La Réglementation : Frein au Mouvement Fintech ou Accélérateur ?

La Réglementation : Frein au Mouvement Fintech ou Accélérateur ?

La question de la réglementation en matière de fintech n’est pas évidente et les forces en présence à l’heure actuelle se contredisent. Il apparaît en fait qu’à travers le monde, les régulateurs sont eux-mêmes un peu perdus, arbitrant entre plus de libertés et ainsi favoriser l’innovation ou alors y mettre des freins pour assurer la sécurité de la population en matière de finance.

D’un côté, on trouve donc des initiatives favorables à l’innovation financière et plus généralement aux startups de la fintech. Les fintech sont vues de plus en plus comme un facteur de compétitivité et des villes comme Londres ou New York multiplient les incitations au niveau de la législation pour attirer les startups fintech à succès de demain. Pour le régulateur, la fintech a également des promesses alléchantes qui l’incitent à promouvoir l’entrée de nouveaux concurrents et réduire les barrières à l’entrée. En effet, les fintech promettent notamment des prix plus bas et une expérience client améliorée au travers du digital. En terme d’utilité publique, les fintech peuvent donc être vues comme une bonne chose pour le régulateur. Selon une étude du cabinet EY en 2015, “… les barrières tendent à s’abaisser. Les régulateurs, surtout dans un monde d’après crise où l’image des banques a pris un coup, travaillent activement avec des nouveaux entrants, dans le but de donner aux consommateurs plus de choix”. C’est notamment le cas en Angleterre qui, très favorable à l'innovation financière, a par exemple récemment créé la “New Bank Startup Unit”, un point de contact dédié pour les startups fintech souhaitant obtenir une licence bancaire (deux startups l’on déjà obtenue début 2016).

En Europe, le vote sur la directive européenne sur les services de paiement (DSP2) en 2015 vise “à faciliter l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs (agrégateurs et tiers paiement) et de renforcer la sécurité des transactions en Europe”. Cette volonté de la commission européenne d’accroître la concurrence sur le marché des paiements est en effet assez symbolique de l’évolution de la législation pour s’adapter aux avancées technologiques. Cependant, cette réduction des barrières à l’entrée ne fait pas plaisir à tout le monde, à l’image de la Fédération Bancaire Française (FBF) qui indique sur son site internet que “les exigences prudentielles relatives à l’obtention par ces prestataires tiers de l’agrément d’établissement de paiement sont insuffisantes.” et qui prône la position que “tous les acteurs des moyens de paiement doivent être soumit à un même niveau d’exigence sécuritaire concernant la sécurité des données et la supervision.”

Les banques à travers le monde dénoncent en effet souvent un certain favoritisme envers les startups des fintech en indiquant que leur succès et aussi lié au fait qu’à l’inverse des banques, ces dernières ont pu se construire en dehors du radar de la réglementation.

De l’autre côté, on trouve également des initiatives de réglementations moins favorables aux fintech et qui visent à les encadrer plus fermement. Certains régulateurs ont en effet pris conscience que certaines startups des fintech, construites en dehors de la régulation pouvaient créer des dangers. En 2015, le Groupe d’Action Financière (GAFI), un organisme intergouvernemental contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme crée par le G7 en 1989, annonçait dans un rapport que des terroristes et des criminelles utilisaient de plus en plus les fintech pour lever et blanchir des fonds à des fins illégales. Pour le directeur de la FINCEN (Financial Crimes Enforcement Network), le département du trésor américain qui lutte contre le blanchiment d’argent, “L’innovation est louable, mais seulement si elle n’expose pas déraisonnablement notre système financier à des criminelles “geek” prêts à abuser des produits les plus récents et les plus complexes”. (“Innovation is laudable but only as long as it does not unreasonably expose our financial system to tech-smart criminals eager to abuse the latest and most complex products.”)

En mai 2015, Ripple Labs, une startup soutenue par des investisseurs comme Andreessen Horowitz ou Google Ventures et qui développe un système de paiements internationaux au travers de monnaies virtuelles s’est vu infliger 700 000 dollars d’amende par la Fincen. Pour cause, la startup, créée en 2012 n’avait jamais construit de programme antifraude et ne s’était pas conformée aux réglementations américaines du “Bank Secrecy Act” qui demande aux acteurs financiers d’assister le gouvernement américain dans la détection de la fraude. 

À l’image de Ripple Labs, il apparaît aujourd’hui que depuis la naissance des fintech, les startups n’ont souvent eu ni l’expertise ni les moyens pour mettre en place des stratégies cohérentes pour lutter contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement d’activités illégales. Du coup, comme pour le Bitcoin, de plus en plus de gouvernements se mettent à regarder de près les fintech pour essayer de rendre plus sûrs les différents secteurs des fintech pour la sécurité des consommateurs. Après la "Bitlicense" à New York, c’est le Japon qui étudiait également la mise en place d‘un cadre législatif sur le Bitcoin début 2016. Dans le domaine du prêt aux États unis, des mesures connues sous le nom de KYC (« Know your Customer ») obligent les banques à réunir un certain nombre d’informations pour qu’une PME devienne cliente chez elles par exemple. Ces mesures peuvent être fastidieuses et augmentent considérablement le temps pour transformer un prospect en client réel dans la banque.

On trouve d'un autre côté des startups comme Kabbage qui proposent aujourd’hui des prêts aux PME en 7 minutes. Que se passerait-il pour des acteurs comme Kabbage si la réglementation ne leur permet plus de réaliser ces expériences clients sans frictions qu’ils promettent à leurs consommateurs ? Pour Chris Skinner, un expert en fintech dirigeant du blog thefinanser.com, plus les startups des fintech vont gagner en taille, plus la réglementation va les regarder de près et finalement les encadrer, ce qui va les ralentir. Ainsi, les banques gagneraient donc du temps pour rattraper leur retard par rapport aux fintech.

Parfois favorables aux fintech, parfois non, la réglementation à travers le monde souhaitent en tout cas trouver la réponse sur comment encadrer les startups de ce mouvement. Et les stratégies varient selon les pays. Il est en tout cas très probable qu’à mesure que les fintech se développent, ces dernières doivent se soumettre de plus en plus à une réglementation en évolution. Pour le cabinet McKinsey, les startups des fintech à succès seront finalement celles qui auront également réussi à mettre en place des stratégies efficaces liées à la réglementation.

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