L'Aide à l'Innovation des Biotechs et MedTechs au Québec est Inadaptée et Insuffisante

L'Aide à l'Innovation des Biotechs et MedTechs au Québec est Inadaptée et Insuffisante

La technologie biomédicale innovante n'est pas nouvelle au Québec et a connu plusieurs succès au fil des décennies. Mais la situation est appelée à s'améliorer par de meilleurs choix, et on gagne à faire sortir plus souvent le génie biotechnologique Québecois hors de la proverbiale bouteille.

L'annonce du financement de technologies ARN par l'initiative AReNA est certes une bonne nouvelle, mais elle nous arrive un peu tardivement. La réelle innovation de l'ARNm a déjà eu lieu il y a 14 ans quand Stéphane Bancel a fondé Moderna. Tout le monde fronçait les sourcils à l'époque (si tu as de la difficulté à livrer un petit morceau d'ARN, comment tu vas réussir avec un ARN long?) C'est généralement un signe d'innovation, non?

Les succès des vaccins Covid-19 de Moderna et de Pfizer font foi des succès certes récents, mais passés, de la technologie d'ARN messagers (ou, dirons-nous, d'ARN longs). Je travaillais sur les ribozymes dans le laboratoire d'ARN du regretté et célébré professeur Robert Cedergren dès 2000 à l'UdM qui avait fait connaître la structure 3D de l'élément ARN de réponse RRE du VIH.

Covid a attiré l'attention sur l'ARN comme jamais, mais les technologies ARN n'ont rien de nouveau, comme les ribozymes, les siRNA en 2005, miRNA, etc. Il pourrait aussi être bon de mentionner que les vaccins à ARNm sont formulés avec des lipides cationiques, une innovation authentique et tangible issue de Tekmira à Vancouver autour de 2007 qui visait à l'époque à emballer les siRNA (maintenant Arbutus Biopharma) pour Alnylam.

Cela rappelle l'arrivée sur le tard, donc aussi réactive, de Génome Québec dans les années 2000, alors que la mode du génomique battait son plein... et que le financement de la biologie moléculaire, dont la génomique est issue, était lacunaire au Québec dès les années 80-90, donc ces arrivées sur le tard n'ont rien de surprenant en bout de ligne.

Les SR&D - un bienfait qui sert peu l'innovation d'ici

Il a souvent été mention au fil des ans du paradoxe entre les crédits de recherche et développement (SR&D) élevés accordés par le gouvernement fédéral qui consituent peut-être encore les meilleurs crédits de R&D du G20, et la faible taux de création de propriété intellectuelle, une mesure de l'innovation réelle.

En effet, si les SR&D existent, ils servent mal l'innovation parce qu'il manque d'investissement privé en amont, d'investissement direct dans l'innovation locale et dans les Startups.

Le rôle des universités et des professeurs-chercheurs dans l'innovation

L'approche réactive discutée plus haut démontre peut-être un manque de vision, mais peut-êre aussi un certain élitisme, quand l'objectif central doit demeurer de résoudre les problèmes de santé qui accablent l'humanité tout en soutenant l'innovation authentique.

Contrairement aux États-Unis, seuls les professeurs-chercheurs affiliés à une institution de recherche reconnue peuvent obtenir des subventions de recherche. Cela n'est guère surprenant dans un Canada historiquement axé autour d'oligopoles. Les subventions corporatives existent par la BDC, mais pour de grosses corporations. Oubliez le PARI, le financement est infime et discrétionnaire.

Il sera certainement plus facile d'intéresser un investisseur à une technologie issue d'un professeur-chercheur affilié, dans le contexte local. Après tout, il a accès à tous les appareils, des laborantins, étudiants, il obtient des subventions, et peut mener à bien la recherche vers les découvertes. Ce même professeur a besoin de subventions de recherche et pour cela il doit publier. Sa priorité est donc de publier par son statut de chercheur.

