Le marché de l’emploi des « Seniors » …, Une question à enjeux pour les DRH …
Un changement de paradigme
Anthropologiquement, il est ancré que les « anciens » jouent, depuis des temps immémoriaux, un rôle déterminant dans la transmission de la connaissance et des savoir-faire. Sans s’appesantir, il suffit de constater, par exemple, que le savoir-faire dans la métallurgie, école d’excellence dans les années 70 /80, a perdu de son assise. La raison tient à ce que les recrutements dans un secteur en décroissance, n’ont pas permis de compenser les départs à la retraite et que le continuum de la transmission sur certaines expertises a été rompue. L’œil de l’opérateur pour évaluer la qualité d’une coulée reste, en effet, plus performant que des capteurs …. Les exemples ne manquent pas. Mais depuis les années 2000, un changement de paradigme s’opère. Les technologies de l’information et la mise en place taylorienne de process dans l’organisation du travail ont eu pour effet que la question de la transmission est devenue moins cruciale. Si on fait un arrêt sur l’image dans le tertiaire, les cadres dans l’exercice de leurs métiers, ont vu progressivement leur savoir-faire décortiquer avec une part de créativité et de négociation de moins en moins prégnante. Cette évolution se traduit certes en gains de productivité et de rentabilité, mais avec une incidence notable sur la transmission qui nécessite de moins en moins le passage de témoin. Il s’agit d’appliquer les process qui ont été pensés et analysés. Les technologies de l’information et les organisations collaboratives ont accéléré ces dernières années ce changement. Bien évidemment, ce tableau est à géométrie variable. Au sein d’une Start-up, la créativité et le savoir-faire ne sont portés que par les jeunes générations en pointe sur les nouvelles technologies. En revanche, la courbe d’expérience reste centrale dans des entreprises qui sont sur de l’innovation empirique et dont le savoir-faire repose sur l’oralité …
Depuis le début des années 2000, les entreprises se sont adaptées à ce changement de paradigme. L’échange intergénérationnel qui était la conditions sine-qua-non de la survie de l’entreprise jusque dans les années 90 n'est plus forcément nécessaires. Bien évidemment la France avec seulement 30 % environ des « seniors » de plus de 60 ans en activité est le mauvais élève de la classe européenne, mais tous les pays sont impactés par cette évolution de l’organisation du travail. Le cas de la France s’explique, pour être honnête sur le sujet, par la multiplication des plans de pré-retraite dans les années 80 et 90… Cependant, plus personne ne disconvient que l’âge de départ à la retraite doit être repoussé compte tenu du vieillissement de la population pour que le système reste soutenable. Point d’optimisme, les mentalités évoluent sur la croyance que les plus âgés sont moins créatifs et productifs …Là également, il faut nuancer en fonction des métiers. Un déménageurs dont la force de travail repose sur l’engagement physique, sera évidemment moins performant à 60 ans qu’à 20 ans. Une vision dogmatique et systémique sur la question de l’emploi des dits « senior » est une facilité et se révèle au niveau de la société et également de l’entreprise contre-productive.
La responsabilité des entreprises est engagée
Le débat public actuel, plein d’arguties et d’opinions ne prend pas suffisamment en compte le modèle de société souhaité et également la question du sens. Voulons-nous une guerre intergénérationnelle ? Voulons-nous une société qui par cynisme décide de ne plus considérer une partie de sa population ? Voulons-nous baisser à terme le niveau des pensions des retraités ? Est-ce que ce débat de société concerne le monde de l’Entreprise ? L’enjeu d’une Entreprise est de gagner de l’argent. Est-ce à l’Entreprise d’apporter des solutions ou aux pouvoirs publics ? Un état qui s’empare de ces sujets en négociant plus ou moins avec les corps intermédiaires, conduit le plus souvent à une crispation du corps social. L’entreprise ne peut pas pour des questions de résonance avec son marché avoir une pyramide des âges trop décalée. Le risque est qu’elle finisse à ne plus parler à son marché ; conception de produits ou de service moins en phase avec ses clients. La production des Smartphone dans un premier temps avait totalement oublié dans sa conception produit les seniors (taille des touches / lisibilité des écrans). Mais surtout, le réel enjeu se situe sur le plan social. L’intergénérationnel est une composante clef du management du dialogue social au sein d’une Entreprise. Les jeunes sont les vieux de demain. C’est hélas inéluctable et les tensions sociétales se reproduisent systématiquement d’une génération à une autre. Un meilleur équilibre induit dans le dialogue social plus de sérénité et d’aborder de façon apaisée les problèmes. Les solutions ne sont pas si complexes à trouver. Les autres pays de la communauté européenne ne sont pas à 30, mais au de-delà des 50 % d’emplois des seniors.
Un levier intelligent : le cumul emploi-retraite.
