"La réserve mentale" ou "restriction mentale"
Cet article vient en complément à une réponse à ce post de Véronique Deparis fin 12/2019 - Mgr Carlo Maria Viganò accuse le pape François de mentir, de démanteler le Siège de Pierre par ses hérésies et de souffrir d’« intolérance mariale » : Ici aussi on peut parler je pense de la "querelle des anciens et des modernes", mgr Vigano représentant plutôt les anciens qui ne veulent surtout pas que les mentalités des Jésuites, plus ouvertes et tolérantes, ne se fassent une place trop grande dans le catholicisme ! J'avais écrit un billet sur Médiapart à l'époque où j'ai découvert cette différence entre anciens et modernes - https://blogs.mediapart.fr/josiane-blanc/blog/210815/les-gauches-francaises-une-lecture-personnelle - le 1er commentaire renvoyait aussi à un autre document qui permet de comprendre encore mieux ces phénomènes. Tout cela dans le but de se réapproprier le pouvoir sur nos âmes !!! - https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/CHEDOZEAU2-2010.pdf - Bonne lecture, il faut un peu de patience pour faire la synthèse de tout ceci...
N'ayant pu posté ce complément (trop peu de signes sont possibles), je publie cet article pour compenser ce manque...
En faisant des recherches autour de la notion de "restriction mentale", je découvre tout une évolution historique que je ne soupçonnais pas. C'est passionnant.
D'abord cette découverte de la pensée des jésuites ici - http://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/CHEDOZEAU2-2010.pdf :
"Alors que le péché théologique et mortel est une transgression libre de la loi divine, le péché philosophique ou simplement moral (comme il y a des vertus seulement morales) est un acte humain en désaccord avec la nature et la droite raison. C'est encore en vertu de leurs tendances humanistes que les jésuites en affirment l'existence.
Contrairement à ce qu'affirment les théologiens augustiniens selon lesquels l'ignorance n‟exempte pas de péché (quatrième Provinciale) - ce n'est pas parce qu'on n'a pas la pensée consciente de faire le mal qu'on ne pèche pas -, toute une lignée d'auteurs proches des jésuites cherche à faire accepter l'idée que, « sans advertance actuelle du mal qu'on commet », sans connaissance actuelle de l'offense commise à l'encontre de la divinité, il n'y a pas péché entraînant la damnation. C'est le problème de l’ignorance involontaire. Dieu serait-il plus juste que miséricordieux ? Dès lors, il n'y a selon les jésuites dans ce cas pas de culpabilité autre que la culpabilité philosophique ou morale, en quoi il est permis de voir une nouvelle forme humaniste d'une culpabilité areligieuse et d'une démarche qui, à l'insu de ces religieux, conduira à une morale laïque.
... des clercs tentent de reconnaître et de faire admettre par l'Église l'existence d‟un monde moral de la raison seule, peut-être un monde du laïc, pouvant coexister avec l'univers théologique du clerc. On assiste au surgissement d'un monde d'abord profane, puis laïc et autonome par rapport au clerc et à l'Église, un univers qu'on peut dire teinté d'humanisme, que ces jésuites veulent organiser selon les catégories chrétiennes. C'est une tentative hardie de réponse aux questions nouvelles que soulève le monde moderne qui surgit ...
... Au nom d'une grâce suffisante et générale et en s'appuyant sur une théologie des médiations, à l'intérieur même de leur théologie les jésuites et leurs amis défendent donc une certaine légitimité du monde naturel, peut-être d"un monde du laïc, en une revendication humaniste qui s'affirme contre des penseurs antihumanistes selon lesquels l'univers et l'histoire ne peuvent prendre de sens qu'au sein d'une stricte doctrine chrétienne de la Rédemption.
Ce refus de l'humanisme par l'augustinisme de Port-Royal a eu les plus graves conséquences, car si le catholicisme de la France avait été marqué par l'optimisme des humanistes dévots ou des jésuites, il n'y aurait pas eu un tel abîme entre humanisme et christianisme : « L'accord [eût été] normal entre la culture humaniste et la tradition chrétienne».
Il y a ainsi au XVIIe siècle d'une part les tenants de la culture humaniste, libertins et jésuites, qui feront le lien avec les Lumières du siècle suivant, et de l'autre les adversaires de cette culture, les augustiniens de Port-Royal, qui réussissent à occulter toutes les tendances humanistes selon des perspectives théocentriques qui marquent le catholicisme jusqu'au XXe siècle."
Va se développer ainsi La Querelle des Anciens et des Modernes
... "A la fin du XVIIe siècle, la Querelle des Anciens et des Modernes tend déjà à substituer une conception historique de l'anthropologie à une conception anhistorique qui ignorait l'évolution et qui privilégiait la perpétuité." ...