Le goût de l'exotisme
Dans mon coin de pays, un pays reculé des grands centres et dominé par le vent des traditions, il n’existe aucune référence utile pour échanger, découvrir, voire goûter et reconnaître la qualité et le savoir-faire culinaire de l'Asie. L'exotisme local, où j'habite, se résume à bien peu de choses.
En saison, il y a bien quelqu'un qui vient faire des poutines dégoulinantes de sauce et de fromage fondu dans un camion aménagé à côté du magasin général. Occasionnellement, au supermarché, il arrive aussi qu'une vieille dame coiffée d'un bigouden breton présente la qualité commerciale de nouvelles préparations à crêpes, prêtes à utiliser. Et, mis à part les sempiternels hot-dogs des lieux sportifs, il y a aussi cet homme et son fils qui surgissent de nulle part pour offrir des sandwichs fourrés de viandes effilochées et de sauce pimentée lors du derby annuel de démolition.
Enfin, au-delà de ces festins populaires, l’apport d’une culture alimentaire exotique se limite au faux chinois qui tient un restaurant sur la rue principale du village et qui sert des repas numérotés, d’un à dix. Il semble toujours offrir le même numéro beige avec des petits maïs mous cultivés en conserve sur le dessus d’une tonne de fèves germées. Il accompagne ses repas à tout coup d'une soupe won ton à l’eau tiède que l'on colore rapidement de sauce soya en sachet pour relever d'un iota, le parfum de l'exotisme.
Photo : Éric Gourdon