Le Crime de l'Orient-Express (Kenneth Branagh)

Le Crime de l'Orient-Express (Kenneth Branagh)

Alors qu'il vient de résoudre une affaire à Jérusalem, le grand enquêteur belge Hercule Poirot se voit contraint et forcé de mettre fin à ses vacances anticipées et de bondir à bord du train Orient-Express afin de rejoindre Londres en toute hâte. Mais le voyage tourne court lorsqu'un éboulement nocturne bloque la voie. Ce qui n'est qu'un contretemps mineur va virer à l'enquête impromptue : un passager est retrouvé mort dans sa cabine, assassiné de plusieurs coups de couteaux.

Au pied du mur, Poirot va mettre tout en œuvre pour retrouver le coupable parmi une intrigante galerie de passagers.

Le plus grand des détectives. Oui, c'est lui, Hercule Poirot, le voici !

L'enquêteur au nez fin et à la moustache finement entretenue inventé par Agatha Christie fait peau neuve dans cette nouvelle adaptation de son classique Le Crime de l'Orient-Express, sorti en 1934 et depuis maintes fois adapté pour le grand et le petit écran. Cette fois-ci, c'est le réalisateur et acteur Kenneth Branagh, reconnu pour ses diverses adaptations de William Shakespeare, qui se glisse derrière et devant la caméra pour dépoussiérer ce classique du whodunit, une enquête criminelle qui a fait date dans l'histoire de la littérature policière.

Il ne sera nullement question ici de revenir trop en détails sur le livre d'Agatha Christie, mais que les lecteurs soient prévenus, le dénouement restera le même, ce qui amoindrira probablement l'expérience de visionnage d'une adaptation plutôt fidèle au roman (à quelques noms près) tout en lui assénant un traitement aussi nouveau que personnel à son réalisateur.

Branagh est un incorrigible touche-à-tout et son savoir-faire lui a souvent permis d'illustrer de grandes fresques épiques chargées de retombées morales importantes sur les personnages dont il a la charge. Fan des grandes histoires et des protagonistes souffrant d'un complexe de supériorité (on pense bien sûr à Hamlet, Victor Frankenstein ou encore Thor), Branagh s'empare ici du récit policier avec toute la gouaille verbale et visuelle dont il est capable, et force est de reconnaître que cela lui sied à merveille. Cabotinant entre accent gravement franchouillard, flegme figé et gentil maniérisme, son Hercule Poirot est aussi savoureux que son sens de la déduction et ses divers traits d'humour (assez en accord avec la verve de Charles Dickens sur lequel le personnage fait une fixette) font systématiquement mouche. Également à l'aise avec les grandes distributions chorales, le réalisateur britannique s'offre ici l'un des casting les plus flamboyants jamais vus : Michelle Pfeiffer, Josh Gad, Derek Jacobi, Penelope Cruz, Willem Dafoe, Judi Dench, Daisy Ridley ou encore Johnny Depp ne sont qu'une partie des grands visages venus incarner les passagers du fameux train, toutes et tous au top de leur jeu. Chacune et chacun vole littéralement l'écran et cela passe immanquablement par une iconisation visuelle admise et assumée par Branagh et la costumière oscarisée Alexandra Byrne (Elizabeth : l'Âge d'Or).

Filmer l'intérieur d'un train est un exercice souvent délicat et par une multitude d'angles de vues et l'usage d'un plan séquence au milieu d'une gare bondée, Branagh parvient à faire du fameux Orient-Express un personnage à part entière, ronronnant, fumant et traçant à toute vitesse au milieu des éléments, se muant par la suite en un élément de décor chaud et inquiétant une fois rendu à un arrêt forcé au dessus du vide. Le théâtre du meurtre se transforme alors en un lieu de huit-clos oppressant dont les multiples cabines deviennent alors le prétexte idéal à une intrigue à tiroir. Et qu'il s'agisse de manger ou de chercher, Poirot est toujours au buffet.

Toutefois, c'est avec un certain sens du faste que Branagh adapte ici le récit, lui apportant en sus de quelques touches de modernisme une identité visuelle parfois un peu outrancière dans ses extérieurs, entre autres lors des plans aériens du train qui respirent le fond vert et l'image de synthèse très moyenne. Un gain de temps certain en termes de tournage pour un rendu parfois maladroit qu'on retrouvait déjà dans les plans numériques de Thor. En plus d'un jeu expansif (qui s’étend jusque dans l'impossible moustache que s'est imposé l'acteur), ce besoin quasi maladif du grandiose pourrait rebuter certains addicts du roman initial ou de la sobriété du Poirot incarné avec brio par David Suchet entre 1989 et 2013. De la part de Branagh, il ne fallait pas en attendre moins et il est même plutôt étonnant qu'avec une telle distribution à son service le film n'ait coûté que 55 millions de dollars.

Sans jamais désavouer ce sens du cinéma qui lui est propre, Kenneth Branagh s'offre le luxe de quelques trouvailles narratives et visuelles extrêmement bien senties, comme le rassemblement des suspects sous forme d'hommage à la Cène biblique, le débulage des plans pour suggérer le trouble de l'enquêteur obsédé par l'équilibre ou via une séquence de meurtre en flash-back qui soulage autant qu'elle dérange franchement, en partie grâce à l'usage du noir et blanc et d'un thème hautement asympathique composé par le brillant Patrick Doyle.

Divertissement haut en couleurs, cette enquête d'Agatha Christie vue par Branagh reste une proposition on ne peut plus acceptable, incroyablement distribuée, pas fidèle à la virgule près mais assez bien emballée pour qu'on s'y intéresse et mieux : qu'on s'y attache. Les résultats du film étant assez solides, la pré-production d'une suite a été lancée – adaptée du tout aussi célèbre Mort sur le Nil.

Le Hercule Poirot de Kenneth Branagh réussira-t-il là où le Sherlock Holmes de Guy Pierce a échoué ?

Avec sa moustache et sa logique toute géométrique, Poirot pourrait profiter du succès au nez et à la barbe du détective de Baker Street et l'envoyer droit dans les choux.

BANDE-ANNONCE









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