Le dilemme du prisonnier
Il y a un an, le programme économique d’un futur président de la république reposait sur la mise à contribution du capital issu de la rente pour privilégier et alléger la charge supportée par le travail.
Une idée à la frontière de la théorie Keynésienne et Marxiste, le dogme en moins. Redonner le gout du travail à une société qui n’en avait plus. Valoriser le travail a été perçu par différentes classes sociales et démographiques comme l’alpha et l’oméga de ce qui permettrait à la France de sortir de la crise de 2008. En 1936, dans « la théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie » J M Keynes émettait une idée similaire en fustigeant le rentier inactif, voir parasite, de la société. Le rentier accumule le capital, ne consomme pas en rapport de sa rente et ne sert donc pas le système productif puisqu’il n’investit pas dans ce dernier. Il freine la création d’emploi voir détruit de l’emploi, rend la consommation atone et ainsi de suite… il provoque la crise.
A y regarder de plus près, le pari n’était pas de dresser le rentier en principal responsable de la crise mais de le pousser à se mettre à table pour jouer.
Le dilemme du prisonnier. On a tous dans nos études et surtout pour les moins de trente ans eu à réfléchir sur cette théorie des jeux dont le précurseur et le fondateur fut Von Neumann (1903, 1957). Mathématicien, tout comme Keynes, il traversa la première partie du siècle dernier. Surdoué, il a côtoyé les plus grands mathématiciens dont Einstein, participa au projet Manhattan, initia et développa l’architecture des ordinateurs que nous utilisons aujourd’hui. Il voulut inscrire l’économie comme une science. Il formalisa mathématiquement les comportements des agents économiques afin de prévoir les évolutions des cycles économiques. Avant lui Keynes avait mis en évidence que le comportement des agents économiques expliquait en partie les crises économiques, c’est ainsi qu’ils mirent les mathématiques au service de la Science Economique.
Que dit ce dilemme. Il prend l’exemple de deux personnes qui sont arrêtées par la police qui les soupçonne d’un méfait grave. Les deux prisonniers sont enfermés séparément et ne peuvent communiquer. Le policier les interrogent séparément et leur propose, sans que l’autre soi mis au courant, un marché. Si l’un deux se confesse et accuse l’autre, aucune charge ne sera retenue contre lui et une peine de 10 ans de prison sera retenue contre l’autre. Si chacun témoigne contre l’autre tous les deux devront faire quatre ans de prison. La logique veut que chacun témoigne de façon à n’être condamné qu’à 4 ans de prison. Mais le meilleur résultat serait qu’aucun ne balance l’autre de façon à sortir libre.
L’égoïsme est le fond du problème et le résultat montre que pour sortir gagnant d’un jeu de cette sorte … on coopère. La coopération est le résultat optimum. Quel que soit le jeu, il est compétitif quand on joue seul mais il est coopératif dès que l’on joue à deux. A long terme seule la coopération permet d’être gagnant /gagnant. Plusieurs jeux de stratégie économique montrent le même résultat, que l’on soit un artisan, une multi nationale ou un pays confronté à la concurrence.
Revenons à ce qui nous occupe. Les premiers projets de loi sont bien inspirés de la théorie des jeux. Prendre par le biais de la CSG une fraction de pouvoir d’achat en contrepartie d’une augmentation du pouvoir d’achat des actifs, c’est demander à une génération de coopérer avec l’autre. Faire baisser puis annuler la taxe d’habitation, c’est faire coopérer les EPCI avec les ménages. Favoriser voir encourager l’épargne salariale, c’est mettre en coopération le salarié et l’entrepreneur. Le tout en amoindrissant l’impact négatif du rentier.
Et c’est là que ça coince. Car à ne pas avoir complètement explicité le jeu de rôle proposé, c’est une bonne partie de la population qui s’est crue dans le rôle du rentier. La France serait elle égoïste dans son ensemble ?
C’est aller un peu vite. Mais la coopération doit être une évidence pour les deux parties. Lorsque l’on prend à l’un il est fortement recommandé de lui expliquer à qui va profiter ce gain et lui montrer qu’il en va d’une amélioration globale de la situation de l’ensemble des joueurs.
Ainsi et même si on peut rejeter la faible croissance des deux derniers trimestres sur les autres joueurs qu’ils soient nationaux ou internationaux, il semble comme on dit, que la mayonnaise a du mal à prendre. La stabilité du chômage en ajoute aux doutes qu’ont les joueurs sur le jeu. Alors on demande aux joueurs du temps pour voir une amélioration globale des gains.
Evidement comme le disait Keynes à long terme nous serons tous morts. Mais depuis que Von Neumann a posé les bases scientifiques de l’informatique et que d’autres ont bâti la société de l’information, le long terme de Keynes n’existe plus. Demain, c’est déjà aujourd’hui et dans la théorie des jeux les gains doivent rapidement apparaitre pour que la coopération entre les joueurs perdure.
On peut se prendre à espérer que le 21e siècle sera coopératif ou ne sera pas. La tendance montre que les entreprises qui ont adopté un management coopératif sont plus performantes. La victoire de l’équipe de France en coupe du monde est là pour nous le rappeler.