La publicité programmatique en Afrique.
Pour peu qu’on s’intéresse un peu à la publicité et la communication, on a déjà forcément entendu parler de marketing programmatique ou de publicité programmatique. En Europe, aux Etats Unis et en Asie les annonceurs ne jurent que par le programmatique au point de repenser entièrement la manière dont ils communiquent. Aux Etats Unis par exemple selon le site Emarketer.com, les dépenses en programmatique ont atteint 14,88 milliards de dollars en 2015, soit 55% des dépenses totales en publicité Display. En Europe, les investissements ont atteint le seuil des 21 milliards de dollars sur l’exercice 2014 et représentera bientôt la majorité des investissements publicitaires.
Devant un tel phénomène il est naturel de se poser la question pourquoi autant d’intérêt pour le programmatique ?
Avant de répondre à cette question il est d’abord important d’expliquer ce qu’est la publicité programmatique.
C’est quoi la publicité programmatique ?
La publicité programmatique décrit la publicité Display qui est booké, mise en ligne, analysée et optimisée via des interfaces logicielles dédiées à l’achat média fonctionnant grâce à des algorithmes. Elle inclus aussi bien les enchères en temps réel (Real Time Bidding) que les méthodes non RTB telles que l’achat sur Facebook et le réseau Display de Google. En termes plus simples, tout achat média automatisé peut être considéré comme de l’achat programmatique. Pour mieux comprendre, voyons comment se passait l’achat média digital avant l’introduction du programmatique. Le Digital média buyer faisait sa recommandation en sélectionnant les sites qui s’alignent le mieux avec les objectifs de sa campagne et contactait les régies qui vendent les inventaires dans ces sites web, pour réserver ses espaces. Une fois le booking fait, comme pour les médias traditionnels, il envoie son bon de commande ainsi que les créations et liens de tracking pour mise en ligne. La régie procède à la mise en ligne et contrôle les quantités diffusées via un Adserver publisher. Ici l’intervention humaine est permanente.
Dans un achat programmatique, toutes les interactions humaines sont supprimées. Le média buyer se connecte au système qui peut être un Adexchange (comme la bourse), un DSP (Demand Side platform ou plateforme d’achat connecté à plusieurs sources d’inventaires) ou une plateforme d’achat social média (Facebook par exemple), consulte les inventaires disponibles, fait son ciblage, définit des enchères, upload ses créations et lance et optimise sa campagne de manière automatisée. Sa forme la plus sophistiquée, en l’occurrence le RTB est très similaire au mode de fonctionnement de la bourse. Les médias Buyers placent des enchères sur des inventaires publicitaires en quelque fraction de secondes pour emporter des impressions publicitaires. Ici, les actions échangées à la bourse sont remplacées par des impressions publicitaires. Voilà pourquoi dans certaines agences disposant de Trading Desk (un logiciel connecté aux sources d’inventaires) les médias Buyers sont appelés des Traders comme dans la bourse.
Toutefois, il est important de comprendre que cette sophistication n’explique pas seulement tout le succès du programmatique. Son intérêt grandissant a pour origine d’autres raisons que nous allons à présent décortiquer.
Quels sont les bénéfices du programmatique ?
Le premier bénéfice de l’achat programmatique est un meilleur ciblage, pour ne pas dire un ciblage chirurgical. En effet, cette méthode d’achat offre au média Buyer une panoplie de critères de ciblage qui nous rapproche de plus en plus vers le St Graal de tout Marketer : offrir une expérience de communication personnalisée. On passe de l’achat de sites ou de supports à l’achat audience. Grâce à la richesse des données collectées, enrichies et exploitées par les algorithmes publicitaires, l’acheteur peut quasiment adresser sa cible avec une précision à faire pâlir d’envie un horloger Suisse. Chaque impression diffusée est vue par la bonne personne et au bon moment. Par exemple, il est possible aujourd’hui de faire une campagne qui ne sera vue que par des femmes âgées entre 25 et 35 disposant de hauts revenus et présentant un fort intérêt pou les produits cosmétiques par exemple. Ou encore de cibler des hommes voyageurs business qui disposent d’une carte Mastercard ou Visa et ayant effectué un voyage il y’a moins d’1 mois. Plusieurs critères de ciblage peuvent être croisées.
