L’amélioration de l’éclairage au poste de travail : un enjeu pour le bien être des salariés.

Mots clés : Eclairage, conditions de travail, démarche participative, abattoir, bien-être animal

Problématique et objectifs

La lumière influence non seulement la vue mais aussi l’activité, les processus physiologiques et le psychisme ; la lumière joue donc un rôle important pour le bien-être et la motivation. Des études ont montré que 80% des impressions sensorielles sont de nature optique [1]. Dès lors, un mauvais éclairage peut conduire à une fatigue visuelle altérant, par conséquent, la qualité du travail fourni. D’autre part, un mauvais ou un faible éclairage peut augmenter le risque d’accident. Ces notions sont abordées depuis 1984 dans le code du travail [2] fixant une réglementation en matière d’éclairage en fonction du lieu et de l’activité. Celle-ci préconise un éclairement minimum de 200 lux au poste de travail dans les locaux dits aveugles. De plus, de récentes études mettent en évidence l’incidence sur la santé des lumières enrichies en spectres bleus [3] et [4].

Dans un environnement aussi singulier qu’un site d’abattage et de découpe de volailles, où les animaux arrivent vivants, il est nécessaire de considérer conjointement les réglementations s’appliquant aux salariés et aux animaux. Allier le confort des opérateurs et le bien-être animal a amené à mettre en place une démarche d’amélioration des conditions de travail permettant de s’adapter à l’ensemble de ces contraintes. En plus de l’enjeu humain, ce projet vise, également, une amélioration de la qualité du produit.

 

Démarche

En vue de répondre à cet objectif, la méthode utilisée a été celle d’une évaluation des risques qui peut être définie en quatre étapes :

  • L’analyse du contexte
  • Analyse de l’état initial
  • Etude du projet
  • Analyse de l’état final

La SNV faisant partie d’un groupe possédant une quinzaine de sites d’abattage de poulets, un sondage a été réalisé afin de dresser un panorama sur les systèmes d’éclairage des cages d’accrochage. L’étude a été réalisée en prospectant plusieurs sites du groupe en vue de connaître les technologies disponibles et maitrisées par le groupe. Cette étude a permis d’envisager différentes solutions. D’autre part afin d’évaluer rigoureusement l’efficacité de la solution mise en place des observations qualitative et quantitative ont été réalisées avant et après travaux 

L’analyse quantitative s’est faite par des  mesures qui  nous ont aidés à déterminer les réaménagements de manière à respecter la réglementation et les normes applicables dans les différentes zones. L’appareil utilisé pour réaliser les mesures d’éclairement au poste est un multimètre « 5 in 1 auto ranging digital multimeter » (elix LX-8209).

Une étude du ressenti auprès des  salariés et intérimaires ayant une ancienneté au poste d’au moins 6 mois, a permis de faire une analyse qualitative de l’éclairage de la zone. Un questionnaire a été établi à partir de l’outil Sobane [5], afin de déterminer le ressenti des salariés vis-à-vis de la lumière. La collecte des réponses du questionnaire s’est déroulée, durant le temps de travail, sous forme d’entretien individuel avec les opérateurs et de manière anonyme. Cela en vue d’avoir un maximum de retour et donc d’informations.

 

L’analyse coûts/bénéfices faite après avoir déterminé le nombre de luminaires nécessaire au bon éclairement de la zone, permet d’appuyer le passage en tubes LED d’un point de vue économique et environnemental.

La dernière étape, avant la réalisation des travaux d’améliorations, est la phase de validation du projet par les différentes parties prenantes.

Résultats / discussion

Sur les neuf sites interrogés :

Huit utilisent une lumière bleue afin de respecter les prescriptions du bien-être animal.

Seul, un abattoir anesthésie les poulets avant leur arrivée en zone d’accrochage par une méthode d’étourdissement par atmosphère modifiée. Cette méthode permet d’étourdir les poulets avant de les positionner sur la chaine d’abattage. Ainsi, les animaux arrivent inconscients dans la cage d’accrochage. L’éclairage de la zone d’accrochage peut donc être blanc et à 200 lux comme le prescrit le code du travail [2]. Cela évite aux opérateurs de travailler en atmosphère sombre et favorise la resynchronisation du rythme circadien. Cependant, la mise en place d’un tel système de gazage implique de nombreuses modifications sur la ligne et dans le bâtiment du fait de l’installation d’une cellule de gazage. De plus, la mise en place de ce système amènerait de nouveaux risques dans l’atelier du fait de la présence de gaz. Il est donc recommandé d’étudier les nouveaux risques induits par le dispositif de manière à déterminer lesquels sont les plus acceptables.

