Le coût caché des stéréotypes sur la santé des femmes
S’il existe des idées reçues sur la place des femmes dans le travail, celles-ci ont incontestablement un effet nuisible sur leur santé. S’il est communément admis, sans discussion, que « les femmes vivent plus longtemps que les hommes », ou bien que les femmes « exercent des métiers moins difficiles que les hommes », cette rhétorique aura notamment eu pour effet leur mise à l’écart des politiques de prévention des risques en matière de santé et de sécurité au travail.
Bien que souvent invisible, la souffrance au travail chez les femmes cependant dans la statistique. En effet, 37% d'entre elles déclarent ressentir un "mal-être" au travail, contre 24% des hommes (Christine Cohidon, Santé et Travail, Juillet 2008), et leur probabilité d'être sujettes à des Troubles Musculo-Squelettiques (TMS), "toutes choses égales par ailleurs" est de 22% supérieure aux hommes (Nicole Guignon, Dares, 2008). Comment expliquer ces écarts?
Si la division sexuelle du travail a davantage orienté les femmes vers le secteur des services, l'assignation sexuée de leurs tâches n'est pas sans conséquence sur les "stresseurs" auxquels elles sont exposées. Les travailleuses subissent ainsi davantage le "job strain" (Robert A. Karasek, 1979), caractérisé par une forte demande psychologique imposée, et une faible latitude décisionnelle à organiser leur travail. Exposition aux agressions verbales, horaires atypiques, tâches répétitives et pénibles, charge mentale, postures contraignantes, manque d'autonomie, faible évolution professionnelle… autant de marqueurs de conditions particulières de travail affectant les femmes et leur santé, en partie induits par les stéréotypes de genre implantés dans le monde du travail.
Les risques liés aux emplois sont ainsi établis sur la base de "l'homme moyen", s'acquittant des spécificités du travailleur ou de la travailleuse exerçant ceux-ci. Bien que les femmes ne composent pas un groupe social à part entière, les organisations doivent ambitionner de définir au plus près de leurs salariés les risques inhérents l'exercice de leur métier.
C'est ainsi qu'un médecin du travail a pu enregistrer dans une grande entreprise européenne de distribution de courrier, pour le même métier de facteur-trice, un taux deux fois plus élevé d'accidents de travail chez les femmes et un surrisque de 170% à développer des TMS, notamment dus à la manipulation des cyclomoteurs trop hauts et trop lourds. Améliorer les conditions de travail pour les femmes permettrait ainsi de réduire les risques d'accidents de travail pour tous.
Alors que les femmes sont généralement sous-représentées dans les instances décisionnelles des entreprises et faiblement impliquées dans les structures syndicales, il est crucial d'adopter un positionnement volontariste dans la restauration de leur "pouvoir d'agir".
Les impliquer dans les décisions liées à l'élaboration des systèmes de travail, de santé et de sécurité permettrait de résorber à la source les risques professionnels a priori imperceptibles dont elles sont tributaires.
Les leviers d'actions pour les organisations incluent notamment l'intégration de données sexuées dans l'élaboration du Document Unique d'Evaluation des Risques (DUER) et des plans d'actions de prévention, ainsi que l'inclusion de la donnée santé dans la réalisation du Rapport de Situation Comparée (RSC). Lutter contre les stéréotypes de genre, c'est donc veiller à ce qu'aucune femme ne reste dans l'angle mort de la législation en matière de santé et de sécurité au travail.
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