L'affable de la FONTAINE. La bienveillance est elle indispensable?

On appelle ça "le monde des bisounours" pour ceux qui ont connu ces boules de poils des années 80, oursons qui passent leur temps à distribuer des câlins. Les plus littéraires se référeront à Voltaire avec Candide  "tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes". 

La naïveté de croire que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" serait devenu un bon sens et une obligation alors que les figures de notre société prônent une agressivité en toute circonstance, l'opposition et les clivages sociaux sont à la mode. Il est, depuis des années, plus de bon ton d'être acerbe qu'aimable, indépendant que coopératif, admiré pour ne pas être exclu, méfiant que confiant. 

Qui n'a jamais eu le mauvais reflexe de vérifier le contenu de ses poches dans le métro lorsqu'un jeune en jogging entre dans la rame? Pour confier son siège à un senior sur la seule présomption de son âge? 

La, supposée, malveillance d'un jeune opposée a la bonhommie des rides n'a pas plus de sens que de penser que tout le monde est bienveillant.  

Les Hommes ne le sont pas, nous le vérifions chaque matin dans la presse et, c'est de penser qu'ils peuvent l'être, et non de le savoir, qui améliore les rapports entre eux. 

S'il est de bon ton de croire en son prochain de manière automatique sur le papier, est-ce bienveillant d'imposer cette manière de considérer l'autre? Et est-ce si facile? Si naturel? 

Car si la bienveillance naturelle force l'admiration : qui n'admire pas Sœur Emmanuelle qui a consacré sa vie aux plus démunis, ou Nelson MANDELA qui, pour défendre les droits fondamentaux de son peuple a passé 27 ans en prison! La bienveillance de façade est, elle, construite dans un but précis : se faire apprécier, être socialement bien vu pour arriver à ses fins, obtenir de " l'autre" ce que l'on attend de lui, une sorte de sincérité programmée. L'authenticité ne s'achète pas. A être brave, gentil, doux, aimable on en devient, aux yeux des autres, débonnaire. 

Ces derniers (les trops bons trop c...), pourraient, de se fait, être abusés par des bienveillants  opportunistes.  

La bienveillance est, selon la définition Larousse, "une disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui. "Il s'agit donc de penser que "l'autre" serait systématiquement bon, sympathique, gentil,… 

La bienveillance dans le milieu professionnel est à la mode. Nombre d'articles, de post ou de commentaires prônent cela comme le nouvel eldorado des RH pour le bien être en entreprise. 

Celle-ci tend vers une organisation partant du principe que, des employés responsables et passionnés par l'atteinte d'une vision d'entreprise, coûteront moins que les frais de structure visant à les contrôler et à les commander.  

Les employés, se sentant ainsi libres de leurs décisions ouvrent le champs des possibles au développement et à la croissance. L'épanouissement poussent les salariés vers l'accomplissement, ce qui, d'après Maslow et sa théorie tétraédrique est l'apogée des besoins humains.  

Une évidence en entreprise donc? 

Pas tant que ça, si l'on considère la multiplication des opérations de communication autour de la bienveillance : journée de la gentillesse,  politique RH de bienveillance, semaine de la qualité de vie au travail et maintenant un candidat de la bienveillance pour la présidentielle! 

 L'alerte est donnée, la prise de conscience est là!  

Selon un sondage de TNS SOFRES de juin 2016, 68% des salariés estiment que leurs conditions de travail se sont dégradés. Evidemment, les mêmes sondés considèrent, pour 96%, que les relations et l'ambiance font que ces conditions se sont dégradés.  

Mais les moyens qui leurs sont alloués manquent également car, pour 91% des personnes interrogés, la productivité à travers "le manque de personnel", "le rendement" constituent un poids dans leur perception du bien vivre au travail. 

S'organiser, prévoir, anticiper ne sont pas que des principes économiques, ils sont aussi, et surtout, des moyens d'apporter des réponses à ces problématiques. 

Etre affable naturellement n'est donc pas donné à tout le monde, la bienveillance doit être nourrie d'actions : veiller au bien être des individus, favoriser les relations et développer leur qualité, respecter systématiquement son entourage,… 

Et ça se travaille, la bienveillance est un muscle qu'il faut entretenir : pas un biceps qui nous rend musclé en apparence, mais plus simplement, le cœur qui nous est vital.  

Et la Fontaine dans tout ça? Il résume tout cela dans la morale du "laboureur et ses enfants" : "le travail est un trésor".  

 

 


Jean-Luc Houzé

médiateur culturel chez musée la Piscine

4 ans

Bravo! Enfin un article qui aborde et résume ce que je pense depuis tant d'années...je croyais être un extraterrestre, un illuminé, un inadapté. La folie et l'ambition individuelle sont de règle. Si la jeunesse pouvait comprendre suffisamment tôt tout cela, ça éviterait beaucoup de souffrance, de gâchis et de destructions des ressources et énergies en cascade. Le conditionnement est tel, que chacun construit l'échafaud de son supplice, par peur d'être en dehors de ce monde d'illusion, d'apparence et d'hypocrisie dans lequel l'amitié et la bienveillance ne sont que des moyens égocentrés pour accéder au pouvoir de l'un sur l'autre. Comme disait krishnamurti: la plupart des hommes se contentent de repeindre leur prison dans une autre couleur, en croyant que cela changera leur vie...

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