La transformation est une collaboration
« Something is rotten in the state ofDenmarkTransformation »
Il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond au royaume de la transformation.
Après plusieurs années chaotiques, un site industriel de 3000 personnes engage un vaste plan de transformation et de remobilisation du personnel. A l’issue d’un audit serré et d’une large consultation du personnel, 5 grands chantiers sont priorisés, staffés, lancés.
Au fil des semaines, les 5 projets éprouvent des difficultés croissantes à maintenir l’engagement. Après réflexion, la direction en conclut qu’on ne transformera pas le site sans susciter un « autre état d’esprit », sans changer « les mentalités ». (Où l’on retrouve une croyance fort en vogue qui voudrait qu’une transformation soit d’abord affaire de « mindset », d’« attitude ».)
Avec l’aide d’un consultant, des « journées positives » sont organisées (des demi-journées plutôt, car 1 journée complète est considérée comme trop coûteuse). Lors de ces demi-journées, l’accent est mis sur le « positif », l'incitation à voir ce qui « marche bien », le « verre à moitié plein », le nécessaire changement « d’état d’esprit » ; sont abordées des notions comme la « résilience », la « fierté au travail », etc.
Le style se veut non contraignant, interactif (la direction a demandé quelque chose d’« innovant »). En réalité, le format continue à être descendant, à base de « sensibilisation », de « communication », d’exercices pour « penser positivement », « voir autrement ».
En parallèle, des « tournées terrain » sont organisées pour inciter les managers à aller « à la rencontre » des collaborateurs, les « écouter » ; dans les faits, ces « tournées » veillent surtout à assurer le SAV des « journées positives », à vérifier que les messages sont bien passés, que les « états d’esprit » changent.
Lors d’une de ces tournées, les managers demandent aux collaborateurs s’ils sont « fiers » de leur travail, de leur entreprise. Un peu décontenancés, nombre d’opérateurs et de techniciens ne savent trop quoi répondre. Compréhensifs, les managers simplifient leur questionnement : « Est-ce que tout va bien dans votre travail ? » Là, les réponses ne tardent pas, simples, claires, précises :
- « Ma machine tombe en panne depuis plusieurs semaines, j’en ai parlé à… »
- « Des pièces manquent, savez-vous quand… ? »
- « Le logiciel de suivi de production bugge, on l’a signalé mais… ».
Réponses embarrassées des managers, heureusement formés à la « communication positive » : « On a bien entendu le point, il est identifié par la direction. Malheureusement, les budgets pour cette année… ».
Fin de la récréation, retour au réel.
L’une des idées les plus néfastes concernant les transformations veut qu’elles soient une opération unilatérale, pensée et décidée par le sommet, communiquée par les niveaux intermédiaires et exécutée par la base. Que cet enchaînement, à l’esthétique si plaisante, multiplie les preuves de son inefficacité ne semble pas changer grand-chose, tant il est vrai que c’est toujours l’autre qui doit changer, et jamais soi.
Pour le commun des mortels, « réduire les coûts » est abstrait, faire marcher sa machine est concret ; « améliorer la qualité » est abstrait, savoir quand arrêter une ligne est concret ; « être fier de son travail » est abstrait, avoir des solutions à ses problèmes est concret. S’entendre dire : « J’ai bien entendu votre problème, mais je ne peux rien pour vous » ou, en résumé, cause toujours, est une garantie assez sûre de gripper le mécanisme.
Un processus de transformation est un échange, une négociation, une transaction, un deal : voilà ce sur quoi tu peux m'aider pour atteindre mes objectifs, voilà ce sur quoi je peux t'aider pour atteindre les tiens. L’unilatéralité marchait peut-être au siècle dernier, mais elle fonctionne de moins en moins bien dans le monde d’aujourd’hui.
La mise à jour de certains programmes devient vraiment urgente.
Apporteur de confiance et éveilleur de leadership. Formateur expérimenté, j’aide les dirigeants et les managers à identifier les leviers de développement de leur leadership pour mieux communiquer et inspirer.
5 ansComme souvent on oublie la transition psychologique nécessaire et de durée variable pour tous. Nombre de CODIR n'ont pas encore compris comment fonctionnent l'humain et la motivation.
Même si je viens de rédiger un article sur la fierté :-)
Coach certifie MCC (ICF)/superviseur/dirigeants/managers/ Codir/ leadership / subsidiarité/cooperation
5 ansMerci Arnaud pour cet article.Vous évoquez la collaboration et non le top down comme élément indispensable au changement et la notion de contrat quand vous écrivez « voilà ce que quoi je peux t’aider et voilà ce que sur quoi tu peux m’aider. Elle suppose « le réfléchir et construire ensemble » dans une parité de posture; les collaborateurs étant au centre de processus de transformation.Elle pose finalement la question suivante: Que doivent lâcher les dirigeants? Mais aussi les codir alors que ces derniers sont souvent eux-mêmes pris dans des doubles contraintes? Cela pose la question du pouvoir et des enjeux, du temps que l’on se donne car toute transformation est un processus long et complexe où la dimension humaine, je devrais plutôt dire émotionnelle,est essentielle.
Senior Technical Trainer HSE - Formateur SSE Novartis France pharmaceutique
5 ansTout est dit...
Executive Coaching (individuel & d'équipe) - Leadership - Transformation
5 ansExcellent article, très juste... Malheureusement !