La tentation d’un populisme "à la monégasque"
Les négociations avec l’Union Européenne ont débuté il y a deux ans et pour l’instant aucun accord n’a été signé. On continue à négocier, on fait sans aucun doute des progrès, mais tout le monde le sait : il faudra encore attendre plusieurs années avant de voir aboutir un quelconque accord d’association. Non seulement en raison des obstacles – parfois à première vue insurmontables - mais surtout en l’absence d’un véritable interlocuteur. Car l’Union Européenne actuelle, au-delà des déclarations d’intention, dont celle récemment signée à Rome – n’est en fait que l’union hétérogène de différents pays chacun agissant pour son propre compte, sans vraie stratégie et orientation communes. Ainsi, après le Brexit, il faudra attendre les présidentielles en France, puis les élections en Allemagne et ensuite en Italie, car si les forces populistes et anti-Européistes devaient l’emporter dans un seul de ces pays, l’existence même de l’Union, telle qu’elle est actuellement, serait remise en cause. Le vrai sujet d’actualité est donc aujourd’hui le destin de l’UE, et non les négociations avec Monaco : néanmoins, elles seront probablement au coeur de la prochaine campagne électorale en Principauté.
Or, toutes les formes de populisme s’alimentent des mécontentements et des peurs des peuples, qui doivent faire face aujourd’hui aux problèmes principalement liés au chômage, au terrorisme et à l’immigration. Comme caractéristique commune, les forces populistes proposent des solutions simples et souvent simplistes à des problèmes extrêmement complexes, avançant des promesses qu’elles ne pourront pas tenir. Face à une globalisation qu'elles ne savent pas gérer, elles proposent un improbable retour à un passé « heureux » qui n’existe plus. Plus que proposer un programme concret, les populistes font de la propagande : ils disent aux électeurs ce que ces derniers veulent entendre et n’offrent pas les solutions réalistes dont ces derniers auraient vraiment besoin. Ainsi, malgré ce qu’il avait annoncé, le président Trump ne pourra pas effacer l’« Obamacare » ; le fameux mur ne sera pas payé par le Mexique ; et il n’arrêtera pas l’immigration clandestine aux Etats-Unis... Les présidentielles françaises – qui font l’objet de notre dossier – nous diront dans les prochains mois si le vent populiste qui semble se lever aussi en Europe soufflera jusque sur l’Elysée, ou s’il commencera à se dégonfler progressivement…
A Monaco, heureusement, il n’y a ni chômage significatif, ni terrorisme, ni immigration clandestine : ce qui pourrait offrir un terrain de culture à ce genre de populisme. Mais le risque d’assister à une sorte de « populisme à la monégasque » - lors de l’imminente campagne électorale – est pourtant bien réel. Malgré qu’il ne soit pas vraiment d’actualité, et que le Parlement – d’après la Constitution – ne sera appelé qu’à ratifier un accord éventuel, le spectre d’une Europe (mais laquelle ?) hostile, capable de menacer les spécificités monégasques et surtout le pilier incontournable basé sur la priorité nationale pourrait être utilisé par des forces populistes improvisées, faisant levier sur les craintes de la population, en se livrant à une surenchère europhobe. Le débat sur l'accord est bien sûr légitime. Mais des candidats qui ne sont que de simples citoyens qui se consacrent à temps partiel à la politique, en l’absence d’une vision globale pour l’avenir du pays, pourraient être tentés de céder à un populisme banalisé dans le seul but d’obtenir un consensus éphémère. Une mauvaise imitation du populisme aujourd’hui en vogue ne pourra jamais être meilleur que l’original, en soi déjà très mauvais...
Par Roberto Volponi. © La Principauté 2017. Tous droits réservés. www.laprincipaute.net