La résilience v 2.0

La résilience v 2.0

Boris Cyrulnik, célèbre neuropsychiatre, nous rappelle en quelques mots ce qui se trouve derrière l'expression "Résilience", ce concept qu'il n'a pas inventé mais qu'il a su vulgariser (au sens le plus noble du terme) :

"Quand on vient de subir un choc traumatique grave, 2 réactions humaines sont possibles : soit, on ne fait rien, on reste hébété soit, on se débat pour se remettre en vie. C'est le processus de résilience qui consiste en fait, à reprendre un autre type de développement après une agonie psychologie".

Je vous propose une mise à jour de mon article "Faculté à «rebondir», à vaincre des situations traumatiques" publié le 26 février 2016 car vous avez été nombreux à prendre contact avec moi depuis sa parution pour en parler ; ce sujet vous ayant intéressé, interpellé, voir vous ayant touché ...

Je vais tenter de résumer nos échanges comme suit :

Le "lâcher prise" n'est pas une capacité donnée à tout le monde surtout dans une Société de contrôle où tout semble devoir être maîtrisé, organisé, déterminé, planifié !

Le fait que nous évoluions aussi dans une Société de consommation contribue également au besoin de possession, parfois même des êtres (autre sujet abordé plus loin). Nous avons besoin d'avoir, d'accumuler. Nous tenons à nos biens matériels, tangibles, rassurants au détriment parfois de notre savoir être ...

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La notion de résilience implique la dématérialisation, ce sont des personnes qui ne sont ni attachées aux pierres (ils sont locataires toute leur vie, ce qui n'empêche pas l'attachement et le respect du "capital pierres"), ni attachées aux choses (dans leur lieu de vie, l'équipement est sommaire, ce qui n'empêche pas la curiosité / l'intérêt pour les choses nouvelles).

Elles ont subi un (voire plusieurs) événement(s) traumatique(s) grave(s), je parle là d'une perte, d'un décès : un premier amour, un enfant, une perte dans des conditions particulières ou une situation d’extrême violence ou encore une situation de guerre ...

Quelque soit l'âge de l'enfant perdu. Perdre un enfant quand on est parent est le drame le plus difficile à surmonter car ce n'est pas dans l'ordre des choses (je ne veux pas diminuer ici la douleur de la perte de tout autre être cher, bien sûr).

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Perdre un enfant n'est absolument pas naturel et c'est un choc d'autant plus traumatique quand l'enfant a vécu assez de temps pour qu'on ait eu le temps de le découvrir, le voir évoluer et le connaître ...

Il est question également de longue maladie ou d'expérience de la mort etc. Ces personnes qui ont eu ce type d'expérience savent très bien relativiser les choses après coup.

Etant active dans le milieu associatif, j'ai rencontré ces personnes en résilience qui vivaient dans la difficulté mais pour qui ce n'était pas si compliqué. Elles arrivaient à ranger / compartimenter les problèmes de la vie courante comme personne. Par rapport à ce qu'elles avaient perdu de bien plus précieux, toutes ces difficultés leur semblaient ne pas peser autant que cela dans leur existence. Pourtant, cela ne veut pas dire que cela glisse sur eux, que plus rien ne les atteint. C'est juste qu'elles ont acquis la faculté de les gérer autrement.

"C'est compliqué" cet élément de langage (EDL), il ne se passe pas un jour sans qu'une personne ne me dise ces 3 mots. Il arrive même parfois, qu'on me le dise pour moi : je me suis mise à mon compte, alors ça doit être compliqué.

Bien sûr, je ne nie pas avoir mes moments noirs ou de peine comme tout un chacun mais je trouve amusant que ma vie soit perçue comme compliquée par des gens qui ne la vivent pas. De mon point de vue, je vis bien l'existence que j'ai choisie.

"Je n'ai pas d'argent, pas de ressource et aucun espoir. Je suis l'homme le plus heureux". Henry Miller

Toujours en milieu associatif, j'ai eu l'honneur de croiser le chemin d'enfants gravement malades (pronostic vital engagé) qui m'ont littéralement bluffée par leur maturité, leur vision clairvoyante de l'existence et leur grande compassion pour la souffrance de leur entourage. C'est incroyable !

Et ça calme bien, surtout.

J'aime bien aussi l'expression "se débattre". On va voir que se débattre c'est aussi se débattre avec ce qui nous entoure, les idées ... Combattre la perte, le manque, la souffrance provoquent systématiquement des maux physiques.

Et si on tait ses maux, quand le silence s'installe, alors il y a de quoi s'inquiéter. Toute personne dans la souffrance, doit pouvoir mettre des mots sur ses maux au risque que l'impact psychologique de la souffrance soit trop important pour le surmonter. La vie semblera alors plus légère.

Comme je le disais aussi dans mon précédent article, cette capacité à se battre se fonde dans l'enfance, les valeurs que nous inculque notre famille. C'est ce qui constitue notre fondement, notre socle, la base sur laquelle tout un chacun peut s'appuyer pour faire face à ses propres épreuves : courage, volonté, détermination.

Mais nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne car tout le monde n'est pas aidé à savoir sortir de la "poubelle" de la vie (métaphoriquement bien sûr). Quand on a une famille (qui plus est si elle est soutenante), on a une structure affective autour de soi qui nous sécurise, qui nous donne suffisamment d'estime de soi pour oser la bagarre dans la vie.

Sans ce cadre rassurant, on atteint les cimes de soi (ou le "plafond de verre"), on ne sait pas qui on est, on n'est pas structuré. Donc ne pouvant pas se rêver, on reste dans la "poubelle", hébété.

