L'analyse de l'activité chez les sapeurs-pompiers

L'analyse de l'activité, une définition?

L'analyse de l'activité apparaît dans le RNAC du concepteur de formation lors de la sortie des textes sur la filière du développement des compétences en 2017. Cette inscription dans nos référentiels est certainement liée aux travaux de Jean-Charles GILCART dans le SDIS 91. Avant de se questionner sur les possibilités que cela nous offre pour nos formations, il est nécessaire de s’entendre sur la définition de l’activité. Pour les ergonomes et les didacticiens, il y a une distinction fondamentale à faire entre la tâche (ce qui est prescrit et défini dans les guides et différentes notes opérationnelles) et l’activité (ce que l’on est amené à faire sur le terrain opérationnel). Bien sûr, la connaissance et l’application des méthodologies opérationnelles sont le préalable à l’exercice du métier. Pour autant, avec l’expérience, les acteurs de terrain sont amenés à faire un peu plus, à faire autrement que ce qui est prescrit. Ils s’adaptent…

L’analyse de l’activité s’intéresse aux écarts entre ce qui est de l’ordre du prescrit et ce qui est de l’ordre du réel. Cela permet de repérer les nœuds du raisonnement qui organisent les actions et les stratégies déployées par les professionnels pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Il s'agit bien de la seconde activité qui est décrite dans le référentiel de compétence du concepteur de formation ; la première étant la supervision des formateurs centrée, elle, sur la relation formateur-formé.

A quoi cela sert de faire de l'analyse de l'activité en plus du référentiel d'activités et de compétences ?

La première raison, c’est que, dans nos conceptions du travail, l’activité reste bien souvent l’activité attendue et non l’activité réelle. L’analyse de l’activité vient donc en complément des référentiels nationaux d’activités et de compétences.

Mais il y a une seconde raison : dans nos conceptions de la compétence, la variété des situations de travail est souvent insuffisamment prise en compte. Ainsi, l’analyse de l’activité vient véritablement connecter la compétence avec les situations de travail. Une compétence n’est compétence que si elle permet de faire face à un ensemble de situations professionnelles toujours plus complexes.

Quelles sont les méthodologies pour analyser l'activité ?

Il est possible de s'appuyer sur trois entrées pour faire de l’analyse de l’activité pour améliorer nos formations.

La première consiste à identifier les situations emblématiques du métier auxquelles est confronté le professionnel dans le cadre de son activité. Pour le concepteur, il y a là un travail d'analyse du référentiel métier qui peut être abordé sur un mode collectif. Des réunions et des entretiens avec des professionnels expérimentés aux prises avec l’activité concernée seront alors nécessaires. Cela permet de sélectionner les situations qui imposent à faire des choix importants. Le SDIS 44 a élaboré un guide méthodologique pour aider les concepteurs à créer et animer des situations d'apprentissage à partir du référentiel. La démarche est illustrée par un fil conducteur : une mise en situation pour les sous-officiers de garde.

La seconde entrée est celle de l’analyse de l’activité réelle. Cette méthodologie est celle utilisée par Jean-Charles GILCART dans ses travaux sur l’analyse de l’activité de chef d’agrès tout-engin. Ces travaux sont disponibles au CRD de l’ENSOSP :

Deux autres analyses de l’activité réelle ont été réalisées sur la conduite opérationnelle : chez les sapeurs-pompiers par le SDIS 38 (Didier FERRAND/Pierre PARAGE) et chez les ambulanciers privés par Vincent LETESSIER (SSSM de l’ENSOSP).

Enfin si les conditions pour réunir l’analyse de l’activité réelle sont difficiles à rassembler, une troisième entrée est possible, celle de l’analyse de l’activité en situation de simulation. Cela signifie que l’on utilise les simulateurs à notre disposition pour comprendre l’activité réelle. Il s’agit de la méthodologie utilisée dans mon mémoire sur l'analyse de l'activité des conseillers techniques en risque technologique. Ce travail est disponible également au CRD de l'ENSOSP :

Que se passe-t-il concrètement une fois l'activité analysée ?

Cela permet surtout de penser la formation professionnelle dans son ensemble. C’est-à-dire que cela nous permet d’identifier ce qui fait problème dans la situation et de débattre des stratégies à mener. Cela revient à caractériser ce que nous appelons généralement la situation simple ou normale, compliquée ou dérivée, complexe ou encore dégradée.

Le recensement des situations de travail qui présente un potentiel de développement de compétence est également un enjeu du dispositif AFEST.

Nous pouvons ainsi à partir de cette analyse concevoir les dispositifs de formation pour les formations initiales mais aussi pour la formation continue. Les situations d’apprentissage permettent le développement des compétences et viennent ainsi compléter les dispositifs principalement destinés au maintien des acquis.

L’analyse de l’activité génère également un débat sur les règles du métier à travers la conception du dispositif de formation. Cela contribue à rapprocher fortement la formation et l’activité opérationnelle.

Les analyses sont-elles mutualisables et exploitables entre SDIS ?

 L’enjeu de l’analyse de l’activité se situe dans la mutualisation des travaux. C’est une démarche qui prend du temps mais la situation d’apprentissage, conçue à partir de l’analyse, est transférable d’un SDIS à l’autre. Cela nécessite toutefois de suivre une formation pour comprendre les principes de cette approche.