Le contribuable atomisé par la Loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude ?
Le séminaire annuel du Cabinet DPZ Avocats, qui a eu lieu les 1er et 2 juillet 2019, a notamment été l’occasion pour les membres du cabinet de participer au 1er colloque organisé par l’IDPF2 sur le nouvel ordre fiscal (et pénal) mis en place depuis la loi n°2018-898 anti-fraude du 23 octobre 2018.
A titre de propos introductif, il a été rappelé que l’IDPF2 créé en avril 2018 constitue une « intersection » à la rencontre du droit fiscal et du droit pénal que Monsieur Patrick FRYDMAN, Président de la Cour administratif d’appel de Paris, lors de son allocution d’ouverture a comparé à « deux ensembles mathématiques distincts ».
A ce titre, les thèmes suivants relatifs à la pénalisation du droit fiscal ont été abordés :
- L’opportunité des poursuites du parquet après la loi anti-fraude du 23 octobre 2018
- La phase d’enquête, quels moyens spécifiques d’investigations pour quelle instruction ?
- L’administration fiscale, une partie civile comme les autres ?
- Le jugement correctionnel, une audience différente ?
- L’appréhension du droit pénal fiscal par le juge administratif
- L’approche extérieure de la matière notamment du côté belge avec l’intervention de Maître Sabrina SCARNA, avocat au barreau de Bruxelles
Ainsi, nous avons pu apprécier le risque majeur que constitue pour le contribuable, cette « transfiguration du contentieux fiscal » pour citer Maitre Clarisse SAND, Avocat au Barreau de Paris et Présidente de l’IDPF2 notamment par l’élargissement des opportunités de poursuite de l’administration fiscale et l’importance des moyens dont elle dispose.
Désormais, le contentieux fiscal est « pénalisé » dès lors que le montant de la fraude en droits dépasse 100 000 euros ; lorsque la majoration de 80% ou plus est appliquée ou si le contribuable est qualifié de récidiviste lorsque la majoration de 40% est appliquée au cours des 6 derniers années.
Il convient de retenir que ce nouvel aspect de la fiscalité est particulièrement limitatif du point de vue des libertés fondamentales pour le contribuable dans la mesure où l’administration fiscale peut se prévaloir de procédures telles que la CRPC ou la CJIP dans ses procédures de recouvrement. On assiste à « l’atomisation du contribuable ».
De plus dans le cadre de ses investigations, l’administration fiscale peut également s’appuyer sur les déclarations de dénonciations enregistrées par l’organe TRACFIN grâce à son cellule « anti-blanchiment ». En effet, chaque année plus de 80 000 déclarations de soupçons enregistrées par ce service sont transmis aux services et constituent souvent le début du contentieux fiscal voire pénal sur les dossiers retenus.
Concernant le déroulement du procès pénal, il faut noter que l’administration fiscale n’est pas véritablement une partie civile ; elle est plutôt qualifiée par Monsieur Stéphane DETRAZ, Docteur en droit et Maître de conférence à l’Université de Paris Sud, lors de son intervention de « Second Parquet » ou comme « une partie civile aux pouvoirs exorbitants » en raison de son pouvoir d’influence sur le déroulement du procès.
Compte tenu de cet environnement fiscal actuel marqué par la création d’une police fiscale et le durcissement des peines à l’encontre des contribuables "fraudeurs" (5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende), seuls les avocats fiscalistes ET pénalistes seront présents pour rappeler le principe de la présomption d'innocence ?
Docteur en Psychologie
5 ansMerci Delphine pour ton propos. Et j'ajouterai, ainsi que nous en avions rapidement discuté, que parallèlement au cadre juridique dans lequel s'inscriront alors les procédures, c'est également la nomination sociétale ou identitaire dans laquelle glissera le dit fraudeur qui sera révisée. Dans la théorie des ensembles, l'élément à l'intersection se trouve appartenir à tous les registres liés, au même titre que tous ceux n'appartenant exclusivement qu'à l'un de ces ensembles. C'est ce qui conduit le psychanalyste à étudier de manière distincte la loi et la Loi.