L'assurance 3.0 - Episode #1: l'assurance et les jeunes, la grande incompréhension
« Complexe », « plate », « pas innovant », le monde de l’assurance… C’est ce que pense la plupart des milléniums de notre industrie. Que l'on parle du Québec ou de la France, la situation est visiblement semblable.
Alors que l’assurance est en pleine transformation numérique, comment faire pour attirer les talents dont elle a besoin ? Comment changer leur opinion et leur faire découvrir le nouveau visage de l’assurance?
Intriguée par ce sujet, j'ai réalisé une enquête ("L'assurance 3.0"). En voici le premier "épisode". Il se concentre sur les difficultés des assureurs et la perception des jeunes.
Un grand merci à tous les "témoins" et tous ceux qui m'ont aidé à réaliser cette série.
Allons-y: chaussons des "lunettes de jeunes" pour comprendre la situation de départ.
1) C’est grave docteur ?
- 18ème sur 30… Il s’agit de la (faible) popularité de l’assurance aux yeux des 211 000 étudiants en école de commerce dans le monde, interrogés sur leurs secteurs préférés. [1]
- Au Canada, les jeunes de 17 à 32 ans dans l’industrie de l’assurance dommages représentaient par exemple 27% des effectifs en 2012 (ce qui correspond à la structure d’âge de la population active). Mais le recrutement est perçu comme «quelque peu difficile»[2].
- En France, d’après le Rapport de l’Observatoire sur les Métiers des salariés de l'Assurance (Roma), « le nombre de salariés de moins de 30 ans poursuit une lente reprise (+0,4%), amorcée en 2014 ». Malgré cela, la génération Z représente (seulement) 14,3% des effectifs totaux.
- "Globalement, chez Desjardins, nous avons plutôt la chance d’avoir une attractivité certaine auprès des jeunes. A titre d’exemple, nous figurons en 2017 parmi les Canada's Top Family-Friendly Employers» nous précise Henri Dolino, Directeur principal, Innovation et stratégie numérique, Mouvement Desjardins.
«Nous rencontrons une double difficulté pour trouver les "bons" talents, au sens des talents "adéquats":
· d’une part, une difficulté à définir nous-mêmes précisément les nouveaux postes alors que nous sommes en train de transformer les métiers et modèles d’affaires,
· et d’autre part, la difficulté de la part des jeunes à imaginer ces postes dans la banque-assurance. »
2) Un secteur peu « sexy » aux yeux de la génération Z:
D’un côté comme de l’autre de l’Océan Atlantique, le constat est le même: les étudiants ont une image négative, voire « jaunie » de l’assurance. Ils n’imaginent ni le fonctionnement actuel ni la variété des métiers.
- Marie-José Beaudin, Directrice exécutive en charge du Centre de carrière, à la Faculté de Management Desautels, de l’université McGill à Montréal en sait quelque chose puisqu’elle s’occupe de plus de 3000 étudiants en tout (bacheliers comme MBA). Pour les bacheliers, la notion d’assurance est liée au degré d’exposition du jeune à cette industrie : sa connaissance va se limiter à l’assurance auto-habitation et vie. Le jeune ne fait pas la différence entre assurance vie et assurance dommages.
« Mais il se dit: "ce n’est pas pour moi – il n’y a pas d’attrait."
C’est un peu différent si le jeune suit un programme en finance. L’étudiant voit ce que sont les asset management ».
Constat identique -on imagine- si le jeune suit des études d'actuariat.
- Même analyse d’Alexandre Stopnicki, Directeur pédagogique des MBA Marketing et Commerce sur Internet (MCI) à l'Institut Léonard de Vinci à La Défense (France) :
« L’image de l’assurance dans la tête des jeunes est teintée de leur propre expérience client du secteur… C’est un peu comme les garagistes, on n’a pas forcément confiance a priori ! ».
- De plus, l’assureur n’a rien de digital dans leur esprit: c'est l’administration dans toute sa splendeur... ou encore le représentant des ventes faisant du porte à porte!
