La redistribution des acteurs de l'assurance sur la chaîne de valeur

La redistribution des acteurs de l'assurance sur la chaîne de valeur

Je vous livre quelques réflexions personnelles sur le secteur de l’assurance en pleine transformation. A l’instar de la révolution du secteur des télécommunications il y a une vingtaine d’années, l’assurance est confrontée à des enjeux multiples :

  • une concurrence accrue avec le secteur bancaire et l’arrivée de nouveaux acteurs tels que les assurtech et l’ubérisation de l’assurance avec les GAFA qui commencent par « petites touches » à proposer des offres d’assurance (Amazon avec ses offres Santé, Auto, Habitation et Google/Apple avec l’automobile)
  • la recherche de nouveaux services différenciants, avec la mise en œuvre de plateforme de services
  • une volatilité des clients qui recherchent des offres sur mesure et une expérience client personnalisée et optimale
  • une règlementation parfois contraignante qui nécessite des évolutions importantes dans les systèmes d’information (RGPD, DDA, Solvabilité 2, RAC0 pour ne citer que quelques exigences règlementaires)

Les opérateurs de téléphonie mobile ont su déployer des stratégies de conquête et de fidélisation de leurs clients, en s’appuyant sur une approche multicanale et en mettant en œuvre des produits innovants. Ces opérateurs avaient la force d’un réseau de distribution et un système d’information complètement nouveau, sans le poids d’un « legacy » et la maintenabilité lourde d’un système d’information vieillissant. De nouveaux entrants, les MVNO (Mobile Virtual Network Operator – opérateur mobile virtuel) ont pu adresser le marché détenu par les opérateurs historiques grâce à un cadre réglementaire leur permettant d’utiliser le réseau des opérateurs existants pour déployer leur offre de services, avec une approche tarifaire agressive. Une redistribution des cartes s’est ainsi opérée, rendant une concurrence accrue, devenue moins différenciante par l’offre que par le prix. 

L’arrivée des nouveaux acteurs amène à repenser l’assurance de demain, à l’ère du digital. Quels sont les nouveaux usages, les nouveaux modèles et comment susciter la satisfaction et l’enchantement client dans un secteur où le client est de plus en plus sollicité ?

Quel est le nouveau business model d’une compagnie d’assurance ? Avec une baisse du nombre de sinistres notamment dans le secteur de l’automobile mais avec des coûts de sinistres plus importants, comment conserver une rentabilité et une productivité par des résultats techniques positifs ?

  • certains assureurs diversifient leurs offres : santé, prévoyance, produits bancaires (ex. crédit, assurance emprunteur) et nouveaux services tels que services à la personne, conciergerie, conseil
  • d’autres transforment le modèle de l’assurance avec de nouvelles offres, plutôt liées à l’usage :
  • l’assurance paramétrique ou indicielle pour l’assurance à la journée ou avec une indemnisation déclenchée automatiquement sur un événement (climatique, retard sur un vol, etc)
  • « pay as you drive », après les échecs au démarrage, l’offre devient opérationnelle
  • E-santé
  • Offre complètement dématérialisée (Lemonade)
  • Des offres de santé couplées avec de la prévention (Vitality Generalli) avec le risque de n’assurer que les clients en bonne santé
  • Des assureurs comme la MAIF prennent des engagements sociaux et environnementaux, notamment dans le cadre de l’Entreprise à mission. Ces assureurs font le pari que les clients choisiront davantage une entreprise par ses actions et ses engagements dans la recherche du mieux commun.

Les acteurs de l’assurance se positionnement soit sur l’ensemble de la chaine de valeur soit sur un maillon : producteur de services et de produits, distributeur des offres, fournisseur d’infrastructure et de systèmes d’information, gestionnaire de la relation client (contrat, sinistre). L’avènement de l’open assurance, la généralisation du digital et la dématérialisation des processus favorisent l’accès aux nouveaux entrants, par exemple :

  • Wakam (anciennement La Parisienne Assurances, créée il y a deux siècles) : l’assureur a pivoté, passant d’un modèle de producteur et distribution d’offres vers un modèle exclusivement de conception et de fourniture de services assurantiels, à destination des assureurs, courtiers, distributeurs. La force de Wakam est la mise disposition d’une plateforme de services en marque blanche, en mode API
  • Luko : néo-assurance spécialisée dans l’habitation pour les particuliers, avec une relation client complètement digitale. La startup propose une offre de prévention autour des objets connectés à différentes fins (suivi de la consommation des appareils électroménagers, détection d’intrusion)
  • Lemonade : startup américaine arrivée sur le marché français avec une offre habitation sans engagement

Ces néo-assurances proposent des produits sur une plateforme digitale avec des parcours clients optimisés et une souscription rapide, grâce aussi à une certaine automatisation de la relation client et de traitements back office (chatbot, RPA).

La face cachée de l’assurance est la gestion des sinistres et l’assistance. C’est aussi sur ce point que les nouveaux entrants doivent rassurer, certains d’entre eux s’adossent à une société d’assurance mère ou une société d’assistance.

Nous assistons à des fusions et rapprochements chez les acteurs traditionnels, notamment dans le secteur de la Santé Prévoyance (MACIF/Aesio, Verlingue consolide sa dimension européenne avec Luso Atlantica, fusion Adrea/Apreva/EOVI MCD, rachat de CNP Assurances par la Banque Postale)

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Remarque : cette illustration n’a pas vocation à être exhaustive, notamment dans la relation entre les différents acteurs ; elle met en évidence la chaine de valeur dans la relation avec les assurés.

 

L’éclatement de la chaîne de valeur dans l’assurance, favorisé par les plateformes de services avec une rapidité dans la mise sur le marché des produits a rendu le produit d’assurance très concurrentiel. Les stratégies de différenciation reposent sur :

  • les produits / risques assurés
  • les cibles clients, en particulier l’assurance affinitaire avec ses besoins spécifiques voire « sur mesure »
  • les services complémentaires
  • la relation client et la simplification des parcours web / mobile
  • la tarification

Les acteurs traditionnels (assurances, mutuelles, courtiers) se trouvent confrontés aux assurtech, GAFA et autres entrants. Certains acteurs nouent des partenariats pour atteindre une taille critique ou pour accéder à l’ensemble de la chaine de valeur de client. L’entrée sur le marché des nouveaux acteurs est facilitée par la disponibilité de plateformes de services, comme le développement des MVNO a été accéléré par l’utilisation de réseaux existants, avec un coût d’investissement initial modéré.

Après la décomposition de cette chaîne de valeur, va-t-on assister à une recomposition et un recentrage des quelques acteurs à taille critique ? Les exigences règlementaires, la hausse de la sinistralité sur certains risques et la nécessité de fonds propres peuvent y conduire.

Michel Mouttou


Hadia Ripoll

Co-fondatrice/DG👩🏻💻- Nous aidons à réduire les TMS dont le mal de dos auprès des salariés et du grand public via une app dotée d'une IA conçue par des kinésithérapeutes

1 ans

Merci pour cet excellent article qui explique parfaitement les enjeux stratégiques des assurances.

Jean Philippe Véziat

Marketing stratégique / Prospective / Lean Startup et Innovation

3 ans

Merci Michel pour cet article. On voit bien que la chaîne de valeur de l'assurance est challengée de toute part. Il en restera toujours quelque chose à la fin. Les dirigeants du secteur sont très sensibles à toutes ces tentatives d'évolution qui peuvent venir déséquilibrer leur chaîne de valeur.... Le secteur de l'assurance ayant peu évolué depuis de nombreuses années, ils ont souvent beaucoup de mal à se libérer de cette chaîne :-) qui a largement fait ses preuves! Leur principal angle de vue est d'optimiser les coûts ou rattraper la dette plutôt que de créer une valeur nouvelle. Le risque est d'en oublier le client. L'objectif n'est pas la chaîne de valeur (estimée en euros) mais la valeur (estimée en simplicité, transparence, efficacité et confiance) qu'on apporte à nos clients et pour laquelle ils sont prêts à payer (en euros). Sur ce point, il y a du boulot car l'assurance est en réalité souvent un non sujet pour les clients et se réduit à un simple tarif... donc à des euros :-) ... Je vois en particulier deux drivers pour l'avenir (deux drivers qui peuvent se cumuler)) : - L'assurance devient invisible, sans friction et totalement intégrée dans les parcours d'achat pour être vendue au bon moment (Exemple : Wakam (ex-La Parisienne Assurances) pour la France) - L'assurance essaie de retrouver du sens et "des valeurs". Elle repart du client pour trouver le sésame d'une nouvelle chaîne de valeur (Exemple : Alan pour la France) .

Guillaume LIBAUDIERE

Responsable Marché Assurance, Mutuelle, Retraite, Prévoyance et Courtage / Paris - Niort

3 ans

Excellent article qui met bien en perspective les mutations encours et à venir dans l'assurance

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