La vérité si je mens!

C’est peut-être un simple avatar de la pensée positive mais c’est incontestable : la vérité et la sincérité ne s’invitent pas souvent dans le discours du management. Entendons-nous : il ne s’agit pas de « tout dire » - ce qui serait stupide ! - mais de « dire vrai » et, partant, de donner une compréhension solide des enjeux à ceux qui sont sur le même bateau. 

A la place, une certaine forme de communication, lénifiante et insipide, s’est installée, avec des mots pesés au trébuchet des risques auxquels ils exposent. Citons aussi, parmi les variantes, l’argumentaire chiffré, crédité d’être « vrai a priori », ou le « story telling » (raconter une histoire), cette manière épique de susciter l’adhésion par l’émotion - comme la lecture d’un conte fait rêver les enfants. Tous ces artifices font d’autant plus besoin que le cap est flou ou que les annonces sont difficiles. La séduction semble tellement plus utile au management que la vérité ! Et en plus, ça marche ! A coups de questionnaires, anonymes bien sûr, on peut mesurer le degré de satisfaction de l’audience - et il est souvent bon. Pourquoi faire autrement puisqu’on se donne du confort à court-terme et qu’il sera bien temps d’aviser quand il sera trop tard ?

L’arrivée de ce verbiage dans le discours des dirigeants n’est pas un simple effet de mode. Elle signe une impuissance, celle de définir une stratégie « qui engage durablement l’avenir » (si tant est que la stratégie puisse être court-termiste !), mais elle peut être aussi une certaine forme d’arrogance – à quoi bon dispenser aux autres un discours complexe qu’ils ne comprendraient pas ? Qu’importent les raisons qui conduisent au choix de l’écran de fumée ; les conséquences en sont une crise de confiance dans la parole des dirigeants - et dans la crédibilité même de l’entreprise.  

Peu de choses pourraient suffire pour changer la situation. Voici quelques pistes de réflexion:

-       Redonner aux dirigeants conscience que leur parole est attendue et nécessaire, mais qu’elle doit être, autant que possible, vraie. Nous avons moins besoin de rêver que de comprendre et de trouver un sens. Les salariés ne sont pas des enfants et les hommes de terrain voient autant de choses, différemment mais tout aussi sûrement, que le patron. Les dirigeants sont des capitaines ; leur mission est de décrypter le monde environnant et de rendre lisibles les événements, sinon l’inquiétude prendra la place laissée libre par l’absence de réponse. 

-       Il faut encourager la libre circulation de la parole des équipes vers la hiérarchie et non se satisfaire de l’esprit courtisan ou de l’indifférence, devenus la norme. Les conséquences sont sous nos yeux : si la parole vraie n’existe plus, la transparence, le respect, la cohésion non plus. A la place fleurissent l’obéissance a priori, l’attente du contre-ordre, le cirage de pompes et toutes les formes, plus ou moins subtiles, du « je m’en fichisme » ou du doigt d’honneur. Donnons-nous le luxe d’écouter ce que chacun a à nous dire, que cela soit agréable pour nos égos ou pas. Ecouter, c’est aller vers l’autre pour le comprendre, c’est instiller de la confiance, c’est commencer à bâtir ensemble. Et personne ne se trompe sur le sens du message.

-       Ne postulons pas sur la bêtise de notre auditoire qui ne comprendrait pas qu’on lui «ment » et en retour, nous dirait la vérité. Ne nous décernons pas des satisfecit faciles, sous prétexte que les résultats des questionnaires d’opinion sont bons – et que les salariés n’y ont vu que du feu. Si la vérité n’a pas de sens, alors la dire n’en a pas davantage. On récolte ce qu’on sème.

-       Faisons de la franchise la plus grande des habiletés. Le discours vrai est un acte de courage et de respect car il refuse la facilité autant que la fatalité. Il rend à chaque être humain sa place essentielle dans le dispositif, avec une mission assignée qui contribue à l’efficacité de l’ensemble. De quoi redonner du sens à nos vies au service de l’entreprise.

NR

Le post date un peu. Depuis le virus passe… il met tout par terre. Plus de stratégie, s'il n'yen eut une, mais plutôt un extrait de la 5eme compagnie avec le colonel au téléphone : ' oui, mon général , je raccroche, et je décroche '

Jérôme Erulin

Communication de crise | Architecte en stratégie de communication| Consultant | Manager de transition| Directeur de la Communication | Conférencier| Naval | Défense | Maritime

4 ans

Très bien exprimé! De plus, la transparence crue et immédiate des réseaux sociaux nous apprends à tous qu'il est de plus en plus difficile de fonder son discours sur le mensonge. Cohérence du "Said & Done" reposant sur des valeurs vécues, voilà une clé d'action à intégrer dans les fondements de sa réussite.

Maxime Flauw ⚓

Vers une Nouvelle Société Française, faire équipage et arriver ensemble.

4 ans

"Il faut encourager la libre circulation de la parole des équipes vers la hiérarchie et non se satisfaire de l’esprit courtisan ou de l’indifférence, devenus la norme" On ne peut qu'être d'accord mais H de Man disait "Ce n’est pas la compétence qui fait l’avancement, c’est la soumission". Vrai ou faux ? La grande difficulté est probablement dans une certaine "proximité" managériale à tous les niveaux.

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