Le fléau des somnifères...

Le fléau des somnifères...

D’après l’ANSM, 41,1 millions de boites de benzodiazépines hypnotiques ont été vendues en 2015 en France. Malgré une baisse depuis 2010, cette consommation reste très élevée. Sur une période allant de 2012 à 2014, 15% des patients sous benzodiazépines ont eu une durée de traitements non conforme.
Nous allons voir les risques entrainés par la consommation des hypnotiques au long cours ainsi que diverses solutions pour diminuer leur consommation.

 

L’insomnie

L’insomnie est très fréquente puisqu’on estime qu’environ 50% de la population des pays occidentaux en est touchée.

De nos jours, on privilégie une définition subjective de l’insomnie qui est caractérisée par un sommeil difficile à obtenir, insuffisant, insatisfaisant et non réparateur.

Le mécanisme des insomnies n’est pas véritablement établi et de nombreux phénomènes sont susceptibles d’intervenir. On peut notamment citer : les douleurs chroniques, les troubles cardio-respiratoires, l’apnée du sommeil, la dépression et les troubles psychiatriques ainsi que la consommation de certains médicaments. On peut mentionner certaines insomnies isolées primaires qui n’ont pas de causes évidentes.

En pratique, on retrouve des insomnies occasionnelles qui se manifestent dans des situations particulières (stress intense, choc, décès) et des insomnies chroniques, beaucoup plus compliquées à prendre en charge et qui entrainent des perturbations parfois très invalidantes pour le patient.

 

Les médicaments utilisés

Avant toute chose, il est important de savoir que pendant longtemps, les insomnies étaient traitées grâce aux barbituriques. Ces médicaments présentent une marge thérapeutique étroite et de nombreux effets indésirables. C’est pourquoi, depuis une trentaine d’années, ils ne sont plus utilisés dans cette indication. En revanche, on retrouve le phénobarbital dans le traitement de certaines formes d’épilepsie.

 

Les benzodiazépines

Les benzodiazépines sont des molécules basiques et lipophiles et ainsi peuvent donc franchir la barrière hémato-encéphalique.

En ce qui concerne leur mécanisme d’action, les benzos sont des agonistes allostériques des récepteurs GABA-A du GABA (acide gamma-aminobutyrique) : c’est-à-dire qu’elles ne fixent pas sur le même site que le GABA. Elles entrainent une augmentation de la concentration en Cl-, une hyperpolarisation neuronale et une relaxation.

Les benzodiazépines présentent 5 propriétés communes : hypnotiques, anxiolytiques, myorelaxantes, anticonvulsivantes et amnésiantes.

 

Parmi les benzos les plus hypnotiques on retrouve :

- le loprazolam

- le lormetazepam

- le nitrazepam

- le temazepam

- l’estazolam

 

On peut noter que l’intensité des propriétés des benzodiazépines diffèrent entre elles. En effet, cela est dû aux différences structurales entre chaque molécule ainsi qu’à la grande diversité des récepteurs GABA-A.

En règle générale, les benzos hypnotiques présentent une demi-vie d’élimination plus courte que celles anxiolytiques afin d’éviter les problèmes au réveil.

 

Les apparentés aux benzodiazépines

On retrouve le zopiclone et le zolpidem. Ils sont plus maniables d’utilisation que les benzodiazépines car ils ne présentent pas de propriétés anxiolytiques… Ils respectent mieux l’architecture du sommeil. De par leur demi-vie d’élimination courte, les risques de somnolences diurnes sont moindres par rapport aux benzos.

 

Les antihistaminiques H1

Comme leur nom l’indique, ces molécules étaient utilisées comme antiallergiques avant qu’on ne leur découvre des propriétés hypnotiques.

Ils sont beaucoup moins à risque que les benzos, mais leurs effets sont plus modestes.

On retrouve :

- l’hydroxysine

- la doxylamine

- l’alimémazine

 

Prescription d’un hypnotique 

L’instauration d’un traitement hypnotique est le seul fait du médecin (sauf pour la doxylamine qui n’est pas soumise à prescription médicale obligatoire). En fonction de la ou des causes de l’insomnie, le médecin devra choisir la molécule la plus adaptée pour le patient.

