le digital et le sens du travail

On peut se demander s'il n'y a pas une sorte de loi qui se dégage de la digitalisation:

PLUS UNE ENTREPRISE SE TRANSFORME ET EMPLOIE LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES, PLUS SES SALARIES PERDENT LE SENS DE LEUR TRAVAIL.

Le digital est utilisé de plusieurs manières en entreprise: dans les processus et leur automatisation, le professionnel qui travaille sans bien comprendre la finalité du processus dans lequel il s'inscrit, ni de qui il reçoit ses informations et à qui il transmet le résultat de son travail, a bien du mal à percevoir l'utilité et le sens de son travail. On parle ici du sens comme direction: où va l'entreprise, quelle est son orientation? et par suite, est-ce que mon travail va dans la bonne direction? à quoi sert-il réellement? Celui qui ne perçoit pas la finalité d'un process a peu de chance de percevoir la stratégie de sa division et la direction prise par l'entreprise. De même le salarié qui n'entend parler que de chiffres et de pourcentages ne peut pas comprendre quelle est la stratégie. A trop regarder la réalité à travers des chiffres le management a du mal à exprimer ce qu'il veut faire en termes compréhensibles par tous.

Le digital est aussi un moyen de faire des économies: travail à domicile, nomadisme, management multi-sites, vidéoconférence et webinar... le numérique permet de faire beaucoup plus sans quitter sa chaise ou son fauteuil dans son salon. Dans un premier temps les relations se passent bien ; on développent de bonnes discussions à travers internet et le travail fonctionne bien en dépensant moins en locaux et déplacements. Mais progressivement un manque apparaît, les professionnels s'enferment dans leurs intérêts personnels, la chaleur humaine décroît et les managers ne connaissent plus leurs équipes. Le sens découle aussi des valeurs vécues réellement sur le terrain. Se battre pour réussir ensemble, pour soutenir ceux qui sont en difficulté, pour conserver des emplois, pour intégrer des personnes handicapées ou pour établir des relations conviviales avec les nouveaux embauchés sont aussi des objectifs porteurs de sens.

Le mot sens a un autre sens; il veut dire aussi signification. Les générations d'avant le 21ème siècle travaillaient pour nourrir leur famille, pour réussir socialement, pour développer l’entreprise. Aujourd'hui on aime savoir si les produits sont de bonne qualité, respectent l'environnement, ne sont pas employés à des fins destructrices, n’utilisent pas des composants produits par des enfants... Les questions se multiplient, ce qui oblige à introduire la notion d’éthique dans les affaires. Personne ne s’en plaindra. Le sens se rapporte ici à la signification et à la notion de cause: à quelle cause l’entreprise et sa stratégie se raccrochent-elles? Quelle est la responsabilité sociétale et environnementale de l’entreprise?  Est-ce que mon travail a du sens? En quoi fait-il avancer une cause? En quoi cette dernière se rapproche de mes convictions?

Les demandes de sens augmentent à la fois parce que les technologies numériques peuvent détruire le sens du travail, mais aussi sous l'effet de individualisme du 21ème siècle qui se caractérise par des questionnements beaucoup plus fréquents et dès les premières années de la vie en entreprise. Saurons nous les écouter ? Saurons nous reconstruire le sens perdu par la digitalisation?