La sémiotique cognitive au service des marques
La sémiotique cognitive, dont le fondateur est Charles Sanders Peirce (1839-1914), philosophe, logicien et scientifique américain, est une discipline issue de la pragmatique et de la logique, qui s'emploie à comprendre les processus cognitifs d'interprétation et d'accès à la signification.
Dans un monde de plus en plus fragmenté et bousculé par de nombreuses crises qui affectent profondément les valeurs, les comportements et les motivations des consommateurs, comprendre les mécanismes et les dynamiques qui régissent leur rapport à la consommation et aux signes de marques, c'est être en mesure de maintenir un lien fort, signifiant et durable avec eux. La sémiotique cognitive peut y contribuer en étudiant la nature des relations établies entre les consommateurs et les marques .
Elle présente de multiples bénéfices.
· Elle permet de comprendre les mécanismes de fonctionnement et les logiques qui gouvernent les configurations de signes émises par les marques, ce qui permet d'identifier et de localiser les risques de dysfonctionnement qui empêchent l'accès au message et de les résoudre. Elle permet aussi de comprendre les clés du succès d'une communication et d'utiliser ces clés pour assurer le succès des communications futures.
· Elle intègre les dynamiques à l'œuvre qui agissent sur les interprétants des consommateurs donc sur les significations accordées aux choses, ce qui révèle des opportunités de positionnement spécifiques à chaque marché. Comprendre les dynamiques fondamentales de l'interprétation, c'est l'assurance de viser plus juste et d'atteindre sa "cible" avec plus d'efficacité.
· Elle autorise une hybridation naturelle avec des approches qualitatives ou quantitatives plus aptes à identifier le contenu des significations, représentations et imaginaires des consommateurs, et identifier ainsi de manière plus fiable les interprétants activés et les processus d’accès au sens. Elle n'est donc plus simplement un module ajouté à un projet, mais s'inscrit au cœur des méthodologies et des stratégies.
· Enfin, elle est réalisée par un seul sémioticien qui centralise l'analyse en intégrant les interprétants des consommateurs de différents pays ou communautés ciblés, ce qui permet d’éviter les biais d’analyse liés à la sollicitation de différents experts et écoles pour des projets internationaux.
Une conception triadique du signe
L'objet d'étude de la sémiotique cognitive se concentre sur l'analyse des phénomènes sémiotiques, en étudiant la relation triadique établie entre le signe (ce qui est perçu), l'objet du signe (ce à quoi le signe renvoie) et l'interprétant (médiateur entre le signe et son objet). Cette conception marque fondamentalement sa différence avec la sémiologie (et le fameux carré sémiotique) qui repose sur la linguistique et sur une conception dyadique du signe basée sur le rapport entre signifiant et signifié, sans y intégrer (théoriquement) le contexte d'interprétation.
Recommandé par LinkedIn
=> Le signe n'est donc pas une entité isolée porteur d'une signification immuable que seul le sémioticien saurait décoder, mais le déclencheur d'un processus d'interprétation - le phénomène sémiotique - dont le consommateur est le générateur. En effet, un signe, si il n'est pas perçu par l'esprit humain, n'entre pas dans le champ de l'analyse sémiotique. C’est la signification accordée au signe par le consommateur, dans un contexte donné, qui prévaut.
=> Le contexte de perception et d'interprétation joue donc un rôle central dans ce modèle, ce qui en fait sa pertinence et sa puissance, et aussi toute sa complexité...
Les 3 catégories universelles de C.S.Peirce
La sémiotique cognitive s'appuie aussi sur la distinction de trois catégories fondamentales et universelles qui permettent d'appréhender et de structurer le réel :
· La priméité, qui correspond au niveau des émotions brutes et des ressentis non encore matérialisés ni conceptualisés par l'esprit humain, les "Qualities of feeling" selon Peirce. C'est le niveau de l'état d'esprit, de la désirabilité, de l'affinité ou encore de l'humeur, qui nouent entre le consommateur et les marques des relations plus ou moins intenses.
· La secondéité, qui correspond au niveau des faits et des existants, où la signification naît de la confrontation "physique" avec les objets du réel et leurs interactions. C'est le niveau de l'expérience de la marque et de l'usage de ses produits ou services, la rencontre entre les besoins des consommateurs et les solutions apportées par la marque et les bénéfices associés.
· La tiercéité, qui correspond au niveau des représentations et symboles, où la signification naît d'une convention socio-culturelle ou d'habitus d'interprétation créant le lien entre le signe et ce à quoi il renvoie, sa signification. C'est le niveau des valeurs et des messages communiqués (intentionnellement ou non) par la marque, qui déterminent l'adhésion de ses consommateurs
Le modèle théorique repose sur l'identification de dix classes de signes (pouvant se subdiviser en vingt-sept) qui entretiennent des relations significatives entre elles et qui se distribuent sur ces trois catégories fondamentales.
Le sémioticien opère tel un horloger qui démonte une montre, identifie et décompose ses rouages et mécanismes internes pour comprendre son mode de fonctionnement, qui repère les causes de son dysfonctionnement, les réparent pour assurer un fonctionnement optimal de la montre.