Le big bang éducatif
Il faudrait donc un big bang de l’autorité pour remettre la jeunesse de France dans le droit chemin?
Stephen Hawking s’intéressait, comme tous les éducateurs, à ce qui s’est passé juste après le Big Bang avec l’apparition de trous noirs, cette zone de l’espace dans laquelle la gravité est si forte que même la lumière ne peut s’en échapper. Au sein du trou noir, la gravité, l’espace et le temps ne fonctionnent plus correctement.
Quel est ce trou noir dont on nous menace?
Voici (re)venir le temps d’une éducation punitive fondée sur le refus de l’autre, sur l’absence de dialogue, sur la remise en cause du vivre ensemble. Relisons les manuels scolaires de l’Allemagne nazie, de l’Italie fasciste ou de la France de Vichy pour prendre la mesure des transformations qui s’annoncent. L’éducation est rendue coupable de ses manquements alors qu’elle n’est que le reflet des manquements de la société qu’elle doit servir et de son absence de vision. Le philosophe catalan, Josep Maria Esquirol, écrit que les institutions éducatives ne sont pas au service de la société mais doivent permettre de la configurer.
Un jeune garçon est victime d’un règlement de comptes devant un collège: la réponse éducative serait le “sursaut d’autorité” et non pas la consolidation des apprentissages collaboratifs seuls capables dans la durée d'endiguer la violence. Partout - Au Royaume-Uni, en Espagne, en France, les associations de quartiers qui travaillent au quotidien avec succès pour permettre aux jeunes d’où qu’ils viennent de s’inventer un avenir sont les premières victimes du débat politique et des reports des décisions budgétaires qui accompagnent l’incertitude politique. Quelles villes, quels quartiers voulons nous?
Le retour des extrêmes en Europe opère simultanément un recul de la promesse éducative. Ces extrêmes sont les porteuses de la violence qu'elles s’empressent de condamner et leur mots se font déjà entendre dans les conversations et les opinions que nous partageons.
Une jeune fille de 12 ans est violée par des adolescents de 12 et 13 ans “parce qu’elle est juive”. Ce fait divers selon le journal le Monde “suscite une vive émotion de la communauté juive et une condamnation unanime de la classe politique.” Seule la communauté juive – et pas la communauté nationale - serait donc “vivement émue”? La condamnation unanime de la classe politique est-elle la même que celle (non) exprimée lors des viols et mutilations sexuelles commises par les terroristes du Hamas le 7 octobre dont la propagande est indissociable des violences sexuelles? Quel regard portons nous sur notre éducation et nos manquements individuels et collectifs?
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Quand le racisme, l’antisémitisme, le néocolonialisme se réinstallent dans nos écoles, dans nos entreprises, dans nos administrations, faut-il abandonner la mission d’éduquer? Faut-il la confier à des apprentis sorciers pour qui l’éducation n’est qu’une arme politique destinée à éteindre les esprits?
Les élections françaises au pays inventeur des Lumières, les élections anglaises au pays fondateur de l’état de droit ne doivent pas avoir pour but de sanctionner des hommes et femmes politiques qui auraient échoués dans leurs démarches.
Ces élections doivent décider de notre entrée dans un trou noir.
Seul un big bang éducatif peut l’empêcher. Il ne tient pas qu’au vote mais il commence par le vote. Le capitaine de l’équipe de France de football – Kilian Mbappé - le résumait ainsi: “les extrêmes sont aux portes du pouvoir et on a l'opportunité de changer cela. Je sais que beaucoup de jeunes se disent qu'une voix ne va rien changer, au contraire, chaque voix compte.” À ceux qui lui ont opposé “joue (mieux) au foot d’abord!” nous devrions répondre que chaque citoyen peut (encore) exprimer par le vote ses préférences individuelles et collectives. C’est le coeur de l’éducation civique. Allons-nous renoncer à notre droit à une éducation de qualité pour tous?
Eugène Ionesco, citoyen français binational, écrivait devant la menace des rhinocéros qui nous entourent de tous côtés: “Eh bien tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! Contre tout le monde, je me défendrai, contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !
Défendons nous! Allons voter en pensant à l’éducation que nous souhaitons. Elle fera le pays dont nous rêvons.