La professeur-chercheur n'est donc pas un entrepreneur, il n'est pas un inventeur, mais bien un chercheur avec une charge d'enseignement. Il a un poste permanent, donc la survie de son innovation le cas échéant n'est pas critique à sa réussite professionnelle (publier, si). Vous avez peut-être déjà entendu le terme career patents ? Dans le même contexte, les investissements peuvent tenir lieu de subventions qui permettent de publier avant d'innover.

L'entrepreneurship biomédical à redéfinir

Il y a peu d'entrepreneurs en biotech, et ils sont des acteurs du milieu issus de subventions indirectes, du pharmaceutique, de l'investissement étranger, ou qui ont eu un succès rare et investissent leur capital privé pour développer la technologie. Il faudrait redéfinir les entrepreneurs en biotech, les cultiver comme des perles rares.

Trop peu d'investissement privé, dont au stade précoce

Il y a aussi trop peu d'investissement au stade précoce, par exemple pour les doctorants récents qui ont des idées plein la tête. Ou pour des travailleurs du milieu avec beaucoup d'expérience qui savent la direction du marché et de l'innovation et connaissent les enjeux stratégiques.

On en parle aux nouvelles (à lire absolument)

Un article récent dans les Affaires par BioQuébec discute du financement et je laisse parler l'article qui est par ailleurs excellent:

"L’Association [BioQuébec] qui représente environ 235 organisations de l’industrie des biotechnologies et des sciences de la vie veut ramener les pendules à l’heure alors que le gouvernement mène des consultations de mi-parcours concernant la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI2) lancée en 2022, et qui s’échelonne jusqu’en 2027.
«Les programmes qui émanent de la SQRI2 ne sont pas adaptés à notre domaine, affirme en entrevue le PDG de BIOQuébec, Benoit Larose. On n’arrive pas à faire sortir les innovations des laboratoires."

Pour citer un autre passage excellent tiré de l'article:

Benoit Larose reproche notamment le temps en paperasserie qui accapare les entrepreneurs pour obtenir de l’aide, les délais d’attente pour l’examen des dossiers et le fait que les montants sont souvent trop faibles pour aller une fois pour toutes de l’avant

En en particulier ceci:

Vincent Ménard, chef de la direction financière de la biopharmaceutique Feldan, croit aussi que des allégements pour les investisseurs sont cruciaux, surtout pour ce qu’il appelle «la vallée de la mort». Cette période correspond aux premiers essais concernant l’efficacité de la solution et sa toxicité, réalisés notamment sur des animaux. «On ne cracherait pas sur plus de programmes d’aide durant la vallée de la mort, mais ce n’est pas une solution durable à long terme, déclare-t-il. Il faut créer un écosystème autosuffisant avec des investisseurs.»

Pour revenir au propos, parlons un peu des ESTICI.

L'Écosystème Structurant de la Transformation Innovante, Collaborative et Intégrée (ESTICI)

Ne cherchez pas l'élusif ESTICI, cet acronyme est un néologisme absurde digne des douzes travaux d'Astérix pour illustrer le propos. Celui des différents organismes, d'OSBL qui forment l'écosystème de l'innovation.

Ici, on veut consolider les stratégies en thérapies innovantes, on souhaire accélérer le développement, transférer l'innovation, on fait de l'accompagnement, on souhaite avoir un impact social, on incube des startups. Là on valorise la recherche multidisciplinaire multipartite collaborative. C'est ça, l'écosystème innovant.

Voici un extrait vidéo marrant tiré de Trois mille milliards : les secrets d'un État en faillite pour étayer le sujet.

Des Solutions qui Tardent

Les solutions possibles sont assez simples vu le diagnostic. Ça prend beaucoup plus d'investissement privé pour les Startups avec des entrepreneurs motivés. Il faut cultiver l'entrepreneurship et élaguer les voeux pieux.

L'effort investi pourrrait être redirigé vers des oeuvres innovantes utiles. D'autres mesures sont enviseagables (voir l'article mentionné), comme trouver des approches de soutien à l'innovation alignés aux SR&D.

Il y a bien des façons. Cet article se veut un diagnostic avant d'être la cure, qu'on recherche mal et dont le diagnostic date. Il semble qu'au Québec on tarde à se faire confiance.

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