Le barème Macron, bien que jugé conventionnel, peut être écarté en cas d’atteinte disproportionnée aux droits du salarié

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Cour d’Appel de Reims, chambre sociale, 25 septembre 2019, n°19/00003 

Pour rappel, l’article L1235-3 du Code du travail issu des « ordonnances Macron » instaure un barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.

Bien que ce plafonnement reste contesté par plusieurs conseils de prud’hommes depuis des mois, la Cour d’Appel de Reims était considérée comme la première juridiction du second degré à être saisie. Autant dire qu’elle était attendue, a fortiori après les deux avis rendus récemment par la Cour de cassation validant le barème Macron (Cass. Avis 17 juillet 2019 n°19-70010 et n°19-70011) !

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour motif économique. L’employeur n’ayant pas énoncé clairement les raisons de son licenciement, la salariée a alors introduit une action devant la juridiction prud’homale pour faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle sollicitait à ce titre une indemnité en demandant que soit écarté pour inconventionnalité le barème « Macron ».

Le Conseil des prud’hommes de Troyes lui a donné raison et, jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a écarté l’application dudit barème qu’il a estimé non conforme à la Charte sociale européenne et la Convention n°158 de l’organisation internationale du travail (OIT), lesquels prévoient le droit à une « indemnité adéquate » ou tout autre « réparation appropriée ».

Un appel était interjeté et par un arrêt du 25 septembre 2019, la Cour d’Appel de Reims a infirmé ce jugement.

A ce titre, elle a estimé que, in abstracto, le plafonnement des indemnités prud’homales n’était pas en lui-même contraire aux textes internationaux.

Toutefois, elle admet que le barème, bien que jugé conventionnel, puisse être écarté par le juge lors d’un contrôle in concreto au cas par cas, si son application porte une atteinte disproportionnée aux droits du salarié.

Elle précise enfin que le juge du fond ne peut pas d’office réaliser ce contrôle de proportionnalité qui pourrait permettre d’écarter le barème ; celui-ci doit être demandé par le salarié, ce qui n’était pas le cas d’espèce.

Ainsi, la salariée n’ayant sollicité aucun contrôle de sa situation personnelle, les juges d’appel ont décidé que le barème devait s’appliquer.

En d’autres termes, on mélange les cartes et on redistribue… les mêmes cartes. Il ne fait en effet nul doute que les salariés vont s’engouffrer dans cette brèche et que, très rapidement, les juridictions vont retrouver une liberté assez large leur permettant de sortir sans trop de difficulté du barème.

Reste à la Cour de cassation qui sera très certainement saisie après cet arrêt d’appel de trancher définitivement le débat et de mettre un terme à un épisode judiciaire tellement français.

NB : Dans un arrêt du 18 septembre 2019 dont nous venons également de prendre connaissance, la Cour d’appel de Paris va dans le même sens :

« En l'espèce, la cour estimant que la réparation à hauteur des deux mois prévus par le barème constitue une réparation du préjudice adéquate et appropriée à la situation d'espèce, il n'y a pas lieu de déroger au barème réglementaire et de considérer le dit barème contraire aux conventions précitées. »

 

 


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