantages économiques à l’Afrique et avoir un grand impact sur la réduction de la pauvreté. Cependant les forêts périclitent à un rythme accéléré à cause de la surexploitation et des pressions provoquées par d’autres utilisations des terres, notamment l’agriculture et l’élevage.


Au Sénégal, l’estimation des ressources forestières n’est guère aisée car il n’existe pas d’inventaire actualisé des formations forestières. Cependant, on estime que la superficie des forêts représente 8.273.000 d’hectare (FRA, 2015). Environ 60 pour cent de la superficie du pays appartient à l’espace forestier, l’ensemble “forêts denses/claires et savanes boisées/arborées” couvre 38 pour cent, le reste étant classé dans la catégorie des “autres terres boisées” (savanes et steppes arbustives), avec un faible potentiel ligneux par ha.

Bien que le rôle du secteur forestier soit reconnu comme essentiel dans le développement économique du pays (fourniture de plus de la moitié des besoins énergétiques, source de divers produits non ligneux, maintien de la fertilité des sols, parcours du bétail, conservation de l’environnement), sa part dans l’économie ne dépasserait pas 1 pour cent du PIB et 5 pour cent du secteur primaire. Cette sous-évaluation s’explique par le fait que le PIB se calcule uniquement en flux monétaire tout en délaissant l’autoconsommation et les autres produits non marchands (régulation du climat, fixation du sol, récréation…) que la forêt procure aux populations. . On estime alors que l’exploitation forestière directe représente un chiffre d’affaires de 20 milliards de FCFA par année et fournit 20.000 emplois (CE-FAO, 2000).

La raréfaction des ressources hydriques, la sècheresse, l’intensification, les changements climatiques, la pression exercée par l’homme sur la forêt et les parcours, ainsi que les feux de brousses ont engendré des conditions propices à la dégradation, à la déforestation et à la désertisation. Ces dynamiques obéissent à des mécanismes interdépendants, parmi lesquels des politiques inappropriées d’utilisation des terres, une mauvaise gouvernance, la complexité des problèmes liés aux régimes fonciers et un manque généralisé de compréhension de l’importance des ressources des forêts et des terres boisées.

Pour faire face à ces menaces, de nombreuses mesures ont été prises très tôt en vue d’aider à la conservation des forêts. En Allemagne par exemple, dès 1330, le droit coutumier mentionnait que l’abattage des arbres devait être modéré et effectué sans causer de dégâts (Mantel, 1990). Des règles spécifiques étaient adoptées par les villages, les associations agricoles communales, les monastères et les villes. Les mesures comprenaient notamment l’interdiction de couper les arbres produisant des aliments (comme les fruits) et de récolter des produits forestiers non ligneux. Les forêts situées à proximité des établissements humains étaient réservées à l’usage de la population locale et divisées en zones de coupe (aires de rotation), qui devaient être exploitées chaque année puis être protégées de la pâture jusqu’à ce que la régénération des arbres soit assurée. C’est par là pour la première fois, que le concept de durabilité est apparu. Les forestiers tendent à procéder en long terme parce que les arbres mettent longtemps à grandir. Cela pourrait expliquer pourquoi ils ont été les pionniers dans l’élaboration du concept moderne de la durabilité. A ce titre de protection, les organismes internationaux en matière de foresterie, posent des jalons et visent de grands objectifs comme :

* la conservation du potentiel forestier et des équilibres socio-écologiques ; 

*la satisfaction des besoins des populations en produits ligneux et produits/services non ligneux.

Pour la conservation du potentiel forestier, il s’agira de faire l’inventaire des ressources forestières, d’entreprendre des actions d’aménagement en vue d’impliquer et de responsabiliser des populations dans la reconstruction et l’exploitation des formations forestières à travers l’approche participative, afin d’obtenir une participation effective de toutes les couches sociales, aussi bien au niveau communautaire, qu’au niveau collectif et individuel.

En effet, le Sénégal est de tous les pays de l’Afrique occidentale, celui qui présente l’expérience la plus ancienne en matière d’aménagement forestier, avec notamment, d’une part la forêt classée de Bandia (1954), et d’autre part, le programme national d’aménagement des peuplements forestiers naturels (1963-1972) couvrant les peuplements de Gonakiers longeant le fleuve Sénégal et les Forêts de Légumineuses-Combrétacées du Rail dans l’axe Kaolack-Tambacounda (PAGFCK, 2008).

La particularité des interventions en forêt est que celles-ci doivent s'inscrire dans le long terme. Pour vérifier la pertinence et l’impact des choix définis dans l’aménagement, en particulier la sylviculture à appliquer, la mise en compte des pratiques, le niveau de prélèvement de bois et de PFNL, l'écotourisme, une période assez longue est nécessaire. C’est pour cette raison, les forestiers prévoient périodiquement une évaluation en vue d’avoir plus de visibilité sur la pertinence des choix et de faire des ajustements.

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