La vente et la sociologie des organisations peuvent ils faire bon ménage?
Nous pourrions considérer à priori un certain éloignement de ces 2 champs et pourtant, à y regarder de plus près, il s'avère que le regard du sociologue sur le fonctionnement des organisations et de ce qu'il est coutume d'appeler les comportements d'acteurs, peut se trouver tout à fait éclairant pour comprendre les jeux relationnels et mieux décider de la conduite des affaires.
En effet, combien de vos affaires non transformées finissent dans le ventre mou d'une analyse du type " la décision de toute façon était politique"....Et si c'était le cas? De quelle politique parle t-on, et quel sens donner au mot politique ? Politique d'entreprise ? politique d'investissement? politique de choix fournisseur? jeux politiques et alliance interne ? politique personnelle ?
Pour aller au delà de ces questions, empruntons la paire de lunette des sociologues des organisations et plus précisément celles de Michel Crozier et Erhard Friedberg dans "l'acteur et le système", ouvrage de référence ou les auteurs nous proposent une vision de l'organisation qui place les comportements des individus et leurs stratégies personnelles comme le principal moteur des comportements en entreprise.
En effet, que nous disent ils?
"Une organisation ne peut être analysée comme l'ensemble transparent que beaucoup de ses dirigeants voudraient qu'elle soit. Elle est le royaume des relations de pouvoir, de l'influence, du marchandage et du calcul. L'acteur n'a que rarement des objectifs clairs et encore moins des projets cohérents : ceux-ci sont multiples, plus ou moins ambigus, plus ou moins explicites, plus ou moins contradictoires."
Le premier enseignement à tirer de cette vision est d'apprendre à regarder les projets que l'on porte en tant que fournisseur à minima à 2 niveaux, au niveau organisationnel et global pour ce qui relève de la dimension à priori rationnelle d'une future décision et surtout à un niveau plus individuel qui est celui des acteurs concernés, c'est à dire de leurs intérêts directs, enjeux et stratégies personnelles en ce sens.
"Le pouvoir est une relation. C'est la possibilité pour certains individus d'agir sur d'autres et de contrôler leurs zones d'incertitude."
"Au lieu d'être rationnel par rapport à des objectifs, l'acteur est rationnel d'une part, par rapport à des opportunités, et à travers les opportunités au contexte qui les définit et d'autre part, par rapport au comportement des autres acteurs, au parti pris que ceux-ci prennent et au jeu qui s'est établi entre eux."
et enfin "La stratégie au sens des comportements utilisés a toujours deux aspects : un aspect offensif, la saisie d’opportunités en vue d’améliorer sa situation, et un aspect défensif, le maintien et l’élargissement de sa marge de liberté, donc de sa capacité d’action."
Beaucoup de choses sont dites dans ces quelques lignes...Non seulement le commercial doit apprendre à intégrer une dimension "objectivable", la rationalité du projet porté au nom de l'organisation, tout en activant en parallèle une grille de lecture éminemment "subjective" qui est celle du décodage et de la compréhension des jeux d'acteur tel que décrit plus haut.
Quels principes tactiques en conclure pour la conduite des affaires ?
Chaque affaire est d'abord contextuelle et mérite d'être réfléchie dans son contexte. On peut cependant proposer quelques principes permettant de déployer une intelligence contextuelle et stratégique. Ces principes sont :
- Regarder ses projets a 2 niveaux : Logique de l'organisation et logique d'acteur
- Comprendre la logique d'acteur du porteur du projet chez le client
- Faire alliance avec le porteur du projet
- Faire alliance et qualifier l'ensemble des acteurs concernés dans le système client
- En cas de conflit d'intérêt entre acteurs, arbitrer dans le sens de l'intérêt supérieur du client (vision globale et organisationnelle)
Pour ceux qui auraient été intéressés par cet article et souhaiteraient pousser plus loin la réflexion, je vous invite à le faire suivre à votre DRH et à lui proposer matière à un regard différent sur les compétences et cursus de développement des commerciaux.
Prochain post à paraître : " Répondre ou non à un Appel d'offre ?"
Fabrice lezeau , coach associé SFCoach, Dirigeant Interness consulting, executive MBA ESSEC, fabrice.lezeau@interness-consulting.com
Mobile 06 60 04 92 31
Catalyseur de votre Transformation Commerciale ET Marketing - Expertise unique combinée en Key Account Management, Vente Complexe, Marketing Produit B2B & Communication- AKAM Board Member, fondateur du KAM Club France
9 ansExcellent article Fabrice, bravo! Oui la sociologie des organisations et la vente ont quelque chose en commun.En vente complexe (ventes de projets et solutions) et en gestion des comptes stratégiques (KAM & GAM), la compréhension de la dynamique interne d'une organisation et des jeux politiques des différents acteurs est cruciale. De la pertinence de l'analyse et de la capacité pour l''équipe de vente à agir en conséquence, dépend le succès. Ce point est pourtant sous estimé, et même parfois carrément ignoré, par trop d'équipes commerciales ....
HR Manager | Leadership Developer | People Strategist | Wellbeing and D&I Advocate
9 ansTrès riche Fabrice ! Merci pour ce partage. Je pense également qu'au-delà de l'analyse des conflits d'intérêts et jeux de pouvoirs des acteurs (selon Crozier et Friedberg ou d'autres auteurs), il est essentiel de décoder l'univers organisationnel dans lequel les individus se meuvent. Pour ce faire, je me réfère souvent aux typologies développées dans l'ouvrage "les mondes sociaux de l'entreprise" par F.Osty, R. Sainsaulieu et M. Uhalde que je te recommande vivement ! A très bientôt !