En ce qui concerne les insomnies occasionnelles, un traitement court de l’ordre de 3 à 5 jours est recommandé. Pour les insomnies chroniques, le traitement pourra être prolongé mais ne devrait pas excéder 4 semaines. Les hypnotiques ne peuvent être prescrits que pour une durée de 1 mois non renouvelable (sauf les antihistaminiques).

   

Les problèmes liés à la consommation d’hypnotiques au long cours

De nombreux médecins renouvellent sans discernement le traitement hypnotique de leurs patients. Et de nombreux pharmaciens délivrent ce traitement sans réellement poser de questions quant à l’usage de ces produits à leurs patients. Cela amène à une surconsommation ainsi qu’à des durées d’utilisation beaucoup trop importantes.

Les benzodiazépines et apparentés sont susceptibles d’entrainer un phénomène d’accoutumance chez le patient, obligeant ce dernier à augmenter de plus en plus les doses afin de bénéficier des effets hypnotiques. De plus une dépendance est très souvent retrouvée, avec des patients qui ne peuvent plus dormir sans leur médicament.

L’usage des hypnotiques est très problématique chez les personnes âgées qui présentent généralement un sommeil perturbé. Ils sont susceptibles d’entrainer des pertes de mémoires, des confusions, des vertiges avec risques de chute, des somnolences diurnes. Parfois, on retrouve des hallucinations.

De plus, les benzos sont susceptibles d’entrainer des insuffisances respiratoires.

Pour les antihistaminiques, en revanche, les effets indésirables sont moindres, même si des somnolences diurnes et des vertiges peuvent se manifester.

 

Comment arrêter un hypnotique utilisé depuis longtemps ?

Tout d’abord, il est indispensable d’expliquer au patient qu’il ne faut pas qu’il stoppe son traitement du jour au lendemain. En effet, cela peut entrainer un phénomène de sevrage mal toléré ainsi qu’une insomnie rebond. L’arrêt doit toujours se faire de manière progressive.

Il est capital de parler aux patients des risques d’un traitement prolongé aux somnifères et de comprendre pourquoi le médicament est systématiquement renouvelé. Si le patient adhère, il faut l’inciter à en parler à son médecin traitant.

 

Voici un exemple de posologie décroissante

Monsieur K, 72 ans est sous zolpidem depuis 3 ans. Le traitement a été initié par son médecin traitement suite à des insomnies tenaces et n’a jamais été réévalué.

- Zolpidem 1 le soir pendant 1 mois

- Zolpidem 1 le soir, alterner avec ½ le soir un jour sur 2 pendant 1 mois

- Zolpidem ½ le soir pendant 1 mois

- Zolpidem ½ cp 1 jour sur 2 pendant 1 mois

- Zolpidem ½ de manière très occasionnelles si besoin

 

Comment accompagner cette décroissance grâce à la phyto-aromathérapie ?

De nombreuses plantes médicinales et huiles essentielles présentent des effets hypnotiques intéressants afin d’accompagner le patient dans sa décroissance posologique.

 

L’eschscholtzia (Eschscholtzia californica)

Cette belle papavéracée riche en alcaloïdes isoquinoléiques améliore la qualité du sommeil et facilite l’endormissement.

 

La valériane (Valeriana officinalis)

Riche en iridoïdes et en flavonoïdes, cette plante est reconnue pour ses propriétés anxiolytiques et sédatives. Elle améliore la qualité du sommeil. De nombreuses méta-analyses permettent de conclure à l’utilité de la valériane dans les troubles du sommeil, et cela malgré la faible méthodologie utilisée.


 La passiflore (Passiflora incarnata)

Plantes aussi belle qu’utile, la passiflore est riche en flavonoïdes, en alcaloïdes indoliques et en composés phénoliques. Elle améliore la qualité du sommeil et présente des effets hypnotiques. Elle stimule les récepteurs GABA-A du GABA.