Au sein du site de Laval utilisant la lumière bleue, l’évolution de l’éclairage de la zone d’accrochage a été mise en évidence  par la réalisation de deux campagnes de mesures réalisées respectivement avant et après travaux. Dans cette zone, à l’état initial avant travaux, le manque d’homogénéité est très marquant. En effet,  une zone éclairée à 200 lux est entourée par 2 zones ayant, respectivement de gauche à droite, un éclairement de 95 et de 43 lux (cf. figure 1). Ce phénomène favorise la survenue de la fatigue visuelle et, donc, les symptômes qui en découlent. De plus, les luminaires se situent devant les salariés. Cela peut entrainer une gêne par éblouissement direct pour les opérateurs. En conséquence, le risque de griffures ou de piqûres augmente du fait de la difficulté à voir les crochets servant à positionner les poulets sur la chaine d’accrochage.

Au vue des activités réalisées dans la zone et des résultats obtenus lors des observations avant travaux, il a été décidé de mettre en place un double système d’éclairage permettant de répondre aux différentes réglementations applicables dans la zone. Ainsi des tubes Led à lumière bleue ont été positionnés derrière les opérateurs pour la phase de production et les caches peints en bleu ont été remplacés par des caches transparents pour les phases de travail hors production (cf. figure 2).

Comme le montre la figure 2, l’éclairage blanc utilisé en phase hors production a permis de respecter les 200 lux minimum prescrit par le code du travail ; mais également, une avancée significative en matière de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail. En effet, lors des interventions en dehors de la phase de production, l’opérateur a une meilleure visibilité dans la zone. Cela entraine la diminution du risque d’accident et limite l’apparition de la fatigue visuelle, tout en améliorant la qualité du travail dans la zone.

L’ambiance générale (bruit, empoussièrement, cadence de travail, …) dans les  ateliers n’a pas permis d’isoler un ou plusieurs symptômes spécifiques à l’éclairage pouvant servir d’indicateurs de suivi. Toutefois, le questionnaire a donné un caractère participatif à la démarche permettant, néanmoins, d’évaluer les améliorations perçues par les opérateurs. Ainsi, cette étude a mis en évidence différents points. Tout d’abord, dans les zones de référence, les salariés se sont facilement adaptés au changement d’éclairage de leur zone de travail. Ils ont jugé, également, l’éclairage LED moins agressif que l’éclairage par néon. Dans la zone Volailles Entière, alors que la cartographie met en évidence un défaut d’éclairage, les opérateurs sont dans l’ensemble satisfaits de l’éclairage en place. Cela montre qu’ils se sont habitués à travailler dans ces conditions. L’étude réalisée en zone d’accrochage a mis en évidence l’importance portée par les salariés à l’agitation des poulets en phase de production. En effet, bien que les travaux aient diminué l’éclairement de la zone durant cette phase, l’étude montre un ressenti positif de la part des salariés. Et, à la question : « en quoi ce changement a-t-il été bénéfique ? », toutes les personnes ont souligné le fait que les poulets étaient plus calmes donc plus faciles à manipuler. Durant la phase de travail hors production, le questionnaire a fait ressortir les avantages de la lumière blanche sur la qualité du travail effectué du fait d’une meilleure visibilité dans la zone.

Conclusion

Dans un contexte où le code du travail et la réglementation du bien-être animal se doivent de cohabiter, la démarche initiée au travers de ce projet a mis en exergue les contradictions existantes entre ces deux textes. Néanmoins, le réaménagement de l’éclairage de la cage d’accrochage a permis de rendre ce dernier plus adapté aux différentes phases de travail. Lors du déploiement de la démarche dans l’entreprise, la place occupée par l’homme face à celle du produit est apparue clairement. Effectivement, les résultats obtenus ont apporté une réponse positive aux enjeux de l’entreprise : les modifications de l’éclairage ont permis de réduire le stress des poulets améliorant, par conséquent, la qualité de la viande. Il est important de noter que cela a permis toutefois de rendre l’éclairage de cette zone moins gênant pour les opérateurs. Du point de vue de l’Hygiéniste des améliorations demeurent encore possibles, essentiellement, en phase de production. Comme l’a montré l’étude, des conditions de travail contraignantes subsistent pour les accrocheurs ; leur travail s’effectuant en atmosphère sombre et encore poussiéreuse. L’aspect sombre ne pouvant être améliorée en l’état actuel des connaissances techniques. Pour protéger ces opérateurs, l’entreprise doit explorer d’autres pistes de prévention. Ainsi, la mise en place de rotation au poste peut être envisagée, tout comme un travail sur l’aspiration des poussières de la zone.

Bibliographie

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