La souveraineté numérique culturelle du Québec

La souveraineté numérique culturelle du Québec

Après le qualificatif de "philosophe de l'IA", c'est celui d'hyperactif qui m'a été collé cette semaine. Il y a certainement une partie de vraie là-dedans, mais il y a surtout une partie magique : celle de pouvoir redonner de son temps et de son expertise. Et depuis maintenant plus de quatre ans, je le fais avec une grande fierté auprès de l'organisme La Vitrine, en tant que membre du Conseil d'Administration.

Et en parlant de moment magique... a eu lieu mardi matin dernier une conférence de presse, à laquelle je n'ai pas pu me joindre malheureusement, mais dont je connaissais bien sur le contenu. Je voulais vous le livrer ici, dans mes mots et avec mon enthousiasme, car pour quiconque me suit dans mes nombreux propos, vous le savez, cette hégémonie de certaines entreprises américaines sur l'utilisation de nos données numériques me pue quelque peu au nez, invitant la société civile et la société civique à s'indigner dans le respect et prendre des mesures qui pourront nous mener à un certain contrôle de ce qui nous appartient de tout façon. Dans le jargon de l'économie numérique, cela s'appelle la souveraineté numérique. Et quand je vous parle de moment magique, je vous dévoile tout de suite le punch : La Vitrine vient de lancer une nouvelle plateforme afin de doter le Québec d'une souveraineté numérique quant à nos données culturelles, et de doter chaque québécois et québécoises d'une citoyenneté culturelle numérique, et ainsi s'offrir cette opportunité de ne plus être obligé de compter sur le bon vouloir des Facebook, Spotify et Netflix de ce monde pour nous faire découvrir l'offre culturelle du Québec, dont nous sommes tous particulièrement fiers. Quand on parle de valorisation de la donnée numérique, voilà un bel exemple.

Avant de détailler un peu plus ce magnifique projet, et vous verrez que je ne serai pas seul puisque j'ai demandé à Kathia St-Jean la Directrice Générale de La Vitrine de venir m'en parler dans cette chronique, je voulais comme à mon habitude, faire un petit tour du monde de la francophonie des initiatives souveraineté numérique culturelle existantes ou ayant existé.

Je commencerai par la Canada, et oui, qui rappelons-nous a mis en place la loi C-11 qui impose des obligations aux plateformes de diffusion en matière de création, de production et de mise en valeur de la culture canadienne. Il y a la France aussi qui à travers sa loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique, vise à renforcer le droit d'auteur et réguler les plateformes numériques, et de façon plus large encore, il y a l'Union Européenne qui a émit des directives quant aux droits d'auteurs dans le marché unique numérique afin de garantir une rémunération équitable des créateurs, et qui a surtout mis en place le fameux DSA qui impose de nouvelles obligations aux plateformes en ligne en matière de modération de contenu et de transparence algorithmique. La Belgique travaille quant à elle sur les standards d'accessibilité, sur l'appropriation numérique et la coordination en matière d'offres culturelles. Souvenez-vous, elle avait participé au Symposium International à Montréal, pas plus tard que cette année, intitulé "Souveraineté culturelle et géants numériques. Regards croisés , Canada, France, Belgique, Québec".

Mais une fois ce tour rapide des initiatives fait, on comprend que partout ailleurs, cette idée de la souveraineté culturelle numérique n'est que effleurée. J'ai donc demandé à Kathia St-Jean en quoi la plateforme qu'avait lancé un peu plus tôt cette semaine La Vitrine, était différentes des initiatives qui existaient déjà, et sur quelles bases elle pouvait se permettre de nous promettre cette souveraineté de la donnée numérique culturelle québécoise. Voici sa réponse :


Ce qu'on a lancé cette semaine, c'est une nouvelle plateforme dédiée à la découverte des sorties culturelles. Notre objectif, c'est de connecter le public à sa sortie idéale selon ses intérêts, que ce soit à l'humour, la chanson ou le théâtre. Et ça, peu importe où il se trouve au Québec. Pour répondre à ta question, ce qui nous démarque vraiment, c'est le fait qu'on centralise et on standardise les données qui décrivent les sorties culturelles au Québec.

Cet agrégateur-là, à l'échelle du Québec, c'est vraiment unique. Puis quand je parle de données descriptives, je parle autant, évidemment, de la date, le lieu, l'heure, le titre du spectacle, mais je parle aussi du texte descriptif. Je parle aussi de l'audience à qui il s'adresse ou de la durée du spectacle. Plutôt que d'avoir ces informations éparpillées un peu partout, on les regroupe, on les uniformise et on les optimise pour que les gens puissent facilement les découvrir, évidemment, sur notre plateforme, mais aussi sur des moteurs de recherche comme Google. Il faut savoir que quand la donnée est bien structurée, standardisée, puis injectée sur les moteurs de recherche pour être découvrable, c'est toute une industrie qui en bénéficie, puis le grand public aussi.

Ça vient compléter tout ça. Nos stratégies de promotion et de mise en marché qu'on met en place aussi à La Vitrine, on rend ainsi le contenu plus visible et plus accessible pour tout le monde. Quand on parle de souveraineté numérique, ça veut dire qu'on garde le contrôle sur nos propres données au lieu de les laisser entre les mains des plateformes internationales qui, on va se le dire, ont leurs propres intérêts. En collaborant avec des partenaires d'ici, dont nombreuses billetteries et associations, on s'assure que ces données profitent directement aux créateurs et aux organismes culturels québécois. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'à la vitrine, on renvoie vers les billetteries officielles pour s'assurer que les gens paient le juste prix pour leur spectacle. 