 

La mélisse (Melissa officinalis)

Cette plante envahissante à l’odeur citronnée est riche en composés phénoliques. De nombreuses études chez l’animal ont montré ses effets inducteurs du sommeil. Elle inhibe l’action de la GABA décarboxylase, enzyme qui intervient dans la dégradation du GABA.

 

L’aubépine (Crataegus laevigata, Crataegus monogyna)

Elle est riche en oligomères procyanidiques et en flavonoïdes. Elle possède des activités sédatives intéressantes. Mais son tropisme est plutôt cardiaque. Ainsi, calme-t-elle, les états d’insomnies d’origines cardiaques.

 

L’agripaume (Leonurus cardiaca)

Cette plante est peu utilisée. Pourtant, elle possède des effets antispasmodiques et hypnotiques de type valérianique très intéressants.

 

HE de lavande officinale (Lavandula officinalis)

Merveilleuse HE riche en linalol et acétate de linalyle. Elle possède des propriétés anxiolytiques et sédatives.

 

HE de petit grain bigarade (Citrus aurantium var amara)

Riche en linalol, acétate de linalyle et présence de composés azotés : anthranilate de méthyle. Elle est très sédative et antispasmodique.


Il est primordial de conseiller ces plantes en connaissance de cause et selon les particularités physiopathologiques de chaque patient. Une étude approfondie des traitements médicamenteux est nécessaire pour éviter toute interaction délétère.

 

Exemples de protocoles pouvant compléter la décroissance posologique des somnifères

 

Chez un patient qui n’arrive pas à s’endormir

- EPS valériane 150 ml + EPS eschscholtzia 150 ml : 10 ml le soir 1 mois à renouveler si besoin

- HE de lavande officinale ou de petit grain bigaradier en inhalation sèche : quelques gouttes sur un mouchoir et 10 cycles respiratoires

 

Chez un patient très stressé avec palpitations

- EPS aubépine 150 ml + EPS mélisse 150 ml : 10 ml le soir 1 mois à renouveler

- TM de leonurus cardiaca : 20 gouttes au diner et 15 au coucher : 1 mois à renouveler

- HE d’ylang ylang : en inhalation sèche sur un mouchoir, 10 cycles respiratoires. Très utile en cas de tachycardie et de palpitations

 

Chez une personne algique

- EPS valériane 150 ml + EPS passiflore 150 ml : 10 ml au coucher 1 mois à renouveler

 

Conseils à donner

- éviter les boissons à base de caféine

- éviter les écrans avant de se coucher

- éviter les repas trop gras le soir

- éviter l’alcool en soirée

- ne pas dormir dans une pièce surchauffée

- rituel du coucher +++

 

Sources :

Calop, J. (no date) pharmacie clinique et thérapeutique. 4ème. Elsevier masson.

Faucon, M. (no date) traité d’aromathérapie scientifique et médiacles. 2019th edn. Sang de la terre.

Lapraz, J.-C. and Carillon, A. (no date) plantes médicinales : phytothérapie clinique intégrative et médecine endobiogénique. 2018th edn. Lavoisier.

Lorrain, E. (no date) grand manuel de phytothérapie. 2019th edn. Dunod.

Philippe Banel

Formateur en Aromathérapie Scientifique et Auteur

3 ans

Merci Thibaut Chiapolino pour ce rappel salutaire fort bien écrit !

Céline B.

Infirmière et naturopathe (certification FENA)

3 ans

Merci Thibaut Chiapolino! Je rajouterais la nécessité de (re)prendre conscience de son corps, de pratiquer une activité physique très régulière, des exercices de respiration, de relaxation, de cohérence cardiaque... dont les résultats sur les capacités à favoriser un sommeil de qualité sont maintenant prouvés.

Kevin Burdin

Responsable scientifique et formation | Herboriste | Enseignant vacataire passionné

3 ans

Merci Thibaut =)

Anne-Françoise Bassin

Coach vitalité & succès chez Vitalitypower Ambassadrice produits de santé et bien-être

3 ans

Très bon article. Merci. Et dans la liste des plantes qui favorisent le sommeil sans effets secondaires je rajouterais l'huile de chanvre

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