Le fluvial, accélérateur de la décarbonation des transports
© LouisFerdinand

Le fluvial, accélérateur de la décarbonation des transports

J’ai participé fin septembre à une table ronde au LH Forum, un événement créé au Havre, en 2012, par Jacques Attali et Edouard Philippe pour sensibiliser le plus grand nombre à l’économie positive et valoriser les meilleures initiatives environnementales, sociales et économiques. Pour cette édition 2021 consacrée à l’eau, j’ai eu le plaisir d’intervenir sur le sujet des transports décarbonés.

Il est vrai que les transports représentent 25% des émissions de CO2 dans le monde, et jusqu’à 41% en France. Sur cette part des émissions de CO2 liées au transport dans le monde, la très grande majorité (environ 75%) est issue du transport routier – fret et transport de passagers. Viennent ensuite l’aviation et la navigation, puis le rail.

Pire encore, si l’on poursuit sur la trajectoire actuelle, les émissions dues aux transports devraient augmenter de 60% d’ici à 2050. Or, pour atteindre les objectifs des accords de Paris, il faudrait que les émissions du fret baissent de 45 % et celles du transport de passagers de 70 %.

Il y a urgence à agir pour décarboner les transports et l’ingénierie a toute sa place à prendre dans ce combat.

De nombreuses initiatives sont prises dans l’automobile, l’aviation et le rail, initiatives auxquelles Egis contribue pleinement. Mais j’ai choisi de mettre plus particulièrement l’accent sur le transport fluvial, avec en particulier la construction du canal Seine-Nord-Europe.

Le fluvial représente actuellement seulement 2% du transport de marchandises en France ; pourtant, une seule péniche à grand gabarit peut transporter l’équivalent de 200 camions lourds et, selon l’Ademe, le transport fluvial émettrait deux à quatre fois moins de CO2 que le transport routier sur une distance comparable. Il s’agit donc un atout majeur pour la décarbonation du fret, qu’il faut accompagner et développer.

 La nouvelle vague du transport fluvial 

Le développement du transport fluvial n’est bien sûr pas une idée nouvelle : dès l’Antiquité, les Egyptiens et les Romains transportaient pierres et vin par bateau, avant que le transport fluvial ne connaisse une croissance sans précédent au XIXème siècle en raison de l’essor du transport de charbon. On parle alors de « fièvre des canaux », dont la longueur quadruple en quelques décennies seulement.

Après un passage à vide au début du XXème siècle, les qualités environnementales du transport fluvial lui donnent un second souffle à partir des années 1980. Sous l’impulsion de Michel Rocard, l’établissement public Voies Navigables de France est créé en 1990 pour structurer le développement du transport par voie d’eau.

Le canal Seine-Nord Europe : une solution pour décongestionner l’A1 ?

C’est également à cette époque que ressurgit l’idée d’un nouveau canal reliant la Seine et le Canal Dunkerque-Escaut, qui serait capable d’accueillir des péniches de 3 000 tonnes. C’est une des missions de Voies Navigables de France : compléter le maillage des canaux à grand gabarit en France.

Ce canal Seine-Nord Europe, dont Egis et ses partenaires assurent la maîtrise d’œuvre sur les ¾ du tracé, est un outil formidable pour accélérer la décarbonation du transport de marchandises. Il doit permettre de favoriser le report de transports carbonés (et notamment le transport routier) vers des transports moins carbonés, tout en désengorgeant l’autoroute A1 qui relie Paris à Lille.

 Généraliser l’éco-conception

Avec 6 écluses et 61 ponts routiers et ferroviaires, cette infrastructure de 107 km de long pour 54 mètres de large est unique en France. Elle illustre surtout parfaitement le rôle que peuvent jouer les ingénieurs dans la protection de l’environnement.

Cet ouvrage est pensé de bout en bout sur le mode de l’éco-conception : c’est-à-dire qu’à chaque étape du projet, de sa construction à son exploitation, les équipes se posent la question de son impact sur l’environnement et mettent en œuvre des solutions pour réduire cet impact.

L’objectif est de se poser les bonnes questions au moment de la conception d’un projet, en réalisant par exemple l’alimentation du canal par l’Oise et non par les nappes phréatiques. Cela signifie aussi compenser l’impact environnemental inhérent à la phase de construction, en préservant ET en restaurant la biodiversité autour du canal.

 ***

 Bien sûr, la construction du Canal Seine-Nord Europe ne résoudra pas tous les problèmes liés aux émissions du CO2 issus des transports. Mais il permet de faire un pas dans la bonne direction, dans une logique de complémentarité des modes de transport. Plus lent, le transport fluvial est moins adapté au transport de personnes. Mais son développement doit s’accompagner en parallèle de réflexions sur d’autres types de transport vertueux, comme le rail, avec l’extension du nombre de lignes à grande vitesse.

Il faut faire évoluer le système, et cesser d’envisager séparément les problématiques de transport de passager, transport de marchandise, énergie, environnement… Il est impératif de réfléchir dès le départ à des solutions qui intègrent tous ces éléments. Il faut tenir un discours de vérité : cela nécessite des moyens importants, mais le bilan socio-économique restera toujours favorable. L’urgence climatique ne nous permet plus d’attendre.

 

 

Benoit Bergeron

Directeur Commercial - Transport Interurbain (Rail & Route) chez Egis

3 ans

Le fret fluviale comme maillon d’une chaîne multimodale plus large avec notamment le ferroviaire est une démarche qui va permettre de véritablement rendre l’un et l’autre (fret fluvial et fret ferroviaire) encore plus attractif, j’en suis convaincu. A cet égard, le partenariat entre SNCF et Voies navigables de France va être très intéressant à suivre. Egis a d’ailleurs toutes les compétences pour supporter et accélérer ce développement

Depuis le temps …!

Mohamed SOUIAH

Direction BU I Ingénierie & Services I Travaux ferroviaires I Bâtiment I Ouvrage d'Art I Voie ferrée I Caténaires I Système Signalisation I Matériel Roulant I Formation technique I Management de projet I Assistance MOA

3 ans

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