La transition écologique : un marathon, pas un sprint
A peine sorties des confinements, les entreprises ont dû faire face à d’importants problèmes d’approvisionnements, qui se cumulent désormais avec une flambée des prix des matières premières et de l’énergie. Le 4 mai, le baril de Brent s’établissait à 109 dollars et le baril américain à 106 dollars, après avoir frôlé les 130 dollars au début du conflit russo-ukrainien. Le gaz et l’électricité sont eux aussi à la hausse, et les tensions inflationnistes ne semblent pas vouloir marquer le pas en Europe.
Est-ce seulement conjoncturel, ou devons-nous plutôt y voir le signe d’une transformation à mener sur le long terme ?
Ce qui est sûr, c’est que l’avenir est source d’inquiétude. D’après une enquête des CCI de Normandie*, 73 % des chefs d’entreprise normands disent rencontrer des difficultés à cause de la hausse des coûts de l’énergie, et 66 % en raison de la flambée du prix des matières premières. Pour un quart d’entre eux, cela a déjà entraîné une baisse d’activité et une perte de chiffre d’affaires.
Les entreprises ont conscience que désormais – aussi bien pour des raisons de coûts que tout simplement pour leur bilan carbone –, elles devront intégrer dans leur fonctionnement un impératif de frugalité. Et elles ne seront pas seules, car l’enjeu est tel qu’il doit devenir un mouvement d’adhésion citoyenne. Une transition à mener sur le long terme, mais qui est indispensable et réalisable.
Car il y a toujours eu des transitions, des transformations, des changements dans ce monde de mouvements. La transition numérique, par exemple, est aujourd’hui pour ainsi dire derrière nous : tous les acteurs ou presque l’ont intégrée, notamment dans l’industrie des services, où les gains de productivité apportés par le numérique ont été considérables. Et puis, sans le numérique, le télétravail pendant la crise sanitaire n’aurait pas pu être possible. Le numérique est véritablement une révolution industrielle, à l’œuvre depuis une vingtaine d’années. Elle est déjà bien ancrée dans les entreprises, jusque dans les petites et moyennes entreprises.
La transition environnementale sera certes plus complexe à mener. Elle devra se faire sur le long terme, dans les entreprises comme au sein de la société, et nécessitera de repenser nos modèles de développement pour tenir compte de cette consommation carbone que nous mettions de côté jusqu’à présent. Nous devrons relever plusieurs défis :
- la mobilité : le transport concentre à lui seul 31 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France (source : ADEME**) ;
- l’efficacité énergétique des bâtiments qui représentent 43 % des consommations énergétiques françaises et génèrent 23 % des émissions de GES (source : ministère de la Transition écologique***) ;
- des problématiques plus sectorielles comme dans l’agriculture et bien sûr l’énergie ;
- le retour à une économie plus locale, plus circulaire et moins globalisée.
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Répartition sectorielle des émissions de gaz à effet de serre en France en 2019 :
Source : CITEPA, rapport Secten 2020 (https://www.notre-environnement.gouv.fr/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement/themes-ree/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture)
Les enjeux sont énormes, la marche à gravir considérablement élevée. Pour réussir, nous aurons besoin des politiques publiques – qu’elles soient idéalement facilitatrices, mais aussi parfois coercitives ou les deux – et c’est en bonne voie avec, déjà, des outils comme la fiscalité carbone pour les assujettis, le décret tertiaire ou des aides à la transition et une taxonomie européenne sur les financements pour les actifs « green »****.
Il faudra également que les investisseurs s’emparent de ces sujets. A la Caisse d’Epargne Normandie, nous proposons par exemple des prêts à impact, un fonds ENR et du financement participatif Green grâce à Kiwaï. Nous impliquons, à notre échelle, les acteurs économiques qui nous entourent sur ces sujets de décarbonation afin qu’ils fassent du carbone un objectif clé de leur stratégie, mais aussi de leur budget. En créant un poste « carbone » dans leur budget « mobilité, achats », ou encore « énergie », les entreprises peuvent en effet ramener cet objectif de long terme dans le court terme, et ainsi mieux piloter leur stratégie de réduction de leur empreinte carbone dans le temps. Pendant des années, le carbone et les autres GES ont été considérés comme une ressource gratuite, émise sans tarification. Or, son externalité négative est très forte, ne pas la tarifer est donc une défaillance de marché qu’il faut impérativement corriger.
Enfin, et surtout, rien ne se fera sans l’humain, qui reste la clé de tout, y compris dans les entreprises où ces changements auront des impacts en termes de ressources humaines. Plus que jamais, les équipes auront besoin d’un cap, de voir que cette transition peut se décliner rapidement et qu’elle s’accorde avec les attentes de la société. Surtout, il faut que chacun intègre qu’il ne s’agit pas que d’un sprint mais surtout d’un marathon, avec un changement permanent à opérer sur la durée dans une logique de transition et non de transformation brutale. Alors, prêt(e)s à transitionner ?
*Enquête menée auprès de 1100 chefs d’entreprise normands en avril 2022, https://www.normandie.cci.fr/sites/g/files/mwbcuj1116/files/2022-05/Resultats_enqu%C3%AAte_flash.pdf
**L’impact carbone de notre mobilité, ADEME, mars 2020, https://datagir.ademe.fr/blog/impact-carbone-mobilite-eco-deplacement/
***Construction et performance environnementale du bâtiment, ministère de la Transition écologique, septembre 2020, https://www.ecologie.gouv.fr/construction-et-performance-environnementale-du-batiment
****La taxonomie verte signe l’engagement pour une économique durable, La Tribune, 4 mai 2022, https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-taxonomie-verte-signe-l-engagement-pour-une-economie-durable-916524.html
Contrôleur Bancaire spécialité Comptabilité Finance - MBA Risques & Contrôle
2 ansMerci pour ce post réaliste qui appelle à la réflexion économique collective. La transition énergétique, écologie est l'affaire de tous les acteurs économiques. Les politiques publiques seront là pour accompagner cette transition sur le long terme dès lors que les stratégies des entreprises et des financeurs ont des objectifs convergents.
Président du Bâtiment Associé - Président UMGO FFB - Président CCCA BTP - Vice-Président FFB
2 ansIl faut absolument créer des prêts à enveloppe révisable pour permettre aux investisseurs de prendre en compte les marchés de travaux révisables à cause de la fluctuation non contrôlable des matières premières.