- « Un assureur, c’est quelqu'un derrière un bureau qui gère des dossiers, et qui reçoit plein de mails et de lettres. » s'imaginait Quentin Berson, 23 ans, diplômé du MBA MCI. Au-delà, l’assurance incarnait à ses yeux des process longs et compliqués, qui ne permettent même pas d’indemniser le client in fine…
- Pour Daisy Dedeian, 27 ans, candidate au MBA à la faculté de gestion de McGill, la perception de l'assureur était la même il y a quelques temps :
« Un assureur, je ne trouvais pas ça cool : j’imaginais des salariés, plutôt seniors, qui lisent des journaux ».
3) Travailler dans l’assurance, un rêve d’enfant ?
- Marie-José Beaudin plante le décor:
« Les jeunes ne pensent pas l’assurance. Point. »
- Travailler chez un assureur n’était effectivement pas envisageable pour Quentin lorsqu'il était étudiant. « Pour moi, assurance rime avec grosse structure et je souhaitais travailler dans une petite structure, type start-up. ». Quentin est aujourd’hui Growth Hacker chez Bnbsitter.
- Revenons à Daisy : cette dernière a été recrutée par MetLife en audit interne, il y a 2 ans. Sa première réaction a été: « Oh non, surtout pas un assureur ! Les gens qui travaillent d’habitude dans cette industrie, cherchent la stabilité, et non un challenge ».
.... Rassurez-vous, elle a changé d’avis depuis (à suivre dans les futurs épisodes de cette série)!
- Et oui, car « les Z » aspirent à plus de flexibilité, liberté, à s’investir dans des projets ayant du sens pour eux. Ils sont ainsi nombreux à vouloir se lancer dans l’entrepreneuriat. Si la dimension internationale d’une entreprise peut les séduire, ils écoutent leur réseau avant de se décider, apprécient les structures agiles, les milieux inspirants et innovants. On en déduit qu’être un assureur de premier plan ne suffit plus pour attirer les talents.
A l’évidence, l’assurance reste bien souvent un second choix plutôt qu’une vocation. Bon, je l’avoue : moi-même, je n’ai jamais rêvé de devenir « assureur » quand j’étais jeune ; ) Et pourtant, un nombre certain d'années après mes premiers pas dans cette industrie, je trouve les perspectives de ce secteur passionnantes, et milite pour convaincre les jeunes de nous rejoindre dans cette aventure!
Episode 2 à venir dans quelques jours...
N'hésitez pas à me faire part de votre propre expérience ou de votre vision.
[1] D’après une enquête menée par le cabinet Deloitte en 2016
[2] D'après "Une analyse démographique de l’industrie de l’assurance de dommages au Canada" de l'Institut d'assurance
Merci Anne Lise. Super article! J'ai hâte de lire la suite. Effectivement, l'assurance ne semble pas très attirante pour les jeunes. Moi même, qui était encore considérée comme moyennement jeune quand j'y ai continué ma carrière, ne pensais pas y trouver mon compte. Pourtant, il y a vraiment d'extraordinaires défis à relever dans cette industrie qui, plus que jamais, doit se renouveller et innover.
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7 ansExcellent excellent, Anne-Lise !! Et tellement vrai. C'est sûr qu'assureur, ça ne fait pas rêver les jeunes. Ça ne fait pas rêver grand monde, d'ailleurs, quel que soit l'âge. Malheureusement ... Les assureurs gagneraient à démontrer leur utilité au quotidien, au service des personnes, les clients et leurs proches, et à mieux communiquer sur leur transformation digitale. On aurait alors sûrement plus de chance de voir se modifier l'image de l'industrie, de poussiéreuse et près de ses sous, à modernisée et dédiée au bien-être des personnes. Vivement le 2è épisode !! See ya !!
Expert en Innovation & Expérimentation 🤸| Test & Learn Leader chez BNP Paribas 🚀
7 anssuper article. La désaffection de l'assurance ne me semble pas une nouveauté. Quelque soit la génération, la fonction de l'assureur n'est pas bien comprise. Pour beaucoup de personnes, l'assureur empoche des primes pour des assurances obligatoires et le jour où il y a un pépin, celui-ci fait tout pour s'esquiver. Ajoutons à cela que la transformation digitale de l'assurance avait du retard d'où l'impression de métier poussiéreux. Le changement est en cours.