Le Black Friday se met au Green.
Vous n'êtes pas sans savoir que le Black Friday fera son grand retour aux États-Unis dans quelques jours. Côté Hexagone, ce qui devait n'être que l'opération d'un jour est devenue celle d'une semaine : depuis ce matin les grands acteurs du e-commerce ont déclaré ouverte la Black Friday Week.
Le Day est donc devenu la Week, au plus grand plaisir de la moitié des Français.* Mais si la prolongation fait l'engouement des uns, elle fait aussi le désespoir des autres.
D'abord, celui de l'autre moitié des Français qui y voit davantage un intérêt marketing pour les marques et une incitation à la dépense. Même son de cloche chez les 25% des Français qui vont jusqu'à qualifier l'opération "d'arnaque".
Ensuite, le désespoir de tous ceux qui combattent le mouvement depuis plusieurs années. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Quelles alternatives mettent-ils en place ? Je vous propose de faire un tour d'horizon de ces initiatives qui tentent de faire face au Black Friday.
La remise en cause du Black Friday.
Ce n'est pas une surprise, c'est avant tout l'appel à la consommation qui est remis en cause. L'hyperconsommation, même.
Les bonnes affaires sont communiquées à coup de matraquage publicitaire : mails, SMS et affichage agressifs font monter une envie immodérée et insatiable chez les consommateurs. La frontière entre l'envie et le besoin devient alors moins perceptible et le jugement que l'on en fait s'obscurcit davantage. Dès lors, la voie est ouverte à l'irrationnel.
Irrationnel en ce qui concerne la consommation - elle ne répond plus à un véritable besoin, mais est plutôt motivée par la pulsion - mais aussi dans le comportement que le consommateur adopte : scènes de cohue, dérapages et débordements deviennent monnaie courante lors du Black Friday. En 2008, l'acharnement était tel qu'un employé de Wal-Mart en avait perdu la vie après avoir été écrasé par la foule alors qu'il venait d'ouvrir la porte de son commerce.
Si cette scène tragique a eu lieu aux États-Unis, berceau du Black Friday, n'oublions pas que la France n'est pas en reste en terme de comportement irrationnel face aux opérations commerciales. Nous nous souviendrons longtemps des émeutes provoquées par des pots de Nutella à bas prix, pas plus tard que cette année.
Au-delà de la consommation déraisonnable, la surproduction est pointée du doigt par les initiatives anti-Black Friday : il faut bien produire pour pouvoir consommer. Or, la consommation de biens manufacturés demande de nombreuses ressources, souvent non renouvelables et polluantes. Il y a donc un enjeu environnemental sur la table.
Bien que moins populaire en France qu'aux États-Unis, le Black Friday reste un appel à la surconsommation et à la surproduction. Face à cette réalité, de nombreuses initiatives ont vu le jour, en France comme ailleurs.
Des alternatives qui prennent de l'ampleur.
Alternatives durables ou simple refus de participer à l'opération commerciale, ils sont de plus en plus nombreux à s'opposer au rendez-vous immanquable de la fin d'année.
En France, le réseau Envie est un acteur incontournable de l'opposition. En 2017, il est à l'initiative de la création du collectif « Green Friday » : une alternative à la consommation déraisonnable et aux achats dictés par la logique promotionnelle.
Rejoint par Altermundi, Dreamact, le REFER (Réseau des Acteurs du Réemploi) et Ethiquable, le collectif reçoit également le soutien de la Mairie de Paris dans ses initiatives pour redorer le libre-arbitre du consommateur.
Le Green Friday a une double vocation puisqu'il agit autant du côté des entreprises que celui des citoyens.
D'une part, les entreprises et associations participant au Green Friday s'engagent à ne proposer aucune promotion à leurs clients le jour du Black Friday, et à reverser 15% de leur chiffre d'affaires de la journée à des associations oeuvrant pour une consommation responsable.
Cet engagement s'étend côté citoyen puisque les associations faisant partie du mouvement organisent des évènements de sensibilisation dans toute la France. Ainsi, il est possible de participer à des ateliers de réparation des objets du quotidien, d'en apprendre leur fonctionnement interne, ou de faire gratuitement le diagnostic de réparation de nos gros appareils électroménagers.
Si le Green Friday n'en est qu'à sa seconde édition, nul doute que les entreprises et associations participant au mouvement seront rejointes par de nombreuses autres ces prochaines années.
Car il existe un réel engouement citoyen pour la consommation responsable et la remise en cause du Black Friday.
D'abord en France, avec #SansMoi, lancé par l'association Zero Waste et repris par un millier de personnes en quelques heures seulement, mais aussi partout dans le monde avec l'essor du « Buy Nothing Day, » où les citoyens protestent contre la société de consommation et ce qu'elle entraîne. Cette journée sans achat prend place le jour-même du Black Friday pour l'Amérique du Nord, le Royaume Uni, la Finlande et la Suède, et le lendemain pour le reste de l'Europe. Une journée dont l'objectif est de rappeler les valeurs humaines fondamentales, et de promouvoir l'être plutôt que l'avoir.
La protestation prend aussi la forme du refus. Comme avec les participants du Green Friday, certaines entreprises ne s'adonnent simplement pas aux promotions : c'était par exemple le cas de Maisons du Monde, l'année dernière, qui n'avait proposé aucune promotion ou réduction lors du Black Friday.
Le site de la Camif, lui, avait tout simplement fermé le temps d'une journée en affichant le slogan « Nous ne vendons rien, vous n’achetez rien. #OnDonneTout. » Un acte de militantisme avec un certain coût, puisque cela correspondrait à 400 000 euros de chiffre d'affaires en moins sur la journée.
Côté outre-Atlantique, Patagonia avait reversé la totalité de son chiffre d'affaire réalisé lors du Black Friday 2016 à des associations environnementales : une donation à hauteur de 10 millions de dollars.
Toujours aux État-Unis, et depuis 2015, la marque de sport outdoor REI ferme ses magasins le jour du Black Friday et encourage plutôt ses consommateurs à pratiquer une activité sportive. C'est leur campagne #OptOutside. En 2015, 1.3 millions d'Américains avaient obtempéré, ils étaient 6 millions l'année suivante.
Qu'elles soient citoyennes, associatives ou qu'elles proviennent des marques elles-mêmes, de nombreuses initiatives s'élèvent contre le Black Friday, partout dans le monde. Si elles font parler d'elles à plus ou moins grande échelle, nous pouvons être certains, qu'avec les enjeux actuels, elles seront de plus en plus nombreuses au fil des ans.
Il faudra sûrement que s'écoulent de nombreuses années avant que la majorité des citoyens et des marques décident de boycotter l'opération. Surtout lorsque l'on sait que le Black Friday battrait des records d'année en année.
Peut-être même vous, souhaitiez y participer. Mais avant de vous laisser tenter par l'appel de l'achat compulsif, dîtes-vous bien que ce sont vos choix de consommateurs-acteurs qui peuvent faire pencher la balance d'un côté comme de l'autre.
Alors, plutôt Black ou plutôt Green ?
En savoir plus :
- Étude 2018 sur le Black Friday : ici
- Site officiel du Green Friday : ici
- #SansMoi de Zéro Waste : ici
- Buy Nothing Day : ici
- #OnDonneTout de Camif : ici
- 100% for the Planet de Patagonia : ici
- #OptOutside de REI : ici
* Selon l'étude Opinionway-iloveretail.fr, 1 Français sur 2 a prévu de faire des achats lors du Black Friday 2018.