Pour résoudre cette question, il ne s’agit pas de freiner l’entrée des jeunes générations sur le marché du travail. Bien au contraire. Les mesures des pouvoirs publics ne tiennent pas suffisamment en compte la réalité des métiers et de l’Entreprise. Promouvoir le cumul emploi-retraite à partir de 55 ans, en fonction des métiers et de la pénibilité, constitue sur cette question une réelle réponse, adaptée à la réalité de l’Entreprise. Ceci implique évidemment d’investir sur des dispositifs de développement RH qui permettent d’avoir des réponses individualisées. Par le biais de la négociation sociale, de l’analyse fine des postes de travail et de la valeur ajoutée, l’entreprise pourrait apporter au cas par cas une réponse individualisée et opérer des changements de son organisation du travail sans pour autant compromettre la rentabilité. Sur une population cadre, ce type de dispositif pourrait avoir une incidence sur le niveau des rémunérations des « dits seniors ».Mais, ne peut-on pas envisager une contribution différente à la performance de l’entreprise et revoir les variables et les périphériques de la rémunération ? Faut-il rester sur une position « ad vitam aeternam» de management et de direction ? Est-ce que dans une trajectoire professionnelle sa contribution dans son métier peut être différente ? Peu d’initiatives voient le jour sur ces sujets délicats. La raison tient à la peur de la remise en question des positions conservatrices en matière de gouvernance et surtout d’aller pour l'Entreprise résolument sur le chemin de la contractualisation et de l’individualisation. Tout laisse à penser, que les entreprise « pyramidales » sont vouées à disparaitre, même dans l’industrie avec l’émergence de l’usine 4.0. le risque si rien ne bouge, est d’être confronté dans les dix prochaines années à des modèles sclérosés et avec aucun changement sur le triste constat des résultats français en matière d’emplois des seniors dès l’âge de 45 ans.
La réponse des pouvoirs publics sur l’autoentrepreneuriat est loin d’être satisfaisante et est souvent la première marche au développement de la précarité. Pour les cadres qui présentent une expertise reconnue, le management de transition est une réponse adaptée qui trouve sur le marché un réel écho. En tant que cabinet de recrutement, cela nous apparait comme une solution d’avenir. Il s’agit cependant d’accompagner les cadres dans leur développement commercial et les soulager des questions liées aux contraintes administratives. Cependant, tout le monde ne peut se positionner sur le métier du management de transition …
Une nécessité à ce que les acteurs ; Entreprise, Etat, Salariés soient engagés et centrés sur leurs responsabilités
Chaque époque est confrontée à des situations économiques qui semblent inextricables et laisse la place au défaitisme ou à la révolte ? Il suffit le plus souvent d’allier le courage et aussi le bon sens. Lire une situation uniquement sous un angle court termiste ou comptable (paramétrique) conduit à rester en surface de la réalité . Les pouvoirs publics devraient face à ce constat développer davantage un dialogue constructif, notamment avec les Entreprises. C’est à elles d’apporter en fonction de leurs contextes et de la spécificité de leurs métiers les réponses. Mais un tel vœu nécessite de développer la contractualisation à tous les niveaux et avoir une approche de plus en plus individualisée. La fonction RH a tout son rôle à jouer. Sur ce point, les cabinets de recrutement doivent également s’adapter et passer de fiches de poste interchangeables au design de feuilles de route en co-production avec leurs clients. La contractualisation se construit dès la phase de recrutement. Le rôle de l’Etat en concertation avec les partenaires sociaux est de définir les règles du jeu, de défendre le modèle social (choix démocratique de la nation) et d’assurer que les règles de la République soient respectées. Sur ce point, l’ensemble des questions liées à la non-discrimination, au-delà des seniors, trouve sa réponse en grande partie au sein de l’Entreprise. C’est à elle de prendre ses responsabilités et de mener les projets pour mettre en œuvre des dispositifs pertinents et adaptés.
Dans notre pratique quotidienne de recruteur, nous sommes en permanence confrontés à ces interrogations. Les sujets sociétaux sont toujours en toile de fond de la réflexion des dirigeants. La complexité de ces enjeux est intimement mêlée à la projection stratégique de l’Entreprise sur son marché et au sein de son écosystème. Beaucoup d’entreprises ont amorcé cette réflexion et beaucoup de DRH ont intégré dans leur politique ces dimensions. L’individualisation et la contractualisation prennent des formes différentes d’une Entreprise à une autre. Sur 2020, notre souhait est de donner la parole à des DRH qui ont mis en place des dispositifs innovants ou qui les expérimentent. Ce partage et ces regards croisés sont utiles dans ce débat sensible où les intérêts de l’Entreprise finalement rejoignent ceux de la Nation.
Vaste débat ….
Développez votre capital humain avec succès | Expert en transformation humaine des organisations Achats & Supply Chain Recrutement | Management de transition
4 ansUn très bel article d'Arnaud qui donne un éclairage inédit sur l'évolution du monde du travail et l'évolution des seniors. 👏Pas de déterminisme en la matière, mais du volontarisme. On continue le débat dans nos échanges matinaux. 👍 A lundi
General Manager - Chef de projets - chargé de recrutement
4 ansTrès belle vision et analyse d'un monde qui bouge .
Manager commercial-Coach certifié développement personnel et professionnel
4 ansBonsoir Monsieur Bioul, Analyse pertinente, de l'employablité des seniors, dans le marché du travail. Effectivement, cela nécessite de repenser le model actuel, afin qu'il n yait pas de scission intergénerationnel, mais belle est bien une co construction de la transmission des savoirs, du type monitarat et/ou reverse monitoring. Dans le but d'éviter la déperdition du savoir. Très cordialement.
Chargé de mission chez Direction générale du Trésor (French Treasury)
4 ansMerci Arnaud Bioul de cet éclairage. Avez vous lu notre rapport sur le sujet de l'emploi des seniors publiés en septembre 2019 à Solidarités Nouvelles face au Chômage. Seriez vous intéressé à travailler sur le sujet dans le cadre du Lab2E que nous avons lancé? Vincent godebout notre délégué général peut vous en parler. Bien cordialement.
Directeur Associé @ Ostara Group
4 ans"Une nécessité à ce que les acteurs ; Entreprise, Etat, Salariés soient engagés et centrés sur leurs responsabilités". Certes, mais vous avez oublié des acteurs importants: les recruteurs externes!