C'est un projet qui est vraiment important et qui montre à quel point le virage numérique est en cours dans le secteur culturel. Un virage numérique essentiel. Notre objectif, c'est de donner plus de visibilité à notre culture, puis de s'assurer que ça se passe par des infrastructures québécoises pour qu'on reste maître de notre propre patrimoine culturel en ligne.


Entre vous et moi, avoir réussi à convaincre toute une industrie d'y aller sur une notion de plateforme numérique où tout le monde serait égal en terme de découvrabilité, alors que cette industrie souffre grandement justement à cause des plateformes numériques d'ailleurs, reste un tour de force. Mais un tour de force n'est pas grand chose s'il n'est pas pensé de façon pérenne. Alors je n'ai pas pu résister de demander à Kathia quels étaient les plans à venir dans le développement de cette plateforme, car dans le communiqué de presse, il est indiqué que le travail se poursuit. Voici l'aperçu qu'elle nous donne :


On a plein d'idées pour faire évoluer la plateforme. Ce qu’on a dévoilé cette semaine, pour nous, c'est la première itération. On veut faire évoluer la plateforme constamment pour répondre aux attentes du public comme du milieu culturel. Par exemple, un des projets qu'on développe en ce moment, c'est la programmation d'alertes. Ce qu'il faut savoir, c'est que quand on se crée un compte sur La Vitrine, on a la possibilité d'identifier par un cœur les artistes, les lieux, les événements qu'on aime, ses favoris en quelque sorte, puis de les retrouver dans son profil culturel.

Par exemple, avec les alertes, on va être en mesure d'envoyer une infolettre à celui qui a identifié d'un cœur qu'il aimait Guylaine Tremblay, quand celle-ci va proposer un nouveau spectacle dans une salle près de chez lui. Notre vision, c'est d'arriver à offrir une expérience de plus en plus personnalisée aux utilisateurs. Et pour nous, c'est un moyen qui est vraiment efficace pour connecter le public à ce qui les intéresse vraiment. On veut aussi offrir des outils pour aider les organisations culturelles, notamment en leur offrant des opportunités de faire des promotions ciblées via la plateforme.

On regarde aussi ce que l'intelligence artificielle peut nous offrir comme opportunités pour faire une meilleure promotion et d'offrir une expérience encore plus personnalisée au public. On veut vraiment que La Vitrine soit un outil flexible, une approche qui va aider autant les utilisateurs à trouver sa sortie parfaite, les organismes à promouvoir leurs événements plus efficacement.

 

Et pour une fois n'est pas coutume, j'aimerais laisser le mot de conclusion à Kathia St-Jean, car je lui ai aussi demandé en quoi il était important de rendre découvrable l'offre culturelle de la Gaspésie par exemple, alors que la majeure partie des consommateurs de culture au Québec était certainement concentrée dans la grande région de Montréal.


À La Vitrine, on veut raviver l'intérêt des Québécois pour les sorties culturelles. En bref, on veut les faire sortir. C'est vrai à Montréal, mais c'est vrai partout ailleurs au Québec. En Gaspésie, il y a de superbes propositions culturelles et des organismes qui travaillent très fort pour en faire la promotion. La Vitrine veut se positionner en complémentarité de leurs efforts pour les aider à avoir plus de visibilité et à attirer plus de monde.

C'est vrai pour les locaux, mais c'est vrai aussi pour les touristes. Je pense au Festival en chanson de Petite-Vallée, qui attire la grande majorité de son public de l'extérieur de la région. Donc avec La Vitrine, on veut lui offrir une visibilité pour être en mesure de rejoindre ce public-là, qui se trouve un petit peu partout au Québec. C'est une initiative qui est vraiment complémentaire aux efforts que font déjà les organisations. Ça leur donne un coup de main pour mieux faire découvrir leurs événements, puis rendre la culture plus accessible que ce soit à Montréal, en Outaouais, en Mauricie comme en Gaspésie.


Jean-Claude Charest

Gestionnaire de mes activités et loisirs

4 mois

Très informatif

jean-christophe filosa

Coordonnateur programme travailleurs de rue numériques

4 mois

Bonne idée

Josée Francoeur💙

Je rends Canva et l’IA facile 🔥 | Formatrice numérique | +220 élèves formé‧es en direct | Booste tes visuels et contenus

4 mois

J’aime beaucoup ce type d’innovation concrète qui vise à optimiser la relation entre une industrie et les citoyens. Je pense que si tout fonctionne bien(nous avons été échaudé.e.s dans le passé), ce sera un exemple à suivre pour d’autres types d’industries.

Stéphane Ricoul

Vice-président chez Talsom | Chroniqueur (télévision, balado et presse écrite) | Auteur du livre "Vos clics Leur cash"

4 mois

Je regarde toujours qui "like" mes posts en 1er, et je ne suis pas surpris Francis que ce soit toi pour celui-ci 😉. On est tellement chanceux toi et moi de faire partie de ce projet. Merci de m'avoir proposé au CA Francis il y a quelques années 🙏🙏🙏

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