La transmission d'entreprise : entre rupture et continuité

La transmission d'entreprise : entre rupture et continuité

Reprendre une entreprise c’est reprendre une histoire, reprendre des relations, reprendre des modes de fonctionnement.

Bref, c’est reprendre un équilibre qui s’est construit dans le temps, et qui, sûrement, a mis du temps à se construire, avec des difficultés surmontées, des victoires surpassées, des remords ou des regrets qui peuvent persister...

Et lorsque cet équilibre est un équilibre familial, construit par une précédente génération, ou plusieurs, tout peut s’entremêler :

  • On engage une responsabilité personnelle à vouloir que l’équilibre construit perdure
  • On est toujours plus ou moins rattaché à son prédécesseur, qu’on voit régulièrement dans sa sphère personnelle
  • Et les autres savent d’où on vient et attendent beaucoup de nous et de nos choix

Mais alors quel leadership apporter lorsqu’on reprend une affaire familiale ?

Parlons d’abord du premier réflexe : le bon sens qui voudrait « tuer le père »

« Tuer le père » (entre guillemets !), c’est apporter une rupture avec l’existant, ou plutôt, avec l’ancien temps. C’est-à-dire faire des choix :

  • Sur l’activité : accélérer sur le marché, innover sur d’autres, proposer des services / produits connexes ?
  • Sur l’organisation : aplanir les strates hiérarchiques, fusionner des services ?
  • Sur les effectifs : promouvoir de nouveaux directeurs, changer le casting ou se séparer de certains collaborateurs ? ...

« Tuer le père » ça donne une légitimité forte au repreneur, d’entrée : il assume le changement, il assume la fracture et il ne donne pas de grain à moudre aux détracteurs qui pourraient le/la nommer comme le/la fils/fille de...

Et lorsque la figure du prédécesseur était une figure forte, lorsqu’il y avait une personnalisation importante entre entreprise et ancien leader, on peut avoir l’impression que montrer une différence forte va imposer plus de respect auprès des autres (collaborateurs, fournisseurs, clients...)

« Tuer le père » c’est aussi apporter de la nouveauté et de la fraîcheur aux autres, qui, ayant travaillé depuis des années avec le même leader, pourraient avoir besoin de renouveau. C’est finalement lutter contre une passivité qui a pu s’installer par habitude.

Sauf que : tout ne se solutionne pas par le bon sens.

Embarquer en dénigrant le passé crée plus d’opposition qu’il n’y parait

L’entreprise que vous reprenez a traversé des étapes importantes qui l’ont construite et qui l’ont fait grandir, elle et les collaborateurs qui la composent.

Ces éléments, qu’ils soient des comportements, des postures, des manières de faire l’activité, ne peuvent pas être jetés à la poubelle d’un coup de baguette magique.

Ce serait vu comme un comportement orgueilleux de vouloir faire table rase de tout ça, ce qui pourrait vite entraîner de l’opposition dans votre entreprise.

Et in fine, avoir le résultat inverse que vous vouliez en termes de légitimité, c’est-à-dire qu’on vous rabaisse à un « mais qui est-il/elle pour nous dire comment on doit faire le job ?»

Changer pour changer crée de la passivité

Porter un changement quel qu’il soit, doit être réfléchi autour d’une menace ou d’une opportunité, sinon les gens vous entendront mais n’accepteront rien. Le rationnel compte pour qu’on vous suive.

Posez-vous alors la question suivante : quelle est la menace à ne rien faire ?

Et si, vous ne trouvez pas de réponse, alors ne faites rien (pour le moment).

Un changement ne se décrète pas par égo.

C’est un choix équilibré entre ce que l’entreprise est actuellement (c’est-à-dire ce qu’elle est capable de faire), et ce qu’elle devrait être pour répondre à sa mission.

Les 2 conseils fondamentaux si vous reprenez une affaire familiale :

Premier conseil : prenez le temps de réfléchir à votre vision

Deuxième conseil : ne soyez pas seul(e) à la porter

  1. Prenez le temps de réfléchir à votre visionLa vision, c’est le cap qu’on donne sur le long terme et le sens des actions qu’on mène au quotidien. Ce sont des objectifs long terme qu’on se fixe en fonction évidemment des enjeux du business que nous voyons et/ou que nous avons envie d’aborder. Elle s’écrit autour de la mission globale que vous donnez à votre entreprise. Mais cette vision doit comprendre aussi des éléments qui rendent votre entreprise singulière et qui rassemblent tous vos collaborateurs.Une vision n’est pas un objectif rationnel (par exemple, devenir le leader dans le secteur du textile), c’est une envie plus long terme, plus émotionnelle qui va parler à tous et qui va donner un combat commun à chacun. Elle est tournée vers l’extérieur certes, mais elle doit donner un ton pour l’intérieur.
  2. Ne soyez pas seul(e) à la porter : Trouvez des alliés au sein de votre CODIR vis-à-vis de votre vision : un allié c’est une personne qui va avoir de la synergie et un niveau critique constructif pour enrichir la vision.Trouvez des relais qui pourront l’expliquer aux autres, apporter des idées d’actions concrètes pour y arriver, réorienter quand il faudra, redynamiser les troupes quand il y aura besoin...Il ne s’agit pas de convaincre, mais de donner envie. Partagez-la et laissez la place à l’appropriation en amendant certains éléments avec vos relais. Une bonne vision est une vision qui fait parler pour pouvoir embarquer et susciter l’excitation. Si elle remporte un succès sans contestation ni questionnement, ce n’est pas un bon indicateur au contraire, méfiez-vous du consensus mou...Est-ce que vraiment tous les chevaliers de la table ronde reconnaissaient le graal comme la vie éternelle ? Non, certains, y voyaient aussi une coupe d’or et de pierres précieuses, d’autres y voyaient un voyage, une exploration jamais faite auparavant...

En conclusion

Reprendre une entreprise familiale est loin d’être facile, et c’est déjà très courageux de vouloir s’engager dans cette aventure. La crainte première est le manque de légitimité, qui nous incite à faire changer des choses rapidement pour assouvir un sentiment d’utilité.

Mais c’est souvent un réflexe contre-productif en termes d’engagement des équipes.

L’idéal est de prendre son temps et de se poser sur la mission globale de son entreprise que ce soit vers l’extérieur mais aussi pour l’intérieur. Et pour vous aider, adopter la posture de Maigret : grande oreille, petite bouche...


Amélie BALANGER petit clin d'oeil d'une discussion très intéressante la semaine dernière ! 😉

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