Cette si petite partie de votre cerveau qui rend plus lucide.
Quoi de plus important dans la vie que de savoir prendre les bonnes décisions ? C’est vrai dans tous les domaines : professionnel, familial, domestique, social et même religieux. Une mauvaise décision peut avoir des conséquences fâcheuses, comme vous gâcher un week-end, pourrir votre relation amoureuse (demandez à Roméo) ou plomber les résultats de votre entreprise. Par exemple, le capitaine d’un navire peut battre le record de vitesse de traversée de l'Atlantique, mais il y a des menaces d’iceberg à l’horizon. Alors, on fonce ou on est prudent ?
D’où l’importance de comprendre la façon dont notre cerveau prend une décision – je parle ici de décision réfléchie, et non d’un réflexe piloté par l’instinct, comme par exemple pour éviter un projectile. Dans leur série d’articles intitulés La théorie des perspectives, Daniel Kahneman et Amos Tversky ont montré que, placé face à un choix, notre esprit sollicite deux circuits cognitifs distincts, commodément appelés 1 et 2. Pour simplifier, 1 est intuitif et propose rapidement une solution. Tandis que le circuit 2, qui fait appel à la logique, est plus lent et plus consommateur d’énergie. Or, par défaut le cerveau développe une stratégie heuristique, c’est-à-dire qu’il favorise toujours la solution la moins coûteuse en temps et en énergie. C’est pourquoi il privilégie le circuit 1, dont Kahneman dit qu’il est le héros de l’histoire. Pourtant, s’il arrive que 1 ait raison (une bonne intuition, ça existe), il est soumis à de nombreux biais qui affectent le jugement.
En voici un exemple. Daniel Kahneman demande à des étudiants de grandes universités américaines de lui dire si le syllogisme "Toutes les roses sont des fleurs, certaines fleurs fanent vite, donc les roses fanent vite" est vrai ou faux. Une large majorité répond qu'il est vrai – Biiip, mauvaise réponse, soufflée par le circuit 1. En effet, d’un point de vue strictement logique il peut exister le cas de roses qui, bien qu’étant des fleurs, ne font pas partie de celles qui fanent vite. Ici, le biais est dit "de croyance" (je sais que beaucoup de roses fanent vite, donc je ne vérifie pas le lien logique des deux premières affirmations).
Autre biais : l’aversion à la perte – le circuit 1 préfère miser des petites sommes que des montants importants, même s’il a plus de chances de gagner dans le second cas. Ce n'est pas logique, c'est intuitif. Et ainsi de suite. Au total, Kahneman a recensé pas moins de 250 biais significatifs, qui sont autant de pièges dans lesquels le circuit 1 tombe systématiquement.
A l’inverse, si le système 2, logique et plus réfléchi, peut aussi commettre des erreurs, du moins sont-elles moins nombreuses et mieux assumées, puisque faisant suite à un véritable travail de réflexion. L’idéal est bien sûr de parvenir à mobiliser les deux systèmes, et ne pas se contenter du premier. Quand cela arrive-t-il? Quand le cerveau est agité par le doute.
L'idée en a été apportée par deux neurobiologistes, Antonio Damasio (dans L’erreur de Descartes) et plus tard Olivier Houdé (Le raisonnement), qui ont évoqué l’existence d’un troisième système. Logé dans l’aire Cortex Préfrontal VentroMédian (CPVM), celui-ci inhibe le système 1 et permet le déploiement du système 2. Il se déclenche quand l’esprit s’aperçoit que le problème posé pourrait comporter un piège, par exemple parce qu’il a été confronté au même type de situation dans le passé. Dans ce cas, il passe en mode alerte et « décide » de prendre le temps d’exercer une réflexion approfondie basée sur la logique, donc sur le système 2. Cette alerte porte un nom : le doute.
Quand vous doutez, vous mobilisez le système 3 qui vous oblige à ne pas vous contenter de l’appréciation rapide et intuitive de la situation, mais de mettre en branle votre capacité logique. Face au choix, vous disposez alors de deux visions complémentaires, chacune proposant sa solution. La probabilité de se tromper est beaucoup plus faible. Et c’est prouvé ! Reprenant l’expérience du syllogisme (cf ci-dessus), Olivier Houdé a montré que si les étudiants sont préalablement alertés qu’il y a un piège, le taux de bonnes réponses passe de 20% à à 80%.
Or, nous nous sommes fabriqués un monde dont nous confions systématiquement les rênes aux grandes gueules. Non pas en fonction de leur capacité à prendre de bonnes décisions, mais au contraire à leur capacité à montrer qu’ils savent en toute circonstance dans quelle direction il faut aller. Voyons-nous, au cours d’un débat, un homme politique hésiter face à une question ? Jamais. Les communications d’entreprises reconnaissent-elles qu’elles ne sont pas infaillibles ? Uniquement quand elles n’ont plus le choix, en situation de crise. Plus on est arrogant, supérieur et sûr de son fait, plus on est écouté, suivi, et dans les pires cas vénéré – cf. les sectes. Alors certes, il faut de tout pour faire un monde. En ces temps d’incertitude et de complexité galopante, il faut savoir se forger des convictions et affirmer son leadership – mais cela ne devrait pas empêcher la pratique du doute, n’est-ce pas ?
Enfin, je crois.
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7 ansSuper article Philippe. Selon moi, on doit apprendre à maîtriser son doute face à ce que l'on lit et entend, en mettant en pratique et en testant de façon pragmatique. Se forger une idée soi même en se disant que l'on ne détient pas la vérité absolue. Et toujours rester humble :)