Le logement abordable : Quel rôle pour l'Europe ?
Les 17 et 18 janvier s’est tenu au Parlement Européen un colloque traitant du logement abordable.
Participaient :
Des élus et personnalité de l’institution européenne : Corina Crétu (représentée) vice présidente du Parlement Européen ; Karima Delli, Marc Tarabella, Geoffroy Didier, Edouard Martin, députés européens ; Michaela Kauer coordinatrice de l'urban agenda de l'union européenne ; Icharn Iman rapporteur sur l'agenda européen pour le logement.
Le président de Housing Europe, le président de l'Union Sociale pour l'Habitat, le président et la vice présidente de l'Eurométropole Strasbourg, le maire de Strasbourg , l’ adjoint au maire de Lisbonne en charge du logement, un adjoint de la ville de Cork, l’ adjoint au maire de Freibourg en Brisgau en charge du logement, le président de Plaine Commune, une adjointe à la mairie de Barcelone,
Sont également intervenus : la représentante de l'Union Internationale des Locataires, et une représentante du collectif des sdf pour la prise en charge des migrants. Une représentante de « La Fabrique de la Cité », auteure d’une rapport sur le logement abordable dans les métropoles européennes, qui a réalisé l’exposé introductif.
Les constats :
La question du logement était considérée traditionnellement par l’institution européenne comme une question locale, régionale et nationale avant d’être vue comme relevant d’une compétence européenne ; néanmoins le traité d’Amsterdam laissait la possibilité d’étudier le domaine du logement abordable, public, privé, ainsi que les mécanismes et politiques qui l’animent, ce qui a été fait.
Si les enquêtes menées ont pointé la diversité des situations, structures et politiques, elles ont rapidement conduit à une évidence générale : la période 2008/2018 a été marquée par un déclin massif des investissements dans le domaine du logement abordable, amenant l’Europe a une situation de pré-crise ; ceci à partir de la crise financière de 2008 et tout au long des années qui ont suivi. Il en est résulté une hausse marquée et continue tant des loyers que du coût des logements et maisons alors que les salaires augmentaient peu.
Les investissements dans les « infrastructures sociales » ont donc décru de 20 % entre 2009 et 2018. Il est estimé que le manque d’investissement s’est évalué à environ 57 billions d’euros par an sur la période et qu’il faudrait un plan de 150 billions d’euros sur 10 ans pour compenser ce sous investissement.
Il en résulte qu’aujourd’hui, environ 82 millions d’européens se trouvent désolvabilisés du fait d’un coût du logement devenu trop important ; cette surcharge, exprimée en pourcentage du revenu brut, montre des taux d’effort allant de 25 à 40 voir 50 % alors que le taux d’effort normal en matière de logement locatif est considéré à 25 %. Ce phénomène touche aussi bien les classes moyennes que les classes populaires. Les jeunes et nouveaux arrivants dans les grandes agglomération sont tout particulièrement concernés.
Un rapport de la Banque mondiale considère que la question du logement est au cœur de fractures économiques de plus en plus grandes dans l’Union Européenne et constitue une cause notable de l’érosion de sa cohésion économique sociale et territoriale.
Les villes, agglomérations et Etats en recherche de solutions :
Les pays, à tous niveaux, semblent avoir pris conscience de ce fait et sont en recherche d’instruments, financements et politiques stabilisées et à long terme permettant de remédier à cette situation, s’agissant aussi bien d’une production nouvelle que de la rénovation des immeubles existant et de leur amélioration en matière de dépenses d’énergie.
Parallèlement sont mises en place ici et là des mesures locales ou/et régionales permettant de peser sur les prix de marché, en particulier le marché foncier, ainsi que des mesures visant à éviter qu’une partie notable du secteur locatif privé des grandes agglomérations passe à la location touristique. Les différents villes et agglomérations participantes au colloque ont mis en évidence leurs actions respectives à ce sujet.
L’apport de l’institution européenne :
Le Housing Partnership, créé par l’institution européenne pour travailler sur la question du logement, regroupe autour des représentants de l’UE, des villes , agglomérations, Etats, représentants qualifiés. Il se chargera dans le cadre des prochaines élections européennes de promouvoir la question du logement abordable en tant que thème majeur de campagne. Il propose notamment que l’institution européenne s’engage à :
- soutenir l’investissement dans les « infrastructures sociales » par la création d’une plateforme européenne d’investissement dédiée au logement abordable et de mobiliser la Banque Européenne d’investissement, - pondérer les investissements à long terme en infrastructures sociales dans le calcul du déficit budgétaire des Etats membres, - consolider le cadre juridique européen applicable au logement.
Commentaire de votre serviteur :
Europe protectrice ou Europe libérale ? On voit bien que l’Europe des années 2008 /2018 n’a pas été protectrice et on en voit le résultat dans le domaine du logement abordable. A vouloir à tout prix s’adapter aux grands vents de la mondialisation, les classes populaires et moyennes européennes, sans sont trouvées appauvries sans qu'on en en mesure et donc qu'on en gère les conséquences.
Par ailleurs, ce manque d’action montre au moins deux lacunes dans la compréhension de la situation ayant caractérisé cette période :
- lorsque la conjoncture a été mauvaise, la France dans le passé a eu recours systématiquement aux acteurs du logements social afin qu’ils épurent le marché des projets « plantés » en les rachetant à prix cassés pour en faire des logements sociaux ; de plus , cette action à contre cycle permettait aux entreprises du secteur de maintenir un minimum d’activité et donc de limiter les licenciements ; quelle a été l’action de l’Europe à ce sujet ? Quelle sera son action si l'économie vient à ralentir ?
- autant le logement très social peut être considéré comme un logement "d’aide sociale", autant le logement à prix abordable est le moyen par lequel on permet aux salariés d’un pays ou d’une entité plus grande d’habiter pas trop loin de leur lieu de travail à un prix supportable pour leur budget et donc d’être efficaces en tant que salariés. Il n’y a pas d’efficacité optimale de salariés lorsque ils vivent dans la crainte du surendettement et qu’ils ont chaque jour 2 à 3 heures de transport pour aller à leur travail et en revenir. Quelle sera l’action de l’Europe à ce sujet ?....... affaire à suivre ……
Michel Berthet