La solitude d'une mère courage
Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas envie de faire pleurer dans les chaumières mais de partager quelques réflexions à propos d’un film et de nombreuses femmes que je rencontre.
La mère courage c’est Fatima. C’est aussi le rôle-titre d’un film récent et réussi de Philippe Faucon. Il y dresse le portrait d'une femme de ménage d'origine marocaine, divorcée, prête à tous les sacrifices pour offrir à ses filles les études dont elle a été privée.
Quadragénaire née au bled, Fatima fait partie de ces individus « invisibles » que la société ignore, écartée du monde en raison de son foulard, de son travail en horaires décalés, et surtout de son ignorance du français.
Cette barrière de la langue la coupe de ses propres enfants. Comment peut-elle expliquer à sa cadette, collégienne en rupture, qu'elle comprend sa colère d'adolescente, humiliée d'avoir une mère qui « lave la merde des autres » ? Comment admettre aussi les exigences de l’ainée, bien plus douce mais attirée par de longues et couteuses études? Comment endurer tout cela, sans humeur, presque quotidiennement, au terme de journées épuisantes ?
On pourrait se contenter d’évoquer un inépuisable instinct maternel : il faut protéger à tout prix ses petits.
On pourrait aussi évoquer le triple sens symbolique que tout enfant donne à la vie de ses parents : Il est leur passé (conçu puis intégré dans un même arbre généalogique), leur présent (par les responsabilités et les joies), leur futur (par la perpétuation d’un héritage génétique et culturel).
Mais l’abnégation de Fatima va bien au-delà : son sacrifice donne, fondamentalement et paradoxalement, un sens à sa vie. En effet, ses seules relations interpersonnelles authentiques proviennent de ses 2 filles. Car, hormis une maigre paie, elle ne tire rien de son travail solitaire, tronçonné en une succession de vacations de 6H à 20H. Elle n’a aucun lien social réel.
Elle surinvestit sur sa progéniture, d’abord pour compenser ses propres frustrations d’enfance et les traditions machistes de son milieu. Peut-être pose-t-elle alors, inconsciemment, un acte d’émancipation féminine.
Cette mère-courage qui se bat sans cesse, presque toujours dans une grande solitude, est assez représentative du 1,5 million de femmes qui élèvent seules près de 3 millions d’enfants.
Elle m’a rappelé les centaines de jeunes femmes que j’accompagne, chef de famille , seules maîtres a bord qui entre boulot et vie familiale ont peu de temps pour elles, pour trouver un moment de repos et penser à l’amour.
Comme elles sont nombreuses et méritantes celles qui ont trempé leur caractère au feu de leurs multiples difficultés et précarités (Précarité : nom féminin !).
Quelle est ma joie lorsque je les accompagne de faire ressortir les compétences que leur vie trépidante et compliquée leur a permis d’acquérir : gestion des priorités, gestion du temps, organisation, gestion des conflits, et leurs nombreux talents : polyvalence, écoute, disponibilité.
Il est important de leur apprendre à valoriser ce capital d’expérience et la maturité psychologique que produisent tous les parcours compliqués.
Mais beaucoup de ces mères-courage, dès lors qu’elles ont pu et su rompre avec la solitude à un moment donné, grâce à un accompagnement solide, imposent ensuite leur personnalité dans des postes ou fonctions requérant sureté de jugement et sens des responsabilités.
Et pour terminer une citation de Virginia Woolf qui a tant œuvré pour l’émancipation féminine :
Virginia Woolf a dit: « Ce qui compte c’est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves. » ( « une chambre à soi ») c'est-à-dire de l’espace et du temps ! nos besoins a faire respecter .
Fatima, Virginia , a travers les siècles , la même quête pour nous et pour nos enfants.
Continuons.
Hi Martine, I tried to read/understand your article translated in English as the title struck me. Are you implying that an "invisible," hard working, struggling mother woman/character like Fatima found purpose and courage in her life through sacrificing herself for her children?