"Je ne désire rien du passé. Je ne compte plus sur l'avenir. Le présent me suffit. Je suis un homme heureux car j'ai renoncé au bonheur" | "Quand un homme dit : 'Je suis heureux', il veut dire bonnement : 'J'ai des ennuis qui ne m'atteignent pas'." Jules Renard

Concernant la notion d' Impermanence également abordée dans mon article de 2016, ce qui m'a été remonté c'est que la plupart d'entre nous n'avons pas en tête cette idée qu'il y a une fin en toute chose et toute forme de vie.

Nous sommes relativement confiants, voir crédules. Jeunes adultes, souvent, il est courant de penser que nos parents sont éternels, par exemple.

Evidemment, je ne suis pas en train de dire que nous devons vivre comme si chaque jour était le dernier et que nos parents allaient mourir demain. Ce serait extrêmement stressant, éprouvant !

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Non, en évoquant cette philosophie hindie, l'idée est toujours de savoir donner aux gens, aux choses ou aux événements la juste valeur qu'ils ont, ni plus, ni moins.

Par exemple : se prétendre "heureux" est un concept tout relatif puisque le bonheur est pluriel, fugace et totalement impermanent, il peut se cacher partout, dans de toutes petites choses ... c'est un regard avisé, très observateur qui saura le ramasser et c'est ce qui fera un Homme heureux.

Là aussi la Société moderne nous matraque le cerveau d'idées préconçues sur l'amour lié à l'appartenance à l'autre et donc au bonheur absolu, comme un saint Graal. Je rappelle que la bonne formule de calcul à retenir dans toute forme de relation humaine c'est : 1 + 1 =3.

Parce que l'Amour (avec un grand A, celui qui dure) n'a jamais donné la formule : 1 + 1 =1 ou 2 (oubliez-la définitivement, s'il vous plaît). On ne vit pas l'un à côté de l'autre (= 2) et l'un ne doit pas absorber l'autre (= 1). L'union de 2 êtres est le résultat d'autre chose, d'autres idées, d'un enfant (qui plus fort que les liens du mariage, scellera leur union aussi longtemps que vivra cet enfant).

L'Amour est semblable à l'équation = Φ(k) ∝ At. Cette équation peut se traduire par le temps proportionnel à l'attention qu'un individu accepte de donner à l'autre pour apprendre de lui, le connaître et au final, pour l'aimer (quelle que soit la forme de l'affection). Et inversement bien sûr, le consentement de l'autre à donner pareil est une obligation (pour que la relation ait une chance de vraiment exister).

Ça n'est rien d'autre que cela, du temps et de l'attention portés à l'autre, un véritable partenariat "win/win". Le bonheur n'a pas autant que ça à voir avec l'Amour.

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Je n'oublie pas pour autant l'alchimie des corps dans l'Amour ni la chimie presque magique de la rencontre. Éléments incontournables d'une relation humaine.

Enfin et pour finir ce résumé de nos différents échanges, je vous parlerai des croyances. Croire en soi fait partie de la composante Estime de soi avec : l'amour de soi, la confiance en soi et l'image de soi. Et c'est un minimum ! Croire en l'autre aussi, en la relation qui est en train de se construire peut également porter un individu vers la sérénité.

Croire en ses valeurs (encore faut-il les avoir bien identifiées pour les défendre), pouvoir s'appuyer dessus et croire en sa destinée permettra de développer l'assurance, la sûreté de soi.

Sans croyance, la confiance n'est pas possible. On se méfie de l'autre, on envisage toujours le pire ce qui empêche d'avancer. Sincèrement, pour moi, tous ces points contribuent à la résilience et donc à la reconstruction d'un être qui a été anéanti par la vie.

Ces piliers (la Communication, l'Amour, l'Estime de soi, les Croyances) aident à avancer dans la vie et à développer l'intelligence émotionnelle. Une certaine légèreté s'installe, on respire plus amplement, notre relation à l'autre apparaît apaisée.

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Conclusion

Voilà ce que j'ai pu retenir de tous nos échanges et je suis donc un peu plus riche de tous vos témoignages.

Merci à vous tous, merci pour vos partages ! Merci surtout aux petits Anges, vos histoires m'ont touchée.

Je suis bien consciente que ma "Parole n'est pas évangile" ici et d'avance, je n'en veux pas non plus aux sceptiques qui ne manqueront pas.

Mon propos est simplement de dire que l'état de résilience est bien réel pour avoir déjà rencontré des personnes résilientes. Cette distance sur les choses, les événements ne veut pas dire que rien ne les touche. Elles ont simplement la capacité de les accueillir, les accepter tels que ces événements sont (et pas pour autre chose), de les ranger et enfin, de se concentrer uniquement sur ce qui leur est nécessaire pour pouvoir avancer de nouveau.

Après un traumatisme, c'est le seul moyen de "survie" que ces personnes ont pu fabriquer pour continuer à vivre.

Lien avec la Méditation.

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Exemples de célèbres résilients :

Mike Horn (veuf),

Michel Serrault (perdu sa fille de 19 ans),

Michel Fugain (perdu sa fille de Leucémie),

Chantal Ladessou (perdu son fils, 15 ans, accident de moto),

Charlie Chaplin (perdu 2 de ses fils, dont un avait 42 ans)

Michelle Williams (perdu son compagnon, le talentueux acteur Heath Ledger) etc.

Quelles sont vos questions sur le sujet ?

Pour mieux comprendre le phénomène neurologique de résilience, ci-dessous un petit résumé :

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Quels autres sujets souhaitez-vous voir aborder ?

Contactez-moi, je vous répondrai avec plaisir.

Sandra Juillien

Juriste senior PI Groupe

5 ans

La résilience... Quel joli mot ! Merci katina

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