Le 2.0 m’a tuer ?
Société 2.0 ...
C’est l’un des effets les plus spectaculaires de la révolution digitale : certains l’appellent ubérisation, d’autres économie collaborative, d’autres encore économie de plate-forme. De quoi s’agit-il ? D’une nouvelle manière de tisser des liens économiques et sociaux, qui s’étend sans cesse à de nouveaux secteurs, à de nouvelles professions, au point qu’après le web 2.0 et les entreprises 2.0, on peut désormais parler de société 2.0. Les raisons de cette transformation sont multiples : d’un côté, des innovations technologiques en continu accéléré dans le domaine de la communication, de la mobilité, de l’intelligence artificielle, du big data et des algorithmes, ... de l’autre une quête sans fin d’immédiateté, de simplicité, d’ubiquité, d’économies, de mise en réseau permanente, d’expérience et de sens aussi. Les deux réunis engendrent une mutation irréversible des usages qui finit par chambouler totalement l’ensemble des activités humaines.
Demain tous ubérisés ?
La liste des professions qui ont partiellement ou totalement basculé dans le 2.0 est déjà longue : la distribution, petite ou grande, généraliste ou spécialisée, avec la multiplication de plateformes d'e-commerce (Amazon, Alibaba, eBay, ...) et des applications de comparaisons de prix (Prixing, ...) ; les métiers du voyage et de l’hôtellerie, avec les plateformes de réservation (Booking, Expedia, …) et de location entre particuliers (AirBnB, …) ; les transports et la logistique (Uber, BlaBlaCar, Didi Chuxing, …) ; les médias concurrencés par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, …) ; la banque et la finance, challengées par les fintechs et les nouveaux services de crowdfunding et de crowdlending (Unilend, ...) ; l’industrie culturelle (Amazon, Deezer, Spotify, …) ; l’immobilier (LeBonCoin, …) ; les ressources humaines (LinkedIn, …), etc.
Pour les autres, la question n’est pas tant de savoir si la mutation va se produire, mais plutôt quand et comment, dans la mesure où toute activité semble potentiellement « ubérisable », y compris les plus invraisemblables. Les métiers de la connaissance, par exemple, sont à leur tour concernés : qui aurait pu penser par exemple que des institutions comme l’Encyclopedia Britannica se feraient détrôner en quelques années par l’encyclopédie collaborative Wikipédia ? Du bureau d’études au cabinet d’architecture, du robot qui supplée le journaliste aux professeurs dont les cours pourraient devenir de simples morceaux dans des playlists de MOOC, et même aux laboratoires de recherche dans le cadre de l’open innovation, il n’y a pas en la matière de secteur épargné. Cela ne se limite d’ailleurs pas aux services marchands, puisque des plateformes proposent des mises en relation entre particuliers pour des services de voisinage (Allovoisin, ...) et qu’un service public aussi sérieux que la police se trouve dans de nombreux pays autour du globe doublé par des communautés de « crime stoppers ».
La révolution par l’usage
Au-delà du simple constat d’un bouleversement de l’économie et des relations sociales, le développement de la société 2.0 apporte de multiples bénéfices, qui agissent comme des moteurs puissants. L’un de ces bénéfices voulu est celui de la bonne affaire (payer moins cher un service, rentabiliser un voyage, dégager de nouvelles sources de revenus), voire de la gratuité que proposent souvent les plateformes selon le principe que « le produit est l’utilisateur ». Un autre bénéfice est un service optimisé, plus efficace, plus simple, plus convivial, symbolisé par le succès des VTC face aux taxis traditionnels. Un autre réside dans une aspiration à la latéralité, à la transversalité, dans le cadre de communautés de pairs réunies dans un esprit collaboratif, des communautés de relations directes sans intermédiaires, où la valeur et la crédibilité sont établies selon un système de cotation de chacun par tous les autres. Plus les autres bénéfices à créer et à découvrir.
La régulation en question
Des effets positifs qui n’empêchent pas de vifs débats sur la société en gestation, en raison principalement des risques qui pèsent sur les emplois et sur les revenus dans les secteurs ubérisés, du phénomène de concurrence déloyale entre les acteurs, mais aussi de la concentration des plateformes inéluctable dans un système où seuls les « gros » peuvent survivre. « Embrassez l’essaim » disait dès 1999 Kevin KELLY qui cherchait à modéliser les stratégies gagnantes dans l’univers du web. Faut-il alors laisser faire le mouvement naturel du marché en tablant sur une destruction créatrice qui générerait au bout du compte davantage de richesses ? Faut-il mettre en place un cadre juridique et réglementaire contraignant, nième ligne Maginot dans une période où les murs reviennent à la mode ? S’il n’est pas question d’entraver la révolution technologique, ni de remettre en cause le plébiscite des usagers, on peut tenter de canaliser ses conséquences. D’un point de vue économique et moral, il semble nécessaire de trouver de nouvelles régulations souples et adaptées pour ne pas subir une latéralité sauvage.
A lire aussi
Le blog de l'Executive MBA de TBS ; L'article précédent : cliquez ici
Année sabbatique
7 ansC'est toujours un réel plaisir de lire des articles ou des livres de Jacques Digout !
Responsable Projet Transformation Digitale
7 ansBeau tour d'horizon avec en plus des références (Kevin Kelly) qui me ramène 18 ans en arrière quelque part entre le Pôle Tic et Toolbook ;)