L’alliance entre la technologie et la Data permettent ce genre de prouesses. En effet, cette précision est rendue possible par la collecte et la mise à disposition de quantités importantes de données fournies essentiellement pas des Data Providers (entreprises qui collectent, enrichissent et commercialisent des quantités importantes de données) aux plateformes d’achat. La donnée constitue donc le moteur de l’efficacité du programmatique puisqu’elle informe le ciblage des campagnes.
Il n’y a pas que la précision du ciblage parmi les avantages du programmatique, on peut aussi citer la rapidité de mise en œuvre, les coûts moins élevés que l’achat direct, une intégration cross device (reconnaissance de la personne qui se connecte sur plusieurs appareils) et cross canal (la programmatique vidéo existe aussi).
En voyant tous ces avantages, on comprend mieux pourquoi le programmatique emporte l’adhésion des annonceurs et des agences dans les marchés matures. Cependant, il est important de se poser la question de l’état du programmatique sur les marchés Africains.
Peut on faire du programmatique en Afrique ?
La réponse est oui. Et même de petits annonceurs font déjà du programmatique. En effet, lorsque vous achetez de la pub sur Facebook ou du Display sur Adwords vous faites du programmatique. Une campagne Facebook utilise les données collectées par le réseau social sur ses membres pour vous aider à faire votre ciblage, optimise vos enchères en fonction de l’objectif de la campagne (ajuste le CPM pour générer plus de likes par exemple) et affiche plus d’impressions de la création qui a les meilleures performances grâce à son algorithme de gestion de campagne.
Si cette forme simple de programmatique est accessible à presque tous, les formes les plus sophistiquées ne sont accessibles qu’aux grands annonceurs via leurs agences. Le RTB par exemple nécessite des budgets importants mais surtout des compétences qui sont encore rares sur le continent. Pour acheter via un DSP il faut maitriser l’environnement très complexe de ces technologies. Il faut savoir attaquer les sources d’inventaire, maîtriser l’art de placer ses enchères pour remporter les impressions (vous êtes en compétition avec d’autres acheteurs) et optimiser les performances en temps réel de sa campagne. Et cela sans compter la connaissance requise de cet environnement hyper complexe fait de plusieurs acteurs dont les rôles peuvent être très différents mais très complémentaires. Une plateforme de gestion de données (DMP) par exemple est un acteur important dans l’organisation des données que l’annonceur exploite mais il faudrait savoir comment la plugger à une plateforme d’achat.
Enfin, un autre problème réside dans l’insuffisance d’inventaire de beaucoup de DSP sur le marché africain. Nos sites locaux ne sont pas assez connectés à ces plateformes rendant donc le ciblage très difficile sur nos marchés. On n’arrive pas à cibler les internautes Africains que lorsqu’ils sont connectés sur des sites internationaux et quand c’est le cas les Data providers n’ont pas très souvent enrichies les données issues des pays Africains (logique économique).
Ce constat amer a d’ailleurs poussé l’agence WPP à créer SouthernX, une coalition de sites Africains qui propose de l’achat programmatique sur le continent via une place de marché privative (on ne peut acheter l’inventaire que dans les sites participants). Pour cela, ils ont acheté la technologie auprès d’AppNexus (un des leaders mondiaux du marketing programmatique disposant déjà d’une bonne présence en Afrique). Pour le moment SouthernX opère plus en Afrique anglophone (Afrique du sud, Nigeria et Kenya). Par contre, pour l’Afrique de l’ouest le meilleur DSP reste Doubleclick for Advertiser (DFA) de Google qui peut s’appuyer principalement sur les nombreux sites Africains qui participent à son programme Adsense pour faire du RTB. Mais il faut disposer de gros budgets publicitaires pour utiliser la plateforme.
Nous voyons donc que l’Afrique a encore beaucoup de chemins à faire pour rattraper son retard sur les marchés plus matures dans lesquels on commence déjà à réfléchir à d’autres évolutions concernant le programmatique.
Quelles évolutions pour les prochaines années ?
Sous la houlette de grands noms de l’industrie technologique (Facebook, Google mais aussi de nouveaux surprenant acteurs comme IBM ou Oracle) mais aussi de jeunes pousses de l’Ad Tech aux dents longues (le français Critéo par exemple), les limites du programmatique sont poussées de plus en plus loin. Aujourd’hui l’un des gros inconvénients du programmatique à savoir l’absence de maitrise de l’environnement dans lequel votre annonce tourne (on ne sait pas à l’avance sur quel site sa bannière va être affichée) est entrain d’être levé avec la généralisation du programmatique direct. En effet, certains éditeurs de sites web se regroupent pour créer des places de marché en mode privé. L’achat reste programmatique mais toutes les annonces sont diffusées sur des sites sélectionnés à l’avance. C’est le cas par exemple de Laplace Média, qui est une entente entre plusieurs grands sites Français comme Eurosport, Le Parisien, Paris Match pour offrir du programmatique Premium. L’annonceur s’assure ainsi de la qualité de l’environnement dans lequel tourne son annonce. Enfin, certains grands formats longtemps restés l’apanage de l’achat direct tel que les habillages commence à être achetés en mode programmatique grâce à de jeunes entreprises très créatives comme Sublime Skinz qui permet d’acheter des habillages de manière automatisée sur plus de 300 sites web dans le monde.
Enfin, l’ultime frontière du programmatique sera : les médias traditionnels. Figurez vous que le programmatique TV représente déjà 1% des achats TV au Etats Unis. Grâce à la connexion de la TV mais aussi de la VOD, il est désormais possible d’acheter de la TV en utilisant des Insight audiences très précises qui permettent d’adresser un ciblage au foyer. Ce marché sera l’un des grands marché d’un futur proche puisque la TV est le seul média qui résiste encore à la déferlante du digital.
Pour boucler la boucle, on parle aussi déjà de programmatique DOOH (digital Out of home) qui consiste tout simplement à acheter ses panneaux publicitaires de manière automatisée. Tubemogul l’un des grands acteurs mondiaux du programmatique vidéo a annoncé il y’a 2 mois un partenariat avec une régie d’affichage qui lui permet de proposer à ses clients une place de marché spécialisée dans l’affichage, capable d’acheter des publicités sur des milliers de panneaux, kiosques et écrans publiques en Australie.
La révolution n’est donc qu’à ses prémisses et ne sera pas télévisée, mais digitalisée.
Associé gérant chez MediaTick | Infographie, Marketing, Communication
2 ansmerci pour cet article pertinent
General manager/Gestionnaire WebPresent: Communications & Analytics platforms provider.
2 ans''On passe de l’achat de sites ou de supports à l’achat audience.'' 👌 Ce post doit être imprimé et distribué dans toutes les agences francophones.
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2 ansKass Fdk
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2 ansMême 5 ans après ce post est toujours d'actualité. Comme s'il avait été écrit en 2022. Ernesto Hane good job. 👍
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8 ansTrès bon article Ernesto Hane, encouragement. Cependant le problème de notre continent commence avant tout avec les éditeurs de sites. Les sites des éditeurs sont souvent mauvais, en général pas d'espaces pour la pub donc pas de grilles tarifaires, pas de tracking sur les visites du site, donc l'annonceur n'a aucun outil pour juger de la qualités de l'inventaire. Souvent l'éditeur ne connait même pas la valeur de son trafic en d'autres termes il ne sait pas à combien il doit vendre son traffic. Il ne fait pas la différence ente le CPM et le CPC et autres. Bref il faut commencer pas former les éditeurs avant tout. Du côté des annonceurs, les agences non plus ne savent pas comment cela fonctionne. Elles aussi ont besoin de formation. Note: même en Amérique du Nord et en Europe le programmatique reste du Chinois pour plus de 60% des agences. Tout le monde est au cours du soir au Nord comme au Sud ;-)