Le Doing Business qu’est-ce que c’est ?
Durant l’été 1983, un groupe de chercheurs travaillant avec M. Hernando de Soto a réuni toutes les autorisations nécessaires pour ouvrir un petit atelier de couture dans la périphérie de Lima (Pérou). Leur objectif était d’évaluer le temps que cela prendrait. Et la réponse est hallucinante 289 jours. L’hypothèse émise par M. de Soto, qui s’est révélée exacte par la suite, était d’évaluer et de savoir comment l’efficience des pouvoirs publics pourrait les pousser à s’améliorer. Dans la préface de l’édition révisée de son ouvrage « L’autre sentier », écrit en 2002, M. de Soto écrit que, grâce aux changements apportés aux réglementations et aux procédures, le même atelier pourrait aujourd’hui recevoir toutes les autorisations nécessaires en une journée.
Aujourd’hui la possibilité de trouver un emploi ou de développer son idée d’entreprise est cruciale pour la satisfaction personnelle de la plupart des gens. Cela crée un sentiment d’appartenance et de mission à accomplir et peut être source d’un revenu assurant la stabilité financière. Elle peut sortir les gens de la pauvreté ou les empêcher d’y entrer. C’est pourquoi un secteur privé florissant contribue à une société plus prospère, car il permet à de nouvelles entreprises de créer des emplois et de développer des produits novateurs. Les pouvoirs publics jouent à cet égard un rôle crucial car ils apportent une dynamique au cadre des entreprises. Ils fixent les règles qui définissent et clarifient les droits de propriété, qui réduisent le coût associé à la résolution des litiges et qui augmentent le caractère prédictif des transactions économiques. En l’absence de règles judicieuses uniformément appliquées, les entrepreneurs ont plus de difficultés à créer et à développer des entreprises petites et moyennes, qui sont pourtant des outils de croissance et de création d’emplois dans la plupart des économies du monde. Ainsi, pouvons-nous dire que la mise en place d’une mesure de la réglementation des affaires améliore-t-elle la performance des entreprises ? Cas du Doing Business. Qu’est-ce que le Doing Business ? Quels en sont ses avantages et ses limites eu égard de sa méthodologie ?
Le Doing Business, évalue les aspects de la réglementation qui facilitent ou entravent la création, le fonctionnement ou l’expansion des entreprises du secteur privé. Ces réglementations sont évaluées à l’aide de onze (11) jeux d’indicateurs : création d’entreprise, obtention d’un permis de construire, raccordement à l’électricité, transfert de propriété, obtention de prêts, protection des investisseurs minoritaires, paiement des taxes et impôts, commerce transfrontalier, exécution des contrats, règlement de l’insolvabilité et réglementation du marché de l’emploi. Ainsi, Le projet Doing Business mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 190 économies et dans certaines villes au niveau infra-national et régional.
Lancé en 2002 par la Banque Mondiale, le projet Doing Business analyse les petites et moyennes entreprises au niveau national et mesure la réglementation s'appliquant à celles-ci tout au long de leur cycle de vie.
En collectant et en analysant des données quantitatives détaillées pour comparer les cadres réglementaires applicables aux entreprises du monde entier au fil du temps, Doing Business encourage la concurrence entre les économies pour la mise en place d'une réglementation des affaires efficaces. Aussi, Doing Business propose également des points de comparaison mesurables pour réformer et offre une source documentaire pour les universitaires, les journalistes, chercheurs du secteur privé et d'autres personnes s'intéressant au climat des affaires dans les économies du monde entier.
Le Doing Business améliore-t-il la performance des entreprises, une bonne performance au Doing Business est en moyenne associée à des niveaux moindres d’inégalité des revenus. C’est notamment le cas des indicateurs de création d’entreprise et de règlement de l’insolvabilité. En effet, il y a un lien entre le ralentissement de la croissance économique et le creusement de l’inégalité des revenus, bien que la validité de cette affirmation soit sujet de discussion. Les études liant inégalité et croissance économique indiquent, par exemple, qu’une inégalité des revenus plus prononcée est associée à une assiette fiscale plus petite et donc à une moindre perception de l’impôt et à un plus fort endettement des Etats. Donc, plus les conditions permettant la création d’entreprise (de revenu) seront favorables, plus les inégalités seront faibles. Ainsi, la réglementation commerciale peut-elle aussi être un facteur permettant d’expliquer la différence de revenus entre les personnes vivants au sein d’un même pays ? Une réglementation commerciale transparente et accessible facilite l’accès aux marchés des personnes de tous niveaux de revenu ainsi que le développement de leurs entreprises.
