Le licenciement consécutif à une demande de résiliation judiciaire
L’introduction par le salarié d’une demande de résiliation judiciaire devant le Conseil de Prud’hommes ne rompt pas le contrat de travail et ce, contrairement à la prise d’acte.
Le contrat de travail se poursuit donc jusqu’à ce que le juge statue sur le bien-fondé de la demande du salarié. Etant rappelé que la résiliation judiciaire du contrat sera prononcée, et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’il est démontré que l’employeur a commis des manquements graves ayant empêché la poursuite du contrat de travail[1].
Bien souvent, et dans l’attente de la décision des juges, le salarié est en arrêt de travail, ce qui entraine la suspension de son contrat.
Lorsque tel n’est pas le cas, le salarié est tenu d’accomplir normalement ses fonctions dans le respect de ses obligations contractuelles. Et ce, peu important les manquements graves que le salarié reproche à son employeur au soutien de sa résiliation judiciaire.
Toutefois, la poursuite de l’exécution du contrat de travail peut parfois conduire l’employeur à prononcer un licenciement à l’encontre du salarié pour des agissements fautifs qu’il aurait commis ou des carences/insuffisances professionnelles.
Pour autant, le licenciement ne peut pas être justifié, même en partie, par la demande de résiliation judiciaire introduite par le salarié.
La Cour de Cassation considère en effet que le fait de reprocher à un salarié dans la lettre de licenciement son action en résiliation judiciaire est un grief constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale et plus particulièrement au droit d’agir en justice[2] .
Ce grief entraine à lui seul la nullité du licenciement sans que le juge n’ait besoin d’examiner les autres motifs de la lettre de licenciement[3].
Dans les faits d’espèce de l’arrêt du 6 octobre 2017[4], le salarié sollicitait la nullité de son licenciement au motif que son employeur lui reprochait un désinvestissement dans ses fonctions depuis la saisine du Conseil de prud'hommes. La référence, selon lui, à son action judiciaire, justifiait l’annulation de son licenciement.
Pour la Haute Juridiction, une distinction doit être faite entre le reproche fait au salarié d’avoir intenté une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail et la simple référence à l’existence d’une action judiciaire en cours.
Précisément, en l’espèce l’employeur reprochait au salarié son désinvestissement total dans l’exercice de ses fonctions depuis sa demande de résiliation judiciaire. Ainsi, il lui faisait grief d’avoir cessé toute activité commerciale, d’avoir été absent à des formations internes obligatoires ou encore de ne pas avoir respecté les process internes.
Ce comportement jugé inacceptable à l’égard des collègues et de la hiérarchie du salarié a conduit les juges à valider le licenciement.
=> Il est donc tout à fait possible de prononcer un licenciement consécutivement à une demande de résiliation judiciaire introduite par le salarié, sans que ce licenciement soit nécessairement appréhendé comme une mesure de rétorsion.
Néanmoins, dans la lettre de licenciement, l’employeur ne pourra - et ne devra - jamais reprocher au salarié son action judiciaire.
[1] Cass. Soc. 12 juin 2014, n°12-29.063 et n°13-11.448 ;Cass. Soc 9 avril 2015, n°14-14.365
[2] Article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droit de l’Homme et des Libertés Fondamentales
[3] Cass. Soc 3 février 2016, n°14-18600 ; Cass. Soc 8 février 2017, n°15-28085
[4] Cass. Soc 6 octobre 2017, n°16-11.682