La réforme institutionnelle est plus qu'une nécessité pour Haiti...
Cette vulgarisation a pour ambition de contribuer à un débat d’actualité en analysant les performances de l’économie haïtienne à la loupe d’un paradigme moderne: la nouvelle économie institutionnelle. Elle étudie la relation existant entre la croissance économique & le cadre institutionnel du pays.
Le cadre institutionnel, évalué à travers l’indice composite « qualité de gouvernance » prenant en compte le niveau de corruption, l’état de droit et la qualité de la bureaucratie, est révélé assez influent sur la croissance économique du pays. En plus de sa significativité dans le modèle construit à des fins experimentales pour l'étude, son absence réduit le niveau de cohésion entre les autres variables de politique économique. Alors, plus il est performant, plus la croissance est assurée et inversement. Donc, il est à retenir que toute politique de relance de l’économie haïtienne devrait considérer le volet du cadre institutionnel.
A défaut de pouvoir mesurer/quantifier le concept « déficit institutionnel », l’analyse se porte sur l’état des institutions, lesquelles sont évaluées par des indices déjà établies. Avant tout, que sont les Institutions ? Dans le cadre de ce travail, nous retenons la définition proposée par la Banque Mondiale qui d’ailleurs est une reprise de celle présentée par Douglass NORTH: « Les institutions sont les règles du jeu dans une société, ou plus formellement, ce sont les contraintes humainement conçues qui déterminent les interactions humaines. » Par conséquent, les institutions structurent les incitations dans les échanges humains, aussi bien dans le domaine politique, économique et social. Les institutions ont pour nature de réduire l’incertitude en établissant une structure stable aux interactions humaines (North, 1990). Les institutions déterminent les opportunités dans une société.
Le déficit institutionnel a été maintes fois associé à la mauvaise gouvernance du pays, il s’y manifeste, entre autres, à travers : la faiblesse du cadre législatif, la corruption, la défaillance de l’administration centrale.
Faiblesse du cadre législatif haïtien
Parlant du cadre législatif, nous évoquons dans cette section l’ensemble des lois qui régissent le fonctionnement de la société. Celles-ci correspondant à la définition des institutions évoquée plus haut, sont des indicateurs clés de la marche économique d’un pays.
D’abord, nous devons mentionner l’insuffisance des lois pouvant assurer le contrôle de la société haïtienne. Chéry[1] a abondé dans ce sens pour dire que « le pays dispose de peu de lois pour gérer les interactions de ses membres ». Il a soulevé le fait que les dirigeants haïtiens s’avisent à émettre des lois pour fixer les relations que le pays entretient avec l’extérieur plutôt qu’à encourager la codification des relations internes. Ainsi, puisque les interactions entre les citoyens . ne sont pas tablées sur des compromis préétablis, ils ne sauraient déboucher sur le progrès économique de la nation.
A côté de cette insuffisance de lois, il convient de souligner que le peu qui existe, en dehors du fait d’être majoritairement désuètes, n’entre pas vraiment dans le fonctionnement réel de la société. C’est dans cette optique que le FMI avait demandé en 2006 la révision des lois économiques et fiscales appropriées en Haïti. On arrive au fait que la société fonctionne dans l’anarchie totale. L’appareil judiciaire ne marche pas, encore moins les autres instances concernées. Ainsi, l’insécurité et l’impunité y font loi et entravent l’activité productive. Or, il n’est pas sans savoir que l’insécurité, l’impunité et la pauvreté marchent de pair. En effet, la corrélation positive entre ces variables s’explique par le fait que l’économie nationale chute quand le pays est en surchauffe. A ces moments-là, les entreprises déjà installées se ferment, ce qui fait augmenter le chômage, encore mieux le lot des pauvres. Et, inutile de penser à des investissements nouveaux dans ce cas.
Dans cette rubrique, il faut également souligner le problème de non-protection de la propriété privée, découlée de cette faiblesse législative, qui constitue, avec bien d’autres, un obstacle à la bonne marche de notre société en ce sens qu’il paralyse aussi les investissements privés ou encore dévore tout projet d’initiative privée. Ce problème a contribué à la perte de confiance des citoyens dans la société et également à leur perte de confiance dans l’avenir du pays. Ce qui les motive à travailler piètrement, sans ardeur, mais avec l’espoir de pouvoir laisser Haïti un jour pour goûter à la vraie vie. De ce fait, on peut s’attendre à aucun progrès puisque ceux qui devraient être les artisans de l’avancement de ce pays se déresponsabilisent de plus en plus. Donc, ce problème institutionnel a une portée sociologique qui influence tout aussi le niveau de développement du pays.
[1] CHERY, Fréderic-Gerald : Société, économie et politique en Haïti : LA CRISE PERMANTE, Editions des Antilles S.A., Port-au-Prince, septembre 2005, 300 pages. (Chapitre 4 : Formation du droit en Haïti, p.87)