Les avantages
Les indicateurs Doing Business sont très efficaces pour identifier les signes de danger dans l’environnement des affaires. Pour définir les meilleures solutions, il est avant tout nécessaire de comprendre la nature du problème : en quoi les réglementations lourdes pénalisent les entreprises. Le succès d’une entreprise requiert un niveau raisonnable de retour sur investissement. Pour cela, il faut que les revenus soient supérieurs aux coûts et aux risques associés à l’entreprise. Les indicateurs Doing Business mesurent un certain nombre de facteurs qui influent sur les coûts et les risques liés à la création et la gestion d’une entreprise. Un aperçu même rapide suffit à comprendre que de mauvais scores pour les indicateurs « Création d’entreprise », « Octroi de licences » et « Embauche des travailleurs » sont le signe de coûts élevés qui rendent difficile la concurrence avec d’autres pays. Quant aux indicateurs « Protection des investisseurs », « Exécution des contrats » et « Fermeture d’entreprise », ils indiquent des facteurs de risque. En fait, chaque indicateur a un effet à la fois sur les coûts et les risques. De mauvais scores, en particulier lorsqu’ils sont faibles pour un grand nombre d’indicateurs, donnent deux indications importantes. D’abord ils signifient aux investisseurs potentiels que le pays peut être simplement trop risqué pour un investissement. Ensuite ils aident à comprendre l’insuffisance du développement économique du pays : le niveau des scores et celui du revenu par habitant sont étroitement corrélés. Au total, la force des indicateurs, lorsqu’ils sont bien utilisés, permet d’orienter les réformateurs non pas vers le simple changement de la valeur d’un indicateur, mais vers l’identification de défauts systémiques dans un domaine spécifique de la réglementation des affaires qui alourdissent les coûts et les risques des entreprises.
Les limites
Les rapports Doing Business reposent sur des réponses à des questionnaires concernant les différents types de réglementation du travail en vigueur dans chaque pays. Les questionnaires laissent du champ à l’interprétation et aux jugements de valeur, puisqu’ils se fondent sur la perception de la personne interrogée, ce qui aboutit inévitablement à une certaine subjectivité. Les rapports Doing Business étant publiés sur une base annuelle, ils ne peuvent tenir compte d’une partie des modifications et réformes législatives qui interviennent de manière quasi-permanente. En outre, les performances des pays ne peuvent être évaluées en termes absolus, car certaines précisions font défaut. Plus gênante est la dynamique induite par le classement des pays en fonction de leur degré de (dé)réglementation. Les auteurs des rapports Doing Business affirment que le classement des pays incite fortement à engager des réformes, car chaque État envisagera sa position surtout par comparaison aux autres pays (en particulier à ceux de sa région). En d’autres termes, lorsqu’ils choisissent de réformer, les décideurs politiques s’intéresseront avant tout à l’évolution de la position relative du pays, quel que soit son niveau de départ. Aussi, en dépit de ses efforts de réforme, un pays pourrait seulement conserver le même rang, ou carrément « régresser » simplement parce que d’autres pays seraient de « meilleurs réformateurs » ou que de nouveaux pays seraient inclus dans le rapport. L’exercice du classement incite donc très clairement à la réforme continue. Du fait de l’aspect concurrentiel des classements émis par Doing Business, certains gouvernements sont tentés d’améliorer la valeur des indicateurs sans régler les véritables problèmes. Il est relativement simple de réduire le coût et le délai de création d’une entreprise, mais cela ne suffit pas nécessairement à rendre la démarche attractive pour un investisseur. Le premier « abus » dans l’utilisation des indicateurs Doing Business consiste donc à ne modifier que les conditions simples de l’indicateur, et non ses causes profondes. Le deuxième a trait à la priorité des actions. Comme il est possible de faire varier les classements concurrentiels en modifiant la valeur des indicateurs, certains décideurs choisissent d’engager les réformes les plus simples, qui ne sont pas nécessairement les plus importantes pour les entreprises ou l’économie. Par exemple, l’indicateur « Commerce transfrontalier » mesure à la fois le coût et le délai des importations et des exportations dans un chiffre unique. Les améliorations sont plus faciles à apporter dans le domaine des restrictions à l’importation. L’indicateur peut donc être amélioré sans faire évoluer la situation des exportations, qui sont pourtant susceptibles d’avoir un impact économique supérieur. Un troisième abus consiste à penser que lorsque les indicateurs sont bons, ils signifient qu’il n’y a pas de problème.
En fin, Selon Kaushik Basu, ancien économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale : Une économie moderne ne peut fonctionner sans réglementation et, en même temps, elle peut être mise à l'arrêt par une réglementation lourde et déficiente. Le défi du développement est d’emprunter ce sentier étroit en identifiant les règlementations qui sont utiles et nécessaires tout en évitant celles qui entravent la créativité et le fonctionnement des petites et moyennes entreprises. Le rapport Doing Business du Groupe de la Banque mondiale examine les systèmes réglementaires et bureaucratiques des nations en procédant à des études annuelles détaillées. Pour les décideurs politiques confrontés au défi de la création d’emplois et de la promotion du développement, il convient d’étudier comment les nations s’en sortent selon les différents indicateurs de Doing Business.
L’amélioration du climat des affaires et donc un enjeu pour nos gouvernements qui ne cessent de scruter le classement du pays années, après années. Cette concurrence ouverte à travers le code d’investissement de nos Etats afin d’améliorer le classement du pays n’est telle pas un manque à gagner au plan fiscal ? En absence d’une union fiscale communautaire cas de l’UEMOA, ne risquerait-elle pas de créer une compétition fiscale entre nos Etats ?
Source: Doing Business 2014, comprendre les réglementations pour les petites et moyennes entreprises. The world Bank, 11ème EDITION Doing Business 2017, égalité des chances pour tous, The world Bank, 14ème EDITION