Le Lac d’Aleg : un grand potentiel de production agricole et aquacole encore peu valorisé
Par le nombre de personnes qu’il nourrit et l’effectif d’emploi, direct et indirect, qu’il crée, l’élevage est un secteur stratégique pour les communautés rurales vivant autour du Lac d’Aleg. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, de l’agriculture sous pluie. Le tourisme, axé sur la chasse saisonnière des oiseaux d’eau et la pêche, sont des occupations très accessoires.
L’élevage et l’agriculture, deux activités souvent conflictuelles, parfois complémentaires, constituent d’importants atouts comparatifs pour la souveraineté alimentaire de ce terroir. Elles restent encore faiblement valorisées. Les données quantitatives et qualitatives qui les concernent sont lacunaires et souvent anciennes.
Ce contexte incite à conduire des recherches scientifiques pluridisciplinaires pour combler ce vide. Comment alors aligner les priorités de cette recherche scientifique endogène aux besoins et aux priorités de ces communautés rurales souvent assez diffus ?
Cette tâche est très ardue compte tenu de la complexité du montage de ce type de recherche, des processus de mobilisation de financement et des ressources humaines, de la difficulté de transfert de connaissances vers des acteurs de base, peu préparés à appliquer une telle offre scientifique, souvent assez sophistiquée.
Beaucoup de scientifiques à travers le monde considèrent que la recherche fondamentale, libre de tout engagement envers la Société surtout en matière d’application, est le type de recherche le plus important et le plus gratifiant pour un scientifique.
La capacité de la Science à contribuer aux objectifs de ces communautés rurales dépend aussi de facteurs situés bien au-delà de celle-ci : accessibilité technique, coût ; résultats escomptés. Les liens entre la recherche et les résultats palpables obtenus par ces communautés ne peuvent pas être prédits à priori et avec précision.
Une visite de quelques heures du Lac d’Aleg (5000 ha) permet de saisir rapidement la richesse de la biodiversité floristique qui demande à être étudiée, conservée et valorisée. Trois espèces retiennent l’attention :
Gynandropsis gynandra (connue sous le nom de Chemkar)
Tribulus terrestris, connue localement sous le nom de Tadreissa, tristement célèbre pour ces épines mais présentant un grand intérêt médical et alimentaire)
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Neptuna sp -Hanna-
Nous traitons dans cette livraison la première espèce.
La plante araignée (Gynandropsis (Cleome) gynandra) est couramment consommée comme légume -hakou-dans certaines communautés mauritaniennes surtout pendant les périodes de pénurie alimentaire. Cette plante est tolérante à la sécheresse et capable de bien pousser dans une large gamme de conditions climatiques et édaphiques adverses.
Elle est riche en nutriments essentiels : protéines, vitamines, minéraux. Sa teneur en acides gras polyinsaturés présente de grands intérêts pour la santé. C’est une source riche en vitamines (A et C) facilement accessible et à coût réduit, en protéines (23,4%), en fibres (8,3%) et minéraux essentiels (Uusiku et al.,2010). Moyo et al. (2018) ont montré que les feuilles de gynandra possèdent plus de concentrations de calcium, de fer, de phosphore, de potassium et la vitamine C que d’autres légumes de référence comme les choux. Or 29,9% des femmes âgées de 15 à 49 ans étaient touchées par l’anémie en 2019 (FAO et al., 2021).
Suivant différentes études scientifiques conduites en particulier en Afrique et ailleurs, cette plante a un rôle potentiellement critique dans l’alimentation, la nutrition et la génération de revenus au profit des communautés rurales. Elle continue d’être négligée et sous-utilisée. Au lac d’Aleg, elle pousse dans les champs des agriculteurs pendant la saison des pluies.
Les feuilles possèdent des composés phytochimiques, polyphénoliques très utiles pour la santé humaine et animale. Elles comprennent des flavonoïdes, des ions essentiels, des polyphénols et des terpénoïdes (Chataika et al., 2022). Elles renferment d’autres composés pouvant être utilisés comme compléments alimentaires, comme arômes et colorants ainsi que pour prolonger la durée de conservation de divers produits.
Malgré ses avantages réels, il n’y a presque pas de recherche scientifique et d’investissement dans le développement de la culture de cette plante autochtone aux multiples vertus nutritionnelles, alimentaires et médicinales.
Un programme de recherche, comme celui qui sera déployé par l’Université de Nouakchott en partenariat avec des instituts mauritaniens comme l’ISSM sur financement de l’Union européenne vient à point nommé. Il est prévu de privilégier dans ce cadre la recherche action, d’application quasi-immédiate, pour contribuer à une croissance inclusive et un développement durable porteur d’espoir pour ce terroir et les autres zones similaires. Les caractéristiques de cette communauté rurale demande des solutions techniques et organisationnelles collectives er complémentaires : hydraulique villageoise, accès à l’énergie renouvelable, techniques culturales améliorées, offre de semences sélectionnées, élevage de poissons, ….
Ce programme de recherche permettra de soutenir les efforts déployés par les pouvoirs publics, les élus locaux et les partenaires techniques et financiers, de diversifier et d’augmenter la production agricole notamment de cette plante pour lutter contre la malnutrition de ces communautés à proximité du Lac d’Aleg via la consommation directe sous forme de légumes ou comme aliments pour le bétail et le poisson d’élevage.
Informaticien|spécialiste en passation des marchés publics|systèmes d'informations| SIG| suivi et évaluation
3 moisBonsoir Dr, Merci pour cet article très intéressant qui attire l'attention sur ce lac qui revêt une grande importance pour la population locale. Je pense qu'un regard sur les images satellite de la zone montre que l'affluant principal " Wad kety" à été fortement touché par les avancées des dunes de sable. A cela s'ajoute un nombre significatif de barrages, digues et diguetes sur le long du bassin versant " wad kety". Ainsi, la quantité d'eau qui provient au lac ne satisfasse plus aux besoins de la population. La quantité d'eau a diminué et les terres arables aussi.