La reprise d’entreprise à la barre du tribunal : un mode de croissance externe encore trop méconnu
Morgan Jamet
Expert en droit des affaires chez Arst Avocats, formateur reconnu dans le domaine
Le cabinet d’audit KPMG vient de faire paraître une étude statistique intéressante sur la reprise d’entreprise à la barre du tribunal.
Ce genre d'études, au delà de son caractère évidemment promotionnel, a pour mérite d'essayer de contribuer à l'information du monde économique sur un outil de lancement ou de développement potentiel à la disposition des chefs d'entreprise.
Beaucoup de chefs d’entreprise ignorent en effet qu’il s’agit d’un procédé de croissance externe particulièrement intéressant.
Il permet en effet d’acquérir, dans un laps de temps assez court, une activité (une clientèle, des contrats, du chiffre d’affaires …), une marque, des actifs, une technologie, des compétences (au travers du personnel salarié récupéré) ...
Le prix payé est souvent corrélé à l’importance du personnel que le repreneur s’engage à conserver (il en détermine la volumétrie dans son offre).
Il est souvent bien moindre que celui qui aurait dû être payé pour l’acquisition d’actifs identiques dans une cession normale ou simplement leur constitution, laquelle aurait pour le surplus nécessité un certain temps.
Même s’il s’agit de reprendre une entreprise qui a connu des difficultés, il ne s’agit pas de reprendre ses dettes (ce que croient à tort beaucoup de chefs d’entreprises), mais principalement de relever le défi de pouvoir poursuivre l’activité acquise et de la redynamiser et/ou de l’intégrer à une activité existante.
La reprise d’entreprise à la barre du tribunal peut dès lors constituer un accélérateur certain de croissance.
L’identification des entreprises à reprendre a pour le surplus été grandement facilitée par la parution d’annonces sur le site du conseil national des administrateurs judiciaires et administrateurs judiciaires (CNAJMJ) qui permet à un chef d'entreprise de guetter des opportunités.
Un repreneur doit cependant avoir conscience du caractère particulièrement technique de la présentation d’une offre de reprise d’une entreprise dans le cadre d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).
Il s’agit de savoir réaliser une acquisition dans un contexte qui est avant tout procédural et qui fait intervenir des acteurs qui ne sont pas habituels dans le cadre d’une acquisition classique.
Outre la gestion nécessaire d’un calendrier court, le repreneur doit analyser la situation, déterminer sur la base des éléments qui lui sont remis (dont le nombre est souvent réduit) les actifs qu’il souhaite reprendre ainsi que les contrats de travail qu’il entend poursuivre, et présenter un projet d’entreprise convaincant au tribunal.
Ce pour se démarquer des autres candidats à la reprise, avec lesquels il peut se trouver en compétition et pour réussir une reprise qui implique souvent une prise en main rapide des éléments essentiels de l’entreprise afin d'éviter leur dégradation.
Le repreneur doit également disposer quasiment au moment de la présentation de son offre, du financement du prix offert ainsi que des fonds nécessaires au redémarrage de l’entreprise.
L’accompagnement par un avocat habitué à ce genre de procédures ainsi que par un expert-comptable qui saura bâtir rapidement un business plan est souvent déterminant.
En pratique, il est fréquent de voir des projets de reprise voués à l’échec en raison de la présentation d’une offre de reprise qui ne répond pas aux exigences normales d’un tribunal dans un tel contexte.
Ce qui est doublement dommage, pour le repreneur et pour les salariés et créanciers de l’entreprise faisant l’objet de la procédure.
Lorsqu'on aime prendre du plaisir dans son activité, la reprise d'entreprise à la barre du tribunal est pour un chef d'entreprise, un type d'opération à essayer certainement lorsque l'on ne l'a pas pratiqué, au regard des différentes facettes positives qu'il peut présenter.