L'affaire Omar Raddad, tiré de Scènes de chasse en Bavière vol. 14, Eté 2018
Qui a tué Ghislaine Marchal, riche héritière, ce dimanche de juin 1991, dans sa villa de Mougins ? Presque trente ans plus tard, le mystère plane encore sur « La Chamade ». Après plusieurs années de prison, Omar Raddad, son jardinier, a finalement été gracié. Pour la défense, le véritable meurtrier court toujours.
Ce 23 juin 1991, Ghislaine Marchal, riche héritière d’une marque d’équipements automobiles, doit déjeuner chez un couple d’amis. A 65 ans, cette femme intelligente et autoritaire partage son temps entre la Suisse et sa villa « La Chamade », sur les hauteurs de Mougins. Mais l’heure tourne et l’on est sans nouvelle de Ghislaine. Le lendemain, les gendarmes fouillent la maison : personne. Dans la cave, ils tombent sur une porte en métal qui refuse de s’ouvrir. Les agents poussent et aperçoivent un lit pliant et une barre de fer coincés derrière. Ils ouvrent enfin et découvrent l’horreur : dans une mare de sang, le corps de Ghislaine Marchal, éventrée, le crâne enfoncé, une phalange presque arrachée. Et sur la porte de la cave à vin, une inscription en lettres de sang : « OMAR M’A TUER ».
Deux jours plus tard, Omar Raddad, le jardinier de l’héritière, est arrêté. A 28 ans, ce Marocain arrivé en France quelques années plus tôt, est marié et père de deux enfants. Son casier judiciaire est vierge. En garde à vue, les enquêteurs découvrent un homme calme et réfléchi, qui nie en bloc. Pourtant, le 27 juin, il est inculpé et incarcéré.
L’enquête commence. Le jour du crime, Omar Raddad travaille chez une autre cliente. A l’heure de la mort de sa patronne, il rentre déjeuner, avant de repartir. Mais voilà, aucun témoin n’est là pour confirmer son alibi. Pour le capitaine Cenci qui dirige l’enquête, aucun doute : Omar Raddad a tué Ghislaine Marchal. Le mobile ? L’argent. Le jardinier jouait aux machines à sous plusieurs soirs par semaine. En deux ans, il a même retiré 80 000 francs de ses comptes en banque. A court, il aurait demandé une avance à sa patronne qui aurait refusé. Fou de rage, il l’aurait alors massacrée.
Le 24 janvier 1994, le procès d’Omar Raddad s’ouvre devant les Assises de Nice. Jacques Vergès défend le jardinier. Pour le ténor du barreau, Omar est victime d’une machination judiciaire et raciste. D’ailleurs, les analyses sont formelles : il n’y a aucune de ses empreintes, ni dans la cave, ni sur la barre de fer. Pas plus de tache de sang sur ses vêtements. Enfin, pas de trace de terre ou d’herbe dans la cave, alors qu’il a passé la matinée à tondre.
Reste le fameux « OMAR M’A TUER ». Pour Me Vergès, c’est une mise en scène : comment cette femme cultivée a-t-elle pu commettre une faute d’accord aussi grossière ? Facile, répondent les gendarmes, qui montrent à la cour des fiches de paye et des factures avec la même erreur. Quid alors du lit pliant et de la barre de fer qui coincent la porte de la cave ? Pour l’avocat de la famille Marchal, c’est Ghislaine, blessée, qui s’est barricadée pour empêcher le retour de Raddad. Mais là encore, les enquêteurs ne trouvent aucune empreinte de la victime sur le lit ou la barre.
Après dix jours de procès, Omar Raddad est condamné à dix-huit ans de prison. Un an plus tard, Mohamed Moumen, un ancien détenu, révèle qu’un de ses compagnons de cellule lui a avoué être le meurtrier de Ghislaine Marchal. Le malfrat avait voulu cambrioler la veuve avant d’être surpris. Il aurait ensuite paniqué… Dans la foulée, la justice demande une enquête. Mais le témoignage, en contradiction avec le résultat de l’enquête, est abandonné.
En 1996, Omar Raddad est finalement gracié par le président Chirac. Il est libéré deux ans plus tard. Depuis, un comité de soutien réclame une révision du procès. Mais le mystère plane encore au-dessus de